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29/03/1991 | FRANCE | N°81439

France | France, Conseil d'État, Section, 29 mars 1991, 81439


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 août 1986, présentée par M. Joseph X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 4 juillet 1986 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté son recours dirigé contre la décision du 18 novembre 1985 de la commission départementale de la Loire-Atlantique relative à la récupération sur la succession de son fils, M. Denis X..., décédé le 6 juin 1984, dans la limite de l'actif disponible, de la somme représentant les frais de séjour de cel

ui-ci au foyer de Monplaisant du 31 juillet 1978 au 1er mai 1980 pris ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 22 août 1986, présentée par M. Joseph X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 4 juillet 1986 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté son recours dirigé contre la décision du 18 novembre 1985 de la commission départementale de la Loire-Atlantique relative à la récupération sur la succession de son fils, M. Denis X..., décédé le 6 juin 1984, dans la limite de l'actif disponible, de la somme représentant les frais de séjour de celui-ci au foyer de Monplaisant du 31 juillet 1978 au 1er mai 1980 pris en charge par le département de la Loire-Atlantique ;
2°) d'annuler les décisions de la commission départementale et de la commission d'admission faisant droit au recours en récupération du département de la Loire-Atlantique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 22 février 1988 du président de la 1ère sous-section de la section du Contentieux ayant rejeté les conclusions à fin de sursis à exécution de la décision du 4 juillet 1986 de la commission centrale d'aide sociale ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, des recours sont exercés par le département contre la succession du bénéficiaire de l'aide sociale, et qu'aux termes de l'article 168 du même code, relatif à l'aide sociale aux personnes handicapées : "Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées ... dans les foyers et foyers-logement sont à la charge : 1°) A titre principal, de l'intéressé lui-même ... 2°) Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé, et sans qu'il y ait lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé." ;
Considérant que M. Denis X..., handicapé hébergé au foyer de Monplaisant à Saint-Paul de Varax, a acquitté une partie de ses frais de séjour du 31 juillet 1978 au 16 août 1980 dans ledit foyer à l'aide de l'allocation aux adultes handicapés dont il était bénéficiaire, et que le surplus de ces frais a été pris en charge par l'aide sociale ; que le département de la Loire-Atlantique ayant entendu, après le décès de l'intéressé survenu le 6 juin 1984, exercer contre sa succession le recours prévu par l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique, confirmant le 18 novembre 1985 la position prise par la commission d'admission à l'aide sociale de Nantes, a décidé la récupération de la créance départementale d'un montant de 203 286 F dans la limite de l'actif net de la succession ; que M. Joseph X..., père de Denis X... et l'un de ses héritiers, a contesté cette décision devant la commission centrale d'aide sociale en soutenant qu'il avait assumé la charge effective et constante de son fils handicapé, au sens des dispositions précitées de l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale, et qu'il devait donc bénéficier de la non-récupération prévue par ce texte ; que, pour rejeter la requête de M. Joseph X... par la décision attaquée, la commission centrale a retenu que le requérant ne pouvait prétendre avoir assumé la charge effective et constante de son fils dès lors que la charge des frais de séjour de ce dernier au foyer de Monplaisant avait été supportée par le département de la Loire-Atlantique ;

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale, la circonstance qu'un handicapé ait été placé dans un foyer et qu'une partie de ses frais de séjour ait été supportée par l'aide sociale ne saurait à elle seule, contrairement à ce qu'a jugé la commission centrale d'aide sociale, priver du bénéfice de la non-récupération un héritier, autre que le conjoint ou les enfants, qui aurait assumé de façon effective et constante la charge du handicapé ; qu'il suit de là que M. Joseph X... est fondé à soutenir que la décision en date du 4 juillet 1986 de la commission centrale d'aide sociale est entachée d'erreur de droit et à en demander l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que le Conseil d'Etat, ainsi qu'il est prévu à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, règle l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Joseph X..., tuteur et représentant légal de M. Denis X..., n'a cessé, tant avant l'admission de son fils dans le foyer précité que pendant le séjour qu'il y a effectué, d'assumer la totalité de ses responsabilités à l'égard de son fils dont il s'est occupé activement sur tous les plans, notamment en pourvoyant à son confort matériel et psychologique, en organisant des séjours en famille à l'occasion des fêtes et lui rendant de fréquentes visites ; qu'il suit de là que le requérant doit être regardé comme ayant assumé, de façon effective et constante, la charge de son fils au sens de l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale ; que M. X... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision en date du 18 novembre 1985, la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique a rejeté sa requête tendant à l'annulation, en tant qu'elle concerne sa part sucessorale, de la décision de la commission d'admission de Nantes-7 du 16 avril 1985 faisant droit à l'action du département de la Loire-Atlantique tendant à récupérer, dans la limite de l'actif net de la succession de M. Denis X..., la somme de 209 286 F représentant le montant des frais de placement pris en charge par le département au titre de l'aide sociale ;
Article 1er : La décision du 4 juillet 1986 de la commission centrale d'aide sociale est annulée.
Article 2 : La décision du 18 novembre 1985 de la commission départementale d'aide sociale de la Loire-Atlantique et la décision du 16 avril 1985 de la commission d'admission de Nantes-7 sont annulées en tant qu'elles concernent la récupération de la créance du département sur la part successorale de M. Joseph X....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph X..., au département de la Loire-Atlantique et au ministre des affaires sociales et de la solidarité.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

04-02-04-02 AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPEES - ACCUEIL ET HEBERGEMENT -Frais d'hébergement et d'entretien (article 168 du code de la famille et de l'aide sociale) - Prise en charge du surplus par l'aide sociale - Récupération sur la succession du handicapé (articles 146 du code de la famille et de l'aide sociale) - Absence lorsque l'héritier a eu la charge effective et constante du handicapé - Notion de charge effective et constante.

04-02-04-02 La circonstance qu'un handicapé ait été placé dans un foyer et qu'une partie de ses frais de séjour ait été supportée par l'aide sociale ne saurait à elle seule priver du bénéfice de la non-récupération, prévue à l'article 168 du code de la famille et de l'aide sociale, un héritier autre que le conjoint ou les enfants, qui aurait assumé de façon effective et constante la charge du handicapé. M. J. L., tuteur et représentant légal de M. D. L., n'a cessé, tant avant l'admission de son fils dans le foyer que pendant le séjour qu'il y a effectué, d'assumer la totalité de ses responsabilités à l'égard de son fils dont il s'est occupé activement sur tous les plans, notamment en pourvoyant à son confort matériel et psychologique, en organisant des séjours en famille à l'occasion des fêtes et en lui rendant de fréquentes visites. Il suit de là qu'il ne pouvait être fait droit à l'action du département de la Loire-Atlantique tendant à récupérer, dans la limite de l'actif net de la succession de M. D. L., la somme représentant le montant des frais de placement pris en charge par le département au titre de l'aide sociale.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 146, 168
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation: CE, 29 mar. 1991, n° 81439
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Gosselin
Rapporteur public ?: M. Hubert

Origine de la décision
Formation : Section
Date de la décision : 29/03/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 81439
Numéro NOR : CETATEXT000007798693 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1991-03-29;81439 ?
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