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04/03/1991 | FRANCE | N°79528

France | France, Conseil d'État, 5 /10 ssr, 04 mars 1991, 79528


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 1986 et 30 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Edmonde Y..., née X..., demeurant ... au Grau du Roi (30240) ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 14 834 et autres du 28 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation a) de la décision du 28 mars 1985 du maire du Grau du Roi la mettant en demeure de débarasser de toute installation le ponton du port qu'elle occupe, b)

de la décision implicite du maire rejetant son recours adressé ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 juin 1986 et 30 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Edmonde Y..., née X..., demeurant ... au Grau du Roi (30240) ; Mme Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement n° 14 834 et autres du 28 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation a) de la décision du 28 mars 1985 du maire du Grau du Roi la mettant en demeure de débarasser de toute installation le ponton du port qu'elle occupe, b) de la décision implicite du maire rejetant son recours adressé le 28 mai 1985 en vue du renouvellement d'une occupation temporaire du domaine public, c) de l'arrêté du 28 mars 1985 du commissaire de la République du Gard déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement du chenal maritime de ladite commune, d) de la facture qui lui a été notifiée par le maire du Grau du Roi pour le recouvrement de la somme de 46 587,17 F correspondant aux frais de démolition du ponton commercial de la requérante ;
2°) annule pour excès de pouvoir a) la décision implicite du maire du Grau du Roi rejetant son recours adressé le 28 mai 1985 en vue du renouvellement d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, b) l'arrêté du 28 mars 1985 du commissaire de la République du département du Gard déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement du chenal maritime de ladite commune, c) la facture qui lui a été notifiée par le maire du Grau du Roi pour le recouvrement de la somme de 46 587,17 F correspondant aux frais de démolition de son ponton commercial ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 83-663 du 22 juillet 1983 et le décret 83-1104 du 20 décembre 1983 ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu la loi 83-630 du 12 juillet 1983 et le décret 89-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Latournerie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Le Griel, avocat de Mme Edmonde Y...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêté du 28 mars 1985, le préfet, commissaire de la République du Gard a, sur le fondement du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, déclaré d'utilité publique les travaux de démolition et de reconstruction de certains pontons situés en bordure du chenal maritime du port de pêche du Grau-du-Roi ; que, par lettre du même jour, le maire de cette commune a informé Mme Y..., propriétaire de l'un des pontons, de l'existence de cette déclaration d'utilité publique et l'a avisée que la démolition interviendrait dans les quarante huit heures par les soins de l'entreprise chargée des travaux ; que le maire a par la suite tacitement rejeté la demande d'octroi d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public que Mme Y... lui avait adressée le 28 mai 1985, puis a fait parvenir à celle-ci une facture de 46 587,17 F correspondant au coût des travaux de démolition ;
Sur l'arrêté déclaratif d'utilité publique et la lettre du maire du Grau-du-Roi du 28 mars 1985 :
Considérant que les travaux déclarés d'utilité publique par l'arrêté attaqué concernent notamment le ponton commercial dont Mme Y... est propriétaire, et ont également pour objet l'aménagement du quai sur lequel est établi son fonds de commerce ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif a jugé que Mme Y... était dépourvue d'intérêt lui donnant qualité pour attaquer cet arrêté et que son jugement doit, sur ce point, être annulé ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer la demande de Mme Y... dirigée contre l'arrêté ci-dessus mentionné du 28 mars 1985 ;

Considérant qu'il résulte du dossier soumis à enquête que l'opération ne prévoit l'expropriation ou la cession amiable au profit de l'expropriant d'aucun des terrains compris dans les emprises de la déclaration d'utilité publique, lesquels font d'ailleurs dans leur intégralité partie du domaine public de l'Etat ; que les autorisations d'occupation temporaire dont certains des propriétaires des pontons sont titulaires ne constituent pas non plus des droits réels immobiliers de nature à faire l'objet d'une expropriation ; que dans ces conditions, il appartenait à l'autorité chargée de la gestion et de la conservation du domaine de retirer, si elle s'y croyait fondée, les autorisations d'occupation en cours et d'engager une procédure d'expulsion à l'encontre des occupants sans titre ; qu'en revanche, l'opération n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et ne pouvait donc légalement être déclarée d'utilité publique sur le fondement des dispositions dudit code ;
Considérant qu'il s'ensuit que Mme Y... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral susmentionné du 28 mars 1985, ainsi que l'annulation dudit arrêté, et, par voie de conséquence, celle de la lettre du même jour du maire du Grau-du-Roi la mettant en demeure, par suite de l'intervention de la déclaration d'utilité publique, d'avoir à démolir son ponton ;
Sur le refus du maire d'accorder à Mme Y... une autorisation d'occupation temporaire :

