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05/04/1991 | FRANCE | N°56806

France | France, Conseil d'État, 5 /10 ssr, 05 avril 1991, 56806


Vu la décision, en date du 1er mars 1989 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au Contentieux sur la requête n° 56 806, présentée pour les époux Y...
X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 6 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à ce que Electricité de France soit reconnue responsable du préjudice résultant pour eux de la construction et du fonctionnement de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et condamne Electricité de France à leur verser la somme de 650

000 F en réparation du préjudice subi du fait de la dépréciation de...

Vu la décision, en date du 1er mars 1989 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au Contentieux sur la requête n° 56 806, présentée pour les époux Y...
X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 6 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à ce que Electricité de France soit reconnue responsable du préjudice résultant pour eux de la construction et du fonctionnement de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et condamne Electricité de France à leur verser la somme de 650 000 F en réparation du préjudice subi du fait de la dépréciation de leur propriété et une indemnité de 2 000 F par mois du début des travaux jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir ainsi que les intérêts de ces sommes, a ordonné une expertise en vue 1° d'évaluer les troubles de jouissance de toute nature allégués qui seraient imputables à la présence et au fonctionnement de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine et 2°) d'évaluer, s'il y a lieu, la perte de valeur pénale subie par la propriété du fait de la présence et au fonctionnement de cette centrale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Musitelli, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Rouvière, Lepitre, Boutet, avocat des époux Z... et de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise ordonné par le Conseil d'Etat, que la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, située sur la rive droite de la Seine, occasionne à M. et Mme Z... dont la propriété se trouve sur la rive opposée à 630 mètres du périmètre d'enceinte de la centrale, des troubles de toute nature constitutifs d'un préjudice anormal et spécial ; qu'en particulier les nuisances provoquées par les panaches de vapeur rejetés par les tours de refroidissement sont peu importantes ; que le désagrément causé par la vue des deux tours de refroidissement de 160 mètres de hauteur, qu'atténue la présence, entre la centrale et le domaine concerné, d'un rideau d'arbres formant partiellement écran, ne revêt pas un caractère spécial ;
Considérant, en revanche, que l'implantation de la centrale nucléaire a entraîné une perte de valeur vénale de la propriété d'agrément appartenant à M. et Mme Z... ; que cette dépréciation peut être, compte-tenu de l'état du marché local et d'opérations immobilières de caractéristiques comparables réalisées récemment, évaluée à 7 % ; que ce préjudice est anormal et spécial, eu égard aux circonstances de l'espèce et notamment au fait que la propriété des requérants est la seule résidence habitée dans un rayon de 1 000 mètres autour de la centrale ; qu'ainsi la responsabilité d'Electricité de France est engagée de ce dernier chef ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par les époux Z... en l'évaluant à 65 000 F ; que, par suite, les époux Z... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à ce qu'Electricité de France soit reconnu responsable du préjudice résultant pour eux de la construction de la centrale de Nogent-sur-Seine ;
Sur les intérêts :

Considérant que les époux Z... ont droit aux intérêts de la somme de 65 000 F à compter du 25 mars 1982, jour de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 9 avril 1990 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge d'Electricité de France ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 6 décembre 1983 est annulé.
Article 2 : Electricité de France est condamné à verser à M. et Mme Z... la somme de 65 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1982. Les intérêts échus le 9 avril 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge d'Electricité de France.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Z..., à Electricité de France et au ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire.


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