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10/04/1991 | FRANCE | N°24358;24411;45457;45621;45679

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 10 avril 1991, 24358, 24411, 45457, 45621 et 45679


Vu 1°), sous le numéro 24 358, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 20 mai 1980 et 8 juillet 1980, présentés pour la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" (O.T.H.), dont le siège social est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 18 mars 1980 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a déclarée solidairement responsable avec les architectes Z... et C... et, pour partie, avec les sociétés Laurent X..., Lafond et Raymond Y... et Compagnie, des désordres affect

ant le réseau de distribution de chaleur et d'eau chaude de la zone...

Vu 1°), sous le numéro 24 358, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 20 mai 1980 et 8 juillet 1980, présentés pour la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" (O.T.H.), dont le siège social est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 18 mars 1980 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a déclarée solidairement responsable avec les architectes Z... et C... et, pour partie, avec les sociétés Laurent X..., Lafond et Raymond Y... et Compagnie, des désordres affectant le réseau de distribution de chaleur et d'eau chaude de la zone à urbaniser par priorité Sainte-Geneviève à Auxerre ;
- rejette la demande présentée par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d' Auxerre devant le tribunal administratif de Dijon et, subsidiairement, condamne les architectes Z... et C... à la garantie des condamnations prononcées à son encontre ;
Vu 2°), sous le numéro 24 411, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 mai 1980 et 13 mars 1981, présentés pour la société LAURENT X..., dont le siège est à Courbevoie (92400) et pour la société des ETABLISSEMENTS RAYMOND Y..., dont le siège social est ..., représentées par leur directeur en exercice ; les deux sociétés demandent que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 18 mars 1980 par lequel le tribunal administratif de Dijon les a déclarées solidairement responsables avec la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" (O.T.H.) et les architectes Z... et C... des désordres affectant le réseau de distribution de chaleur et d'eau chaude de la zone à urbaniser par priorité Sainte-Geneviève à Auxerre ;
- rejette la demande présentée par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d' Auxerre (Semauxerre) devant le tribunal administratif de Dijon ;

Vu 3°), sous le numéro 45 457, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 1982, présentée pour les héritiers de M. Z... à savoir Mme Veuve Z..., demeurant ... à Saint-Maurice ; M. Gilles Z..., demeurant ... ; M. Henri Z..., demeurant ... et M. Daniel Z..., mineur demeurant avec sa mère susnommée ; ils demandent que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 29 juin 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon a fixé à 958 303,06 F le montant de l'indemnité que M. Z..., M. C..., la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION", la société LAURENT X..., la société anonyme Lafond t la société des ETABLISSEMENTS
Y...
ont été condamnés solidairement à verser à la Semauxerre et a réparti la charge définitive de la condamnation entre les constructeurs ;
- rejette la demande présentée par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d' Auxerre (Semauxerre) devant le tribunal administratif de Dijon ;
- condamne cette société à tous les dépens, y compris les frais d'expertise ;