Considérant que pour les raisons exposées par le jugement attaqué, dont il y a lieu, sur ce point, de s'approprier les motifs, Mme Y... n'était plus, à la date de la décision attaquée, titulaire d'aucune autorisation d'occupation du domaine public maritime, et que le refus opposé par le maire ne peut donc s'analyser comme le retrait de l'autorisation dont elle aurait précédemment été titulaire ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que ce prétendu retrait aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire doit être écarté ; que la requérante ne saurait dès lors utilement faire valoir que des autorisations auraient été maintenues ou renouvelées à d'autres propriétaires de pontons ;
Sur la facture jointe à la lettre du maire du 17 octobre 1989 :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, Mme Y... n'était plus, au 17 octobre 1985, titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime ; que, par ordonnance du 17 avril 1985 devenue définitive, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a enjoint la libération des lieux et autorisé, à défaut, l'autorité publique à procéder elle-même à la démolition de l'installation ; que cette démolition devant nécessairement intervenir aux frais du propriétaire, c'est à bon droit que, par la lettre contestée, le maire du Grau-du-Roi a enjoint à Mme Y... de payer la somme correspondante et que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, sur ce point, rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme Y... dirigées contre l'arrêté préfectoral du 28 mars 1985 et la lettre du même jour du maire du Grau-du-Roi.
Article 2 : L'arrêté préfectoral du 28 mars 1985 et la lettre dumême jour du maire du Grau-du-Roi sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Y..., au maire du Grau-du-Roi et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 5 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 79528
Date de la décision : 04/03/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - PROTECTION DU DOMAINE - CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE - POURSUITES - CONDAMNATIONS - REMISE EN ETAT DU DOMAINE - Ponton installé sur le domaine public maritime - Absence de titre d'occupation - Décision du juge des référés autorisant l'autorité publique à procéder aux frais du propriétaire à la démolition de l'installation - Légalité de la lettre enjoignant au propriétaire de payer la somme correspondante.

24-01-03-01-04-02-02 Mme P. était propriétaire d'un ponton situé sur le domaine public maritime. Par ordonnance devenue définitive, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a enjoint à Mme P., en l'absence d'un titre l'habilitant à occuper le domaine public maritime, de libérer les lieux et autorisé, à défaut, l'autorité publique à procéder elle-même à la démolition de l'installation. Cette démolition devant nécessairement intervenir aux frais du propriétaire, c'est à bon droit que, par la lettre contestée, le maire du Grau-du-Roi a enjoint à Mme P. de payer la somme correspondante.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - Champ d'application de l'article L - 11 du code de l'expropriation - Opération n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L - 11 - Travaux de démolition et de reconstruction de pontons relevant du régime de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

34-01 Le préfet, commissaire de la République du Gard ayant, sur le fondement du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, déclaré d'utilité publique les travaux de démolition et de reconstruction de certains pontons situés en bordure du chenal maritime du port de pêche du Grau-du-Roi. L'opération ne prévoit l'expropriation ou la cession amiable au profit de l'expropriant d'aucun des terrains compris dans les emprises de la déclaration d'utilité publique, lesquels font d'ailleurs dans leur intégralité partie du domaine public de l'Etat. Les autorisations d'occupation temporaire, dont certains des propriétaires des pontons sont titulaires, ne constituent pas non plus des droits réels immobiliers de nature à faire l'objet d'une expropriation. Dans ces conditions, il appartenait à l'autorité chargée de la gestion et de la conservation du domaine de retirer, si elle s'y croyait fondée, les autorisations d'occupation en cours et d'engager une procédure d'expulsion à l'encontre des occupants sans titre. En revanche, l'opération n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L.11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et ne pouvait donc légalement être déclarée d'utilité publique sur le fondement des dispositions dudit code.


Références :

Code de l'expropriation L11-1


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mar. 1991, n° 79528
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. Latournerie
Rapporteur public ?: M. Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:79528.19910304
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