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20/03/1991 | FRANCE | N°73342

France | France, Conseil d'État, 20 mars 1991, 73342


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 novembre 1985 et 10 mars 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NGMR, dont le siège social est ..., représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE NGMR demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 septembre 1985 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en tant que par ledit jugement ce tribunal : 1) a limité à 212 975 F la somme que la société Champagne Parc Auto est condamnée à lui verser

en réparation du préjudice qu'elle a subi en sa qualité d'ayant droit ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 novembre 1985 et 10 mars 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NGMR, dont le siège social est ..., représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE NGMR demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 septembre 1985 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en tant que par ledit jugement ce tribunal : 1) a limité à 212 975 F la somme que la société Champagne Parc Auto est condamnée à lui verser en réparation du préjudice qu'elle a subi en sa qualité d'ayant droit de la société Grands Magasins à Saint-Jacques du fait de la perte d'un immeuble à la suite des travaux de construction d'un parc public de stationnement ; 2) a laissé à sa charge une somme de 35 882,43 F au titre des frais d'expertise ; 3) a mis hors de cause la ville de Reims ;
2°) condamne solidairement la société Champagne Parc Auto et la ville de Reims à lui verser une indemnité de 3 011 088 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 19 mars 1983 et les intérêts pour chaque année échue ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE NGMR ayant droit de la société Grands Magasins à Saint-Jacques, de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de MM. X... et Y..., de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat du bureau d'études Berim, de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de la société "Champagne Parc Auto" et de la S.C.P. Le Bret, Laugier, avocat de la ville de Reims,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de l'appel principal dirigées contre la ville de Reims :
Considérant qu'il résulte de l'objet et de l'ensemble des stipulations du contrat par lequel la ville de Reims a confié à la société "Champagne Parc Auto" la construction et l'exploitation d'un parc souterrain de stationnement que ce contrat constitue une concession de travaux publics et de service public ; qu'en application des principes généraux applicables à un tel contrat, la société "Champagne Parc Auto" est substituée à la ville de Reims en ce qui concerne la réparation des dommages résultant de la construction et du fonctionnement de l'ouvrage public concédé ; que la responsabilité de la ville ne saurait être engagée à l'égard des victimes de tels dommages qu'à titre subsidiaire, en cas d'insolvabilité du concessionnaire ; qu'il n'est pas allégué que ce dernier soit insolvable ; qu'ainsi les conclusions dirigées contre la ville de Reims doivent être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre la société "Chapagne Parc Auto" :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise ordonné par le président du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne que l'apparition des désordres qui ont compromis au cours de l'année 1979 la stabilité des immeubles de la société "Grands Magasins à Saint-Jacques", situés à l'angle de la rue des Capucins et la rue Henri Jadart à Reims, société aux droits de laquelle vient la SOCIETE NGMR, a été provoquée par la construction d'un parc public de stationnement entreprise à proximité desdits immeubles par la société "Champagne Parc Auto", concessionnaire de la ville de Reims ; qu'elle s'explique notamment par les infiltrations d'eau consécutives au déplacement de canalisations d'égout, entrepris dans le cadre de cette construction ainsi que par les vibrations créées par les travaux de forage du mur écran du "parking" ; que si les désordres ont été sensiblement aggravés par le mauvais état d'entretien des immeubles et notamment les faiblesses affectant les fondations et s'il y a lieu d'atténuer en conséquence la responsabilité encourue par la société "Champagne Parc Auto", la société requérante est fondée à soutenir que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en ne condamnant la société "Champagne Parc Auto" à réparer que le quart des conséquences dommageables de la construction du parc de stationnement ; qu'il y a lieu de porter cette condamnation aux trois-quarts de ces conséquences dommageables ;

Considérant qu'en fixant à la somme de 640 668 F le préjudice subi par la requérante sur la vente de ses immeubles et en y ajoutant la somme de 215 229,83 F représentant les frais qui avaient été engagés pour la rénovation des bâtiments et leur transformation en locaux à usage commercial, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a fait une juste appréciation du préjudice subi par la SOCIETE NGMR ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de cette société tendant à ce que soient inclus dans le montant de son préjudice d'une part les bénéfices purement éventuels qui auraient été retirés de la vente des locaux commerciaux, et d'autre part une somme forfaitaire non assortie de justifications au titre du trouble commercial et financier et de divers frais d'honoraires et d'expertise ; qu'ainsi, le montant total du préjudice indemnisable subi par la SOCIETE NGMR s'établit à la somme de 855 897,83 F ;
Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité mentionné ci-dessus, il y a lieu de faire partiellement droit aux conclusions principales de la SOCIETE NGMR en condamnant la société "Champagne Parc Auto" à lui verser la somme de 641 923,37 F et de rejeter les conclusions du recours incident de la société "Champagne Parc Auto" tendant à ce qu'elle soit déchargée de toute condamnation ;
Considérant que la SOCIETE NGMR a droit aux intérêts de la somme de 641 923,37 F à compter du 19 mars 1983, date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 novembre 1985 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les frais d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du 18 mai 1982 du président du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne à la somme de 47 763,24 F doivent être mis à la charge de la société "Champagne Parc Auto" ;
Sur les conclusions en garantie de la société "Champagne Parc Auto" contre ses cocontractants et sur l'appel provoqué du bureau d'études Berim :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le contrat conclu le 14 janvier 1987 entre la ville de Reims et la société d'économie mixte "Champagne Parc Auto" présentait le caractère d'un contrat de concession de travaux publics et de service public ; que, dès lors, c'est en sa qualité de concessionnaire et non pas en agissant pour le compte de la ville de Reims que la société "Champagne Parc Auto" a conclu des contrats avec MM. X... et Y..., architectes, le bureau d'études Berim, la société Serequip et l'entreprise Soletanche ; que ces contrats, conclus entre des personnes privées, ont le caractère de contrats de droit privé dont il appartient aux seules juridictions judiciaires de connaître ; que, dès lors, la société "Champagne Parc Auto" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ses conclusions ; que, par voie de conséquence, les conclusions du bureau d'études Berim doivent être rejetées ;
Article 1er : La somme que la société "Champagne Parc Auto" a été condamnée à verser à la SOCIETE NGMR est portée à 641 923,37 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mars 1983. Les intérêts échus le 8 novembre 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 47 763,24 F sont mis à la charge de la société "Champagne Parc Auto".
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE NGMR, les conclusions de la société "Champagne Parc Auto" et celles du bureau d'études Berim sont rejetés.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 10 septembre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NGMR, à la société "Champagne Parc Auto", à MM. X... et Y..., au bureau d'études Berim, au bureau d'études Serequip, à la société Soletanche, à la ville de Reims et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


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