La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/1991 | FRANCE | N°78779

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 28 janvier 1991, 78779


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme Henry DANCY, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés au siège social ; la société anonyme Henry DANCY demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, conjointement et solidairement avec l'Etat, le département de la Moselle et la commune d'Ars-sur-Moselle à verser à Mme X... une indemnité de 112 907,05 F plus les intérêts, ainsi que,

verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz d'une part une i...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme Henry DANCY, représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés au siège social ; la société anonyme Henry DANCY demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1986 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, conjointement et solidairement avec l'Etat, le département de la Moselle et la commune d'Ars-sur-Moselle à verser à Mme X... une indemnité de 112 907,05 F plus les intérêts, ainsi que, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz d'une part une indemnité de 367 271,15 F d'autre part au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 30 juillet 1985, les arrérages d'une rente d'accident de travail dont le capital constitutif s'élève à 463 323,64 F, le montant des arrérages et prestations effectivement servis le 27 janvier 1984 étant majoré des intérêts de droit et celui des arrérages échus postérieurement à cette date étant majoré des intérêts à compter de la date de leur versement et l'a condamné à garantir l'Etat, le département de la Moselle et la commune d'Ars-sur-Moselle ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat de la société anonyme Henry DANCY, de la S.C.P. Le Prado, avocat de Mme Francine X..., de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat du département de la Moselle et de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Metz,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont M. X... a été victime le 9 février 1979, à 21 h 25, sur la route départementale n° 6, dénommée rue Clémenceau dans sa traversée de la commune d'Ars-sur-Moselle, où il circulait en automobile, a été causé par les intenses vibrations provoquées par l'état de la chaussée, qui avait le jour même fait l'objet de travaux réalisés par la société anonyme Henry DANCY consistant en trois rangées de trous sommairement rebouchés, s'étendant sur une longueur d'environ 40 mètres, qui lui ont fait perdre le contrôle de son véhicule, lequel a quitté la voie et a violemment percuté un arbre, que M. X... est décédé des suites de cet accident ;
Considérant que si le lieu de l'accident était normalement éclairé par l'éclairage urbain et si une signalisation consistant en quatre panneaux avait été disposé par la société anonyme Henry DANY entrepreneur chargé des travaux, qui annonçaient notamment le rétrécissement de la chaussée et limitaient la vitesse à 60 km/h, cette signalisation était très insuffisante par rapport aux dangers particulièrement graves qu'entraînaient les altérations apportées à l'état de la chaussée, qui auraient justifié une limitation plus importante de la vitesse et, conformément aux instructions ministérielles du 15 juillet 1974 que l'entreprise s'était contractuellement engagée à respecter, la mise en place d'une signalisation lumineuse et d'un balisage indiquant les limites de la portion de voie affectée par les travaux ; que dans ces conditions, ni la société anonyme Henry DANCY ni les collectivités publiques ci-après mentionnées n'apportent la preuve, qui leur incombe, de l'entretien normal de la voie publique ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la société requérante et le ministre de l'équipement, il ne résulte pas de l'instruction que la victime ait roulé à une vitesse excessive ni ait commis une imprudence ;
Considérant que les travaux entrepris rue Clémenceau étaient exécutés pour le compte de la commune d'Ars-sur-Moselle en vue de la réalisation d'un réseau d'assainissement dont la maîtrise d'oeuvre avait été confiée à la direction départementale de l'équipement ;
Considérant que si le département de la Moselle soutient que, n'ayant commis aucune faute, il doit été exonéré de toute responsabilité, ce moyen doit être écarté dès lors que la voie publique sur laquelle a eu lieu l'accident est une voie départementale et que, de ce seul fait, le département de la Moselle était entièrement responsable à l'égard de M. X... dès lors qu'il n'établissait pas l'entretien normal de l'ouvrage ; qu'il ne pouvait s'exonérer en invoquant la faute d'un tiers ;
Considérant dans ces conditions que la société requérante, le ministre de l'équipement et le département de la Moselle ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés, conjointement et solidairement avec la commune d'Ars-sur-Moselle, à réparer les conséquences dommageables de l'accident ;
Sur le montant des préjudices indemnisables :
Considérant qu'en fixant à 70 000 F le montant du préjudice résultant de la douleur morale et des troubles que le décès de M. X... a apporté dans les conditions d'existence de Mme X..., le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, fait une évaluation exagérée de ces chefs de préjudice ;

Considérant que le montant des autres préjudices subis par Mme X... n'est pas contesté ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Metz :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la part de l'indemnité due à Mme X... sur laquelle peut s'imputer la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Metz s'élève à 486 821,75 F alors que les droits de la caisse sont d'un montant supérieur ; que le montant des prestations déjà versées échues le 30 juillet 1985 s'élevant à 367 271,15 F, le solde disponible s'établit à 119 550,60 F ; que, comme le reconnaît la caisse primaire d'assurance maladie de Metz dans le dernier état de ses conclusions, il y a dès lors lieu de ramener de 463 323,64 F à 119 550,60 F le montant du capital de la rente dont les arrérages sont dus à ladite caisse à compter du 1er août 1985, et de réformer dans cette mesure l'article 3 du jugement entrepris ;
Sur les intérêts dus à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz :
Considérant que les premiers juges les ont correctement déterminés en les faisant courir, pour les prestations et arrérages déjà versés, à compter du 27 janvier 1984, date de la demande de la caisse primaire devant le tribunal administratif, et, pour les arrérages échus ou à échoir postérieurement à cette date, à compter de la date de leur versement ;
Sur les appels en garantie :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le département de la Moselle et la commune d'Ars-sur-Moselle n'ont commis aucune faute ; qu'en revanche, la société anonyme Henry DANCY, qui était contractuellement chargée de la mise en place de la signalisation, a commis une faute en réalisant une signalisation insuffisante et contraire aux instructions ministérielles applicables sans la soumettre préalablement, ainsi qu'elle en avait l'obligation, à l'agrément de la direction départementale de l'équipement ; que dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, les premiers juges l'ont condamnée à garantir le département et la commune des condamnations mises à leur charge ;
Considérant cependant que les services de la direction départementale de l'équipement ont commis une faute caractérisée en donnant l'ordre de service de commencer les travaux sans avoir vérifié comme ils le devaient, la conformité du plan de signalisation aux exigences de la réglementation ; que, par suite, il y a lieu de faire partiellement droit aux conclusions de la société requérante tendant à être relevée de l'obligation de garantie à l'égard de l'Etat mise à sa charge par les premiers juges en limitant cette obligation à 50 % des condamnations prononcées contre l'Etat et de modifier dans la mesure de ce qui précède le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 1986 ;
Article 1er : Le montant du capital constitutif de la rente accident de travail dont la rente est due à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz à compter du 1er août 1985 en exécution de l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 1986 est fixé à 119 550,60 F.
Article 2 : La condamnation de la société anonyme Henry DANCY à garantir l'Etat des condamnations mises à sa charge par l'article 4 du même jugement est limitée à 50 % de ces condamnations.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme Henry DANCY, ainsi que les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué présentés par le département de la Moselle et le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagementdu territoire et des transports sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Henry DANCY, à Mme X..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Metz, au département de la Moselle, à la commune d'Ars-sur-Moselle et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award