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10/05/1991 | FRANCE | N°56842

France | France, Conseil d'État, 10 mai 1991, 56842


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 février 1984 et le 6 juin 1984, présentés pour la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE DU CABARET "LE LIDO", dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1971 à 1974 et de contribution exceptionnelle au tit

re de l'année 1974 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 7 février 1984 et le 6 juin 1984, présentés pour la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE DU CABARET "LE LIDO", dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1971 à 1974 et de contribution exceptionnelle au titre de l'année 1974 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fourré, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE DU CABARET "LE LIDO",
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal administratif a soulevé d'office le caractère de demande nouvelle et, dès lors, irrecevable que présentaient les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition soulevés pour la première fois par la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE CABARET "LE LIDO" dans un mémoire en réplique ; que, dès lors, l'absence de communication à la société requérante du mémoire, enregistré le 23 novembre 1983, veille de l'audience, par lequel l'administration répondait au fond aux moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition, ainsi que des pièces jointes à ce mémoