Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 11 avril 1988 et 22 juin 1988, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 9 mars 1987 par laquelle l'inspecteur du travail de la première section de Marseille a accordé à la société Sorevie Val-Frais l'autorisation de son licenciement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Jean-Pierre X...,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail "tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail" ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que M. Jean-Pierre X..., délégué du personnel, a d'abord été salarié de la société "Maison médicale du régime Val-Frais" et que son contrat de travail en date du 1er juin 1982 lui donnait le bénéfice d'un logement de fonction appartenant à ladite société ; qu'il est constant que la Société Sorevie Val-Frais qui a repris l'activité de la première société est devenue, en application de l'article L.122-12 du code du travail, l'employeur de M. X..., alors que le logement de fonction a été acquis, par acte du 27 juin 1985, par une autre société, la SARL "Médim" ; que l'inspecteur du travail de la première section de Marseille a autorisé la Société Sorevie le 9 mars 1987 à licencier M. X... au motif qu'aucun accord n'avait pu être trouvé entre ce dernier et son employeur qui désirait récupérer ledit logement de fonction afin d'y installer une unité d'autodyalise ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la demande de licenciement n'était fondée sur aucun motif de caractère économique, mais sur le comportement personnel de M. X... à qui il est fait grief de n'avoir pas donné son accord pour modifier son contrat de travail en renonçant au logement de fonction qui en était un élément substantiel ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le motif de la décision de la sociét Sorevie de retirer à M. X... l'avantage substantiel résultant de la jouissance d'un logement de fonction réside dans la volonté de pousser l'intéressé à acheter ce logement à son nouveau propriétaire, la SARL "Médim", qui avait d'ailleurs les mêmes actionnaires que la société Sorevie ; que, dans ces conditions, le refus de M. X... d'accepter cette modification de son contrat n'a pas constitué une faute de nature à justifier la décision de l'inspecteur du travail de Marseille accordant l'autorisation de le licencier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X... est illégale ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 21 janvier 1988 et la décision de l'inspecteur du travail de la première section de Marseille en date du 9 mars 1987sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la société "Sorevie Val-Frais", et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.