Vu 4°), sous le numéro 45 621, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 14 septembre 1982 et 11 janvier 1983, présentés pour la société LAURENT X... et la société ETABLISSEMENT RAYMOND Y... ; ces deux sociétés demandent que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement susmentionné du tribunal administratif de Dijon en date du 29 juin 1982 ;
- les décharge de toute responsabilité et rejette en tant qu'elle les concerne la demande présentée par la société Semauxerre devant le tribunal administratif de Dijon ;
- subsidiairement, réduise les parts leur incombant dans la charge définitive de la réparation dont le montant, en toute hypothèse, ne peut excéder le chiffre résultant des évaluations de l'expert dans son premier rapport ;
Vu 5°), sous le numéro 45 679, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 17 septembre 1982 et 17 janvier 1983, présentés pour M. Jean B..., demeurant ... ; M. B... demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement susmentionné du tribunal administratif de Dijon en date du 29 juin 1982 ;
- rejette la demande présentée par la société Semauxerre devant le tribunal administratif de Dijon ;
- subsidiairement, réduise le montant de l'indemnité allouée à la Semauxerre et condamne la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" et les entreprises à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
Vu 6°), sous le numéro 45 743, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, respectivement les 21 septembre 1982 et 15 novembre 1982, présentés pour la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" (O.T.H.) ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement susmentionné du tribunal administratif de Dijon en date du 29 juin 1982 ;
- rejette la demande présentée par la société Semauxerre devant le tribunal administratif de Dijon ;
- subsidiairement, réduise sensiblement les condamnations prononcées à son encontre et condamne M. B... et les consorts Z... à la garantir ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION", de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre, de Me Boulloche, avocat des héritiers de M. Z..., de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de la société anonyme Montenay, de Me Copper-Royer, avocat de M. Jean B..., de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société Laurent X... et de Me Barbey, avocat de Me A..., pris en sa qualité du syndic de la liquidation de biens de la société anonyme entreprise Lafond,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 24 358 de la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION", n° 24 411 des sociétés LAURENT X... et ETABLISSEMENTS RAYMOND Y..., n° 45 457 des héritiers de M. Z..., architecte, n° 45 621 des sociétés LAURENT X... et ETABLISSEMENTS RAYMOND Y..., n° 45 679 de M. B..., architecte et n° 45 743 de la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" sont dirigées les deux premières contre le jugement du 18 mars 1980 par lequel le tribunal administratif de Dijon a statué sur les responsabilités encourues à raison des désordres affectant les installations de production et de distribution de chaleur et d'eau chaude de la zone à urbaniser en priorité de Sainte-Geneviève, à Auxerre, les quatre autres contre le jugement du 29 juin 1982 par lequel ce tribunal a évalué le montant de la réparation et procédé à la répartition de la charge définitive de la condamnation entre les constructeurs ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre (SEMAUXERRE), chargée par la ville d'Auxerre en vertu d'une convention du 7 décembre 1963 de l'aménagement de la zone à urbaniser par priorité Sainte-Geneviève, a passé le 14 avril 1964 avec un groupement d'études constitué par la SOCIETE "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION" et MM. Z... et B..., architectes, une convention pour l'établissement du projet et la surveillance des travaux concernant les installations de production et de distribution de chaleur et d'eau chaude de la zone à urbaniser en priorité Sainte-Geneviève et a confié aux sociétés LAURENT X..., ETABLISSEMENTS RAYMOND Y... et entreprise Lafond les travaux de pose, dans des caniveaux construits par d'autres entreprises, des canalisations souterraines du réseau de chauffage des immeubles de la ZUP ; que, saisi par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre d'une action fondée sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et tendant notamment à la condamnation solidaire des membres du groupement d'études et des trois sociétés précitées à réparer les désordres constatés dans ces canalisations à partir de 1973, le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 18 mars 1980, a fait droit à la demande de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre en ce qui concerne le principe des responsabilités encourues par les constructeurs à son égard et ordonné une expertise avant de se prononcer tant sur le coût de la remise en état des ouvrages défectueux que sur les droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il a expressément statué ; que, par un second jugement en date du 29 juin 1982 rendu après le dépôt du rapport d'expertise, le tribunal administratif de Dijon a fixé à 958 303,06 F le montant de l'indemnité due par les constructeurs à la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre et réparti la charge définitive de la condamnation entre les constructeurs ;
En ce qui concerne les requêtes nos 24 358 et 24 411 dirigées contre le jugement du 18 mars 1980 :

Considérant que par les requêtes n° 24 358 et 24 411 qu'elles ont formées contre le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 18 mars 1980, les sociétés "OMNIUM TECHNIQUE D'HABITATION", LAURENT X... et ETABLISSEMENTS RAYMOND Y... demandent à être déchargées de toute responsabilité, tandis que par, voie d'appels provoqués, M. B... et les héritiers de M. Z... concluent au rejet de la demande de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre en tant qu'elle est dirigée contre les architectes ;
Sur la recevabilité de l'action engagée par la SEMAUXERRE devant le tribunal administratif de Dijon :
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la convention du 7 décembre 1963 liant la ville d' Auxerre et la SEMAUXERRE : "La société remettra aux collectivités publiques intéressées les voies et ouvrages établis en vertu de la présente concession. Cette remise pourra être effectuée à partir de la réception provisoire et au plus tard à la réception définitive de chaque ouvrage. Elle est subordonnée à l'acceptation de la collectivité intéressée ..." ; qu'il résulte de ces stipulations que la réception définitive ne valait pas par elle-même, remise de l'ouvrage ; qu'il est constant que les installations du réseau enterré de chauffage de la ZUP Sainte-Geneviève, bien qu'elles aient fait l'objet de réceptions définitives en 1967 et en 1970, n'avaient pas été remises à la ville d'Auxerre, lorsque la Semauxerre a saisi le tribunal de grande instance d'Auxerre le 25 novembre 1975 puis, après le jugement d'incompétence rendu par ce dernier, le tribunal administratif de Dijon ; que, dès lors, les sociétés Laurent X... et Etablissements Raymond Y... ne sont pas fondées à soutenir que la Semauxerre était sans qualité pour exercer l'action en garantie décennale ;

