Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 septembre 1986 et 14 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant Ferme du Bois de Bonnance à Port le Grand (80132) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 8 juillet 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, sur renvoi du conseil de prud'hommes d'Abbeville, déclaré la décision en date du 8 janvier 1986 à l'inspecteur du travail de l'emploi et de la politique sociale agricoles d'Amiens l'autorisant à licencier M. X... pour motif économique, illégale ;
2°) de déclarer cette décision légale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Froment, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Lepitre, Boutet, avocat de M. Jacques Y... et de Me Pradon, avocat de M. Jacques X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la requête de M. Y... :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.321-9 du code du travail applicable à la date de la décision attaquée, il appartient à l'autorité administrative de vérifier que le motif invoqué par le chef d'entreprise à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement constitue un motif économique d'ordre conjoncturel ou structurel pouvant servir de base au licenciement du salarié ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licencier M. X... de son emploi de chef de culture était motivée, d'une part, par la décision de M. Y... de prendre la direction effective de son exploitation, suite au licenciement, dont il avait été lui-même l'objet, de son emploi de directeur de coopérative, d'autre part, par les difficultés financières de l'exploitation qui présentait un compte prévisionnel déficitaire de 134 000 F pour l'exercice 1985-1986 ; qu'en outre, à l'appui d'un recours gracieux contre le refus qui avait été d'abord opposé à sa demande du 6 novembre 1985, M. Y... avait fait état du retour sur l'exploitation, à compter au 1er avril 1986, de son fils de 23 ans, après une période de stages à l'étranger ; qu'une telle demande, eu égard à la réorganisation des tâches dans l'entreprise et aux économies résultant du mode de gestion familial de l'exploitation qui la motivaient, était fondée sur un motif économique d'ordre structurel ; que, dès lors, en autorisant le licenciement de M. X..., le chef du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles de la Somme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciaton ; qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas saisi d'autre moyen que celui de la réalité du motif économique invoqué, a, sur renvoi du conseil de prud'hommes d'Abbeville, déclaré illégale la décision du 8 janvier 1986 autorisant le licenciement pour motif économique de M. X... ;
Sur les conclusions de M. X... :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'autorisation de licenciement accordée à M. Y... n'était pas illégale et qu'ainsi les conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne sauraient être que rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens, en date du 8 juillet 1986, est annulé.
Article 2 : La décision du 8 janvier 1986 du chef du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles de la Somme autorisant le licenciement de M. X... est déclarée légale.
Article 3 : L'appel incident de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à M. X..., au secrétaire-greffier du conseil de prud'hommes d'Abbeville et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.