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17/04/1991 | FRANCE | N°74610

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 17 avril 1991, 74610


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier 1986 et 6 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE", dont le siège social est ..., représentée par M. Claude Garrigos, son gérant en exercice ; la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a

été assujettie au titre des exercices 1976 à 1979 sous les articles 507 à 510...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier 1986 et 6 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE", dont le siège social est ..., représentée par M. Claude Garrigos, son gérant en exercice ; la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1976 à 1979 sous les articles 507 à 510 des rôles de la commune de Bordeaux mis en recouvrement le 8 octobre 1982 et de l'imposition supplémentaire à la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 par avis de mise en recouvrement du 6 août 1982 ;
2°) prononce la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) annule le commandement délivré le 28 mars 1983 et le procès-verbal de saisie-exécution établi le 30 avril 1983 ;
4°) annule la mise en demeure du 6 août 1982 et le procès-verbal d'exécution en date du 6 janvier 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de la SARL LA VOSGIENNE,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Bordeaux a été saisi de demandes distinctes émanant, pour deux d'entre elles, de la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE" et ayant trait respectivement aux suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à cette société au titre des exercices 1976 à 1979 et à un complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 et la troisième présentée par M. Garrigos et relative aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels celui-ci a été assujetti au titre des années 1977 à 1979 ; que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés et quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit unissant les impositions susindiquées, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de la société "LA VOSGIENNE", d'une part, et de M. Garrigos, d'autre part ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction de toutes les instances ;que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de la société "LA VOSGIENNE" en même temps que sur celles de M. Garrigos ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer les demandes présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux par la société "LA VOSGIENNE" pour y statuer immédiatement ;

Sur les conclusions relatives aux actes de poursuite :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.281 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui fait l'objet d'un acte de poursuite n'est recevable à saisir le juge compétent d'une contestation de cet acte qu'à la condition d'avoir préalablement présenté une réclamation à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites ; qu'il résulte de l'instruction que les conclusions de la société tendant, d'une part, à être déchargée de l'obligation de payer la somme qui lui a été réclamée par un commandement délivré le 28 mars 1983 et, d'autre part, à l'annulation du procès-verbal de saisie-exécution du 30 avril 1983 doivent en tout état de cause, à défaut d'avoir été précédées de la réclamation préalable prescrite par l'article L.281 du livre des procédures fiscales, être rejetées comme non recevables ;
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que la notification de redressement en date du 23 décembre 1980 n'a pas été signé par un inspecteur principal constitue un moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition, qui n'est pas d'ordre public et non un moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette notification ; qu'il résulte de l'instruction que la société se bornait, dans sa demande initiale, à contester le bien-fondé des impositions litigieuses ; que le moyen susexposé soulevé pour la première fois en appel et fondé sur une cause juridique distincte n'est pas recevable ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de valeur probante ; que la société ne peut, dès lors, apporter par sa comptabilité la preuve dont elle a la charge de l'exagération des impositions litigieuses ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'allègue la société requérante, l'avis formulé le 12 mars 1982 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires saisi du désaccord persistant entre l'administration et la société requérante en ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires de la société au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 et de ses bénéfices au titre des exercices 1976 à 1979 est suffisamment motivé ; que cet avis est, en conséquence, opposable à la société ; que les impositions litigieuses ayant été établies conformément à cet avis, il appartient à la société d'apporter la preuve de leur exagération ;
En ce qui concerne les années 1976, 1977 et 1978 et la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1978 :
Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires toutes taxes comprises des ventes au détail des produits de charcuterie fabriqués et vendus par la société, l'administration a, pour chaque catégorie de produits, d'une part, déterminé à partir de sondages portant sur chacune des années 1976, 1977 et 1978, les pourcentages respectifs de ventes en gros et au détail de ces produits et, d'autre part, appliqué aux prix hors taxe de vente en gros un coefficient non contesté par la société de 1,5 ; que pour démontrer qu'une telle méthode serait radicalement viciée, la société se borne à soutenir que la fabrication du boudin est réalisée à partir de matières premières qui sont, soit comme le sang frais de porc, livrés gratuitement, soit comme le gras, incorporées dans des quartiers de porc dont le prix d'achat est déjà pris en compte au titre d'autres fabrications ; qu'eu égard, toutefois, à la méthode suivie par l'administration qui n'a pas, en effet, déduit le chiffre d'affaires litigieux du montant des achats utilisés pour la fabrication des produits vendus au détail, le moyen de la requête est inopérant ;

En ce qui concerne l'année 1979 et la période du 1er janvier au 31 décembre 1979 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué le montant des ventes au détail des produits fabriqués par la société à partir des éléments chiffrés portés sur "le cahier de production" tenu par l'entreprise ; que si la société prétend que ce "cahier de production" n'avait d'autre objet que d'établir, pour chaque journée de travail, des prévisions de fabrication en fonction, d'une part des commandes fermes des clients et, d'autre part, des commandes éventuelles à venir, elle n'apporte aucune justification à l'appui de ces allégations ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge de l'absence de bonne foi du contribuable ; que, dès lors, les intérêts et indemnités de retard prévus aux articles 1727 et 1728 du code général des impôts doivent être substitués, dans la limite du montant des majorations en litige, aux pénalités prévues aux articles 1729 et 179 dudit code ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 novembre 1985 est annulé en tant qu'il concerne la SARL LA VOSGIENNE.
Article 2 : Dans la limite du montant des pénalités appliquées, les intérêts de retard sont substitués aux pénalités pour absence de bonne foi dont les droits en litige ont été assortis.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée "LA VOSGIENNE" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - EXIGENCES DE FORME - Exigence du visa de l'inspecteur principal - Moyen n'étant pas d'ordre public.

19-01-03-02-02-02, 19-02-01-02-02, 19-04-02-01-06-01-02 Le moyen tiré de ce que la notification de redressement n'a pas été signée par un inspecteur principal constitue un moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition, qui n'est pas d'ordre public, et non un moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette notification.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - MOYENS D'ORDRE PUBLIC - Absence - Moyen tiré de ce que la décision de recourir à la procédure de rectification d'office n'a pas été prise par un inspecteur principal.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE - Rectification d'office - Obligation de notifier les bases des impositions d'office - Visa de l'inspecteur principal (article 3-2 de la loi du 29 décembre 1977) - Moyen d'ordre public - Absence.


Références :

CGI 1727, 1728, 1729, 179
CGI livre des procédures fiscales L281


Publications
Proposition de citation: CE, 17 avr. 1991, n° 74610
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: Mme Hagelsteen

Origine de la décision
Formation : 7 / 9 ssr
Date de la décision : 17/04/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 74610
Numéro NOR : CETATEXT000007628294 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1991-04-17;74610 ?
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