Sur la mise en jeu de la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à leur gravité et à leur généralisation, les fuites qui ont été constatées dans les ouvrages du réseau souterrain de chauffage de la ZUP Sainte-Geneviève, et qui ont été provoquées par l'absence, dans les caniveaux, d'un système approprié de support des canalisations, rendaient ces ouvrages impropres à leur destination ; que ces désordres sont, par suite, de nature à donner lieu à la garantie qu'impliquent les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'ainsi que l'a constaté à bon droit le tribunal administratif de Dijon, la convention du 14 avril 1964 entre la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre et le groupement d'études, qui confiait à celui-ci des missions concernant la conception de l'ensemble du système primaire de chauffage de la ZUP Sainte-Geneviève et la surveillance de l'exécution des ouvrages doit, en raison de son objet même, être regardée comme s'appliquant à la totalité du réseau de chauffage desservant la ZUP, y compris les allongements de ce réseau rendus nécessaires par la desserte du collège d'enseignement secondaire et du bâtiment Y ; qu'il suit de là que la société "Omnium Technique d'Habitation" n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des désordres affectant ces extensions du réseau initialement prévu ;
Considérant que les désordres sont imputables à la fois à la conception du procédé relatif à la pose des canalisations, à l'insuffisance de la surveillance exercée sur l'exécution des travaux et au comportement des entreprises qui, bien que disposant d'une compétence technique certaine, n'ont formulé aucune observation sur le vice de conception ; que, dans ces conditions, et en l'absence dans la convention du 14 avril 1964 de toute stipulation contractuelle répartissant les missions entre les membres du groupement d'études, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que ces désordres engageant à l'égard de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre la responsabilité solidaire des membres du groupement d'études et, pour la partie des canalisations dont l'exécution était confiée à chacun des entrepreneurs, la responsabilité solidaire du groupement d'études et des entreprises de travaux ;

Sur l'appel en garantie de la société "Omnium Technique d'Habitation" contre la société Montenay :
Considérant que la société "Omnium Technique d'Habitation" qui n'a pas été partie au contrat du 27 janvier 1967 par lequel la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre a concédé l'exploitation du réseau de chauffage à la société Est et Nord, aux droits de laquelle a succédé la société Montenay, n'est pas recevable à invoquer les stipulations de ce contrat, notamment celles de son article 12 définissant les obligations du concessionnaire pour l'entretien et le renouvellement des ouvrages du réseau, pour s'exonérer de sa responsabilité décennale envers la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre ou demander à être garantie par la société Montenay ;
Sur l'appel en garantie de la société "Omnium Technique d'Habitation" contre les architectes :
Considérant que le tribunal administratif de Dijon n'a pas statué, par son jugement du 18 mars 1980, sur lesdites conclusions et doit être regardé comme les ayant réservées par l'article 8 de ce jugement pour y statuer en fin d'instance, après l'expertise qu'il a ordonnée ; que, dans ces conditions, les conclusions dont s'agit sont sans portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la société "Omnium Technique d'Habitation" et des sociétés Laurent X... et Etablissements Raymond Y... ne sauraient être accueillies ; qu'il suit de là que les appels provoqués formés par M. B... et par les héritiers de M. Z... ne sont pas recevables et doivent être eux-mêmes rejetés ;

En ce qui concerne les requêtes n° 45 457, 45 621, 45 679 et 45 743 dirigées contre le jugement du 29 juin 1982 :
Considérant que, par son jugement en date du 29 juin 1982, rendu après le dépôt du rapport d'expertise, le tribunal administratif de Dijon a fixé à 958 303,06 F le montant de l'indemnité due par les constructeurs à la Semauxerre et réparti la charge définitive de la condamnation de la façon suivante : M. Z..., M. B... et la société "Omnium Technique d'Habitation" : 248 262,38 F chacun, la société Laurent X... et la société des Etablissements Raymond Y... demandant en outre à être garantis, le premier par la société "Omnium Technique d'Habitation" et les entreprises, les autres par les architectes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont suffisamment motivé l'évaluation des divers chefs de préjudice subis par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que le jugement du 29 juin 1982 devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation du jugement du 18 mars 1980 ;
Considérant qu'il résulte de ce que le jugement du 18 mars 1980 n'est pas annulé ; qu'ainsi, le présent moyen doit être écarté ;

Sur les conclusions de la société anonyme entreprise Lafond tendant à l'annulation du jugement du 29 juin 1982 en tant qu'il l'a condamnée à payer une somme d'argent :
Considérant que le tribunal administratif, qui était seul compétent pour statuer sur la demande de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre tendant à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans le réseau de canalisation de la ZUP Sainte-Geneviève, s'est borné, dans l'exercice de cette compétence, à rechercher si la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre était en droit d'invoquer les principes posés par les articles 4792 et 2270 du code civil et, après avoir admis le droit à réparation de la société, y fixer le montant des indemnités dues par les constructeurs parmi lesquels la société anonyme entreprise Lafond ; que, dès lors, le moyen tiré par la société Lafond de ce que le tribunal aurait, ce faisant, méconnu les dispositions de la loi du 13 juillet 1967 qui réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en liquidation de biens n'est pas fondé ;

Sur le montant global de la réparation :
Considérant que, dans son premier rapport du 7 novembre 1974, l'expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre, M. D..., préconisait un certain nombre de travaux de réfection du réseau de canalisation du système de chauffage de la ZUP Sainte-Geneviève dont il fixait le coût à un montant "de l'ordre de 250 000 à 300 000 F", après avoir indiqué que celui-ci était "difficilement chiffrable" ; que dans son deuxième rapport d'expertise en date du 5 janvier 1981 établi après que la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre ait fait exécuter des travaux de remise en état du réseau qui étaient en partie différents de ceux prévus dans le premier rapport, M. D... a évalué le montant du préjudice subi par la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre à 1 384 627,16 F ; que, malgré la circonstance que les travaux aient été réalisés avant qu'il ne procède à la seconde expertise, M. D... a été en mesure de constater les malfaçons qui affectaient le réseau de canalisation du chauffage de la ZUP Sainte-Geneviève et de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier ; que, si par sa première expertise il avait évalué en 1974 le coût des travaux à environ 300 000 F, en soulignant d'ailleurs, comme il a déjà été dit, la difficulté que présentait une telle évaluation, il ne résulte pas de ce seul fait que la seconde évaluation à laquelle il a procédé en 1981 serait excessive ; qu'il ne résulte pas devantage de l'instruction que le fait que les travaux ont été réalisés quatre ans après le dépôt du premier rapport d'expertise ait constitué une manoeuvre de la part de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre aux fins d'obtenir le remboursement de travaux plus importants que ceux qui avaient été préconisés initialement par l'expert ;

En ce qui concerne les travaux de génie civil ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen du rapport d'expertise du 5 janvier 1981 que le montant de l'indemnité accordée au titre des travaux de génie civil et fixé à 258 121,42 F par l'expert et par les premiers juges correspond au coût des seuls travaux nécessaires pour remédier aux malfaçons du réseau ; que si les sociétés Laurent X... et Etablissements Raymond Y... soutiennent que le remplacement des anciennes canalisations par des canalisations d'un diamètre supérieur aurait entrainé un surcoût injustifié, elles n'apportent à l'appui de cette allégation aucun élément de nature à en établir le bien-fondé ;
En ce qui concerne les travaux de remise en état des canalisations :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges n'ont retenu que les travaux strictement nécessaires à la remise en état des canalisations et ayant fait l'objet d'un débat contradictoire ; que, par suite, les parties requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif aurait, de façon abusive, mis à leur charge le coût de certains travaux ;
Considérant, en second lieu, que la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre, ainsi qu'il a été dit plus haut, avait qualité pour exercer l'action en garantie décennale devant le tribunal administratif de Dijon ; que, par suite, c'est à tort que ce tribunal s'est fondé sur la qualité de concessionnaire du réseau litigieux de la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre pour refuser d'appliquer un abattement pour vétusté sur le coût des travaux de réfection des canalisations ; qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu, compte tenu de la date d'apparition des désordres, d'opérer sur le montant des travaux de remise en état des canalisations évalué à 333 143,44 F par les premiers juges un abattement pour vétusté de 25 % ; qu'ainsi le montant de l'indemnité dû au titre desdits travaux doit être fixé à 249 857,58 F ;

