Vu le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI enregistré le 17 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 11 février 1986 confirmant la décision du 10 septembre 1985 de l'inspecteur du travail de la Nièvre refusant d'autoriser la société anonyme "Céramique de Décize" à licencier pour motif économique Mme X..., délégué du personnel et secrétaire du comité d'entreprise ;
2°) rejettte la demande présentée par la société anonyme "Céramique de Décize" devant le tribunal administratif de Dijon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aguila, Auditeur,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 425-1 du code du travail, en ce qui concerne les délégués du personnel, titulaire ou suppléant, et de l'article L. 436-1 dudit code, en ce qui concerne les membres titulaires et suppléants des comités d'entreprise, que tout licenciement envisagé par l'employeur de ces salariés est obligatoirement soumis pour avis au comité d'entreprise et qu'il ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; qu'en vertu de ces dispositions, ces salariés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Sur le moyen tiré de l'absence de motif économique :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a estimé à tort, et en invoquant d'ailleurs les dispositions de l'article L. 321-7 du code du travail dans une rédaction qui n'était pas applicable aux faits de l'espèce, qu'en cas de règlement judiciaire, il n'appartenait pas à l'autorité administrative d'apprécier la réalité du motif économique invoqué à l'appui d'une demande de licenciement d'un salarié protégé ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la société anonyme "Céramique de Décize", connaissait d'importantes difficultés financières et a été placée en règlement judiciaire le 10 avril 1985 par jugement du tribunal de grande instance de Nevers ; qu'un plan de restructuration, qui prévoyait 49 licenciements, a été mis en oeuvre ; que 16 licenciements devaient être réalisés dans l'atelier de presse au sein duquel Mme X... était employée en qualité d'ouvrière ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, la réalité du motif économique est établie ;
Sur le moyen tiré d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement de Mme X... et les mandats de l'intéressé :
Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que les critères prévus par la convention collective applicable pour déterminer l'ordre des licenciements n'ont pas été appliqués à Mme X..., cette circonstance en l'absence au dossier de tout indice de discrimination à l'encontre de l'intéressée fondée sur les mandats qu'elle détenait, ne suffit pas à révéler l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement et les mandats détenus par l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 11 février 1986 ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à la société anonyme "Céramique de Décize" et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.