En ce qui concerne les frais de réalisation des supports :
Considérant que M. B... conteste l'octroi d'une indemnité de 25 000 F pour la réalisation des supports de canalisation au motif que cette réalisation n'aurait pas eu lieu, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, ses prétentions ne sauraient être accueillies ;
En ce qui concerne les travaux de raccordements des points bas des caniveaux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'examen du rapport d'expertise du 5 janvier 1981, que ces travaux étaient nécessaires pour remédier aux malfaçons constatées sur le réseau ; qu'ainsi les parties requérantes ne sont pas fondées à contester l'indemnité de 104 239,58 F mise à leur charge par le tribunal au titre desdits travaux ;
En ce qui concerne les travaux de remise en état des espaces verts :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen du rapport d'expertise du 5 janvier 1981, que ces travaux étaient nécessaires par les travaux exécutés pour découvrir les caniveaux et qu'ils étaient ainsi la conséquence directe des malfaçons affectant l'ouvrage ; que c'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont accordés une indemnité pour ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les frais de fonctionnement du système de chauffage pendant la période de remise en état du réseau :
Considérant d'une part, que si les parties requérantes soutiennent que le choix d'une période autre que celle de l'automne-hiver 1975 pour l'exécution des travaux de réfection du réseau aurait permis de réduire le montant des frais de fonctionnement du système de chauffage provisoire mis en place pendant cette période, ne résulte pas de l'instruction que cette solution qui impliquait en l'espèce que l'exécution des travaux soit retardée de plusieurs mois aurait été moins onéreuse pour société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre ;
Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'examen du rapport d'expertise du 5 janvier 1981 que les frais en cause comprennent, outre les frais d'installation de deux chaufferies provisoires fonctionnant au fuel domestique, la somme de 54 809,60 F correspondant au montant du surcoût entrainé par l'utilisation pendant deux mois de ce combustible plus cher que celui qui était utilisé normalement dans le réseau ; qu'ainsi les parties requérantes ne sont pas fondées à critiquer ce dernier chef de préjudice ;

En ce qui concerne les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés :
Considérant que l'expertise ordonnée le 8 mars 1974 par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre a été utile pour permettre au tribunal administratif de déterminer les désordres affectant le réseau de canalisation ainsi que les responsabilités encourues ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les frais de cette expertise ont été inclus dans le montant du préjudice dont la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre doit obtenir réparation ;
En ce qui concerne l'indemnité réclamée au titre du préjudice subi par les tiers :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme de 23 269,17 F a été réclamée à la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre par les copropriétaires de la résidence Gallieni dépendant de la ZUP Sainte-Geneviève au titre du remboursement des frais de chauffage qui leur avaient été facturés pour la période de 22 jours de la saison de chauffe 1975-1976 pendant laquelle, du fait des travaux de réfection du réseau, ont été privés de chauffage ; que ce remboursement correspondant à un indû pour les copropriétaires ne constitue pas un préjudice pour la société ; que, par suite, les parties requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à leur charge la somme de 23 269,17 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de la réparation due par les constructeurs à la Semauxerre s'élève à 851 748,03 F ;

Sur les appels en garantie de la société "Omnium Technique d'Habitation" contre les architectes et de M. B... contre la société "Omnium Technique d'Habitation" :
Considérant que la société "Omnium Technique d'Habitation" et les architectes font l'objet d'une condamnation solidaire ; que les conclusions susanalysées doivent être interprétées comme tendant à la modification de la répartition de la charge définitive de la condamnation entre ces personnes ; qu'il résulte de l'instruction, qu'eu égard aux fautes respectives commises par la société "Omnium Technique d'Habitation" dans l'exercice du contrôle des matériaux et de leur mise en oeuvre et par chacun des deux architectes dans l'étude et la surveillance des travaux, c'est à bon droit que les premiers juges ont opéré un partage de responsabilité par tiers entre les membres du groupement d'études ;

Sur les appels en garantie de M. B... contre les entreprises et des sociétés Laurent X... et Etablissements Raymond Y... contre les architectes :
Considérant que ces conclusions doivent être interprétées comme tendant à la modification de la répartition de la charge définitive de la condamnation entre les architectes et la société "Omnium Technique d'Habitation" d'une part et les entreprises d'autre part ; qu'il résulte de l'instruction que les fautes commises respectivement par le groupement d'études dans sa mission de conception et de surveillance des travaux relatifs à chacune des trois parties du réseau de canalisations et par chacune des entreprises dans l'exécution des travaux de réalisation de la partie du réseau mise à sa charge ont contribué également à la survenance des désordres ; que, par suite, il y a lieu, pour chacune des parties du réseau de canalisations, d'opérer un partage de responsabilité par moitié entre le groupement d'études et l'entreprise concernée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'à l'exception des travaux de raccordement des points bas de caniveaux dont la responsabilité, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, ne peut être attribuée qu'aux architectes et à la société "Omnium Technique d'Habitation" le partage de responsabilité pour chacune des trois parties du réseau de canalisations doit être opéré selon la répartition 1/6 pour chacun des membres du groupement d'études et 1/2 pour l'entreprise concernée ; qu'il suit de là que la charge définitive de la condamnation doit être supportée par les constructeurs à raison de 159 331 F pour M. Z..., 159 331 F pour M. B..., 159 331 F pour la société "Omnium Technique d'Habitation", 226 298 F pour la société Laurent X..., 93 759 F pour la société entreprise Lafond et 53 698 F pour la société Etablissements Raymond Y... ;
En ce qui concerne les point de départ des intérêts :
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts au 17 juillet 1978, date à laquelle la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre a engagé une action en garantie décennale devant le tribunal administratif de Dijon ;
Article 1er : Le montant de l'indemnité que M. Z..., M. B..., la société "Omnium Technique d'Habitation", la société Laurent X..., la société Etablissements Raymond Y... et la société entreprise Lafond ont été condamnés solidairement à verser à la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre est ramenée à 851 748 F.
Article 2 : La charge définitive de la condamnation s'établit comme suit : M. Z... 159 331 F, M. B... 159 331 F, la société "Omnium Technique d'Habitation" 159 331 F, la société Laurent X... 226 298 F, la société entreprise Lafond 93 759 F, et la société Etablissements Raymond Y... 53 698 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 1982 est réformé en tant qu'il est contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes et des appels provoqués est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société "Omnium Technique d'Habitation", à la société Laurent X..., à la société Etablissements Raymond Y..., à M. B..., aux héritiers de M. Z..., à la société Montenay, à la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre, à la ville d'Auxerre, à l'office public d'habitation à loyer modéré de la ville d'Auxerre, à la société auxerroise des établissements Bornhauser-Molinari, à la société Lafond en la personne de son syndic Me A..., à la société Promofoncia et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 24358;24411;45457;45621;45679
Date de la décision : 10/04/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-01,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - QUALITE POUR LA METTRE EN JEU -Existence - Mises en jeu par une autre personne que le maître de l'ouvrage - Par le maître d'ouvrage délégué - Ouvrage ayant fait l'objet d'une réception définitive, mais n'ayant pas encore été remis (1).

39-06-01-04-01 Par convention, la ville d'Auxerre a chargé la société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de rénovation de l'agglomération d'Auxerre (Semauxerre) de l'aménagement d'une zone à urbaniser. Il résulte des stipulations de la convention que la réception définitive des ouvrages par la ville d'Auxerre ne valait pas elle-même remise de l'ouvrage, celle-ci étant subordonnée à l'acceptation de la collectivité. Dès lors, la Semauxerre avait qualité pour exercer l'action en garantie décennale, après la réception définitive et jusqu'à la remise de l'ouvrage.


Références :

Code civil 1792, 2270

1.

Rappr. 1982-03-05, Ministre de l'Education nationale c/Ringuez, p. 103 ;

cf. 1989-10-18, Riboulet et autres, p. 837


Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 1991, n° 24358;24411;45457;45621;45679
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Faure
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:24358.19910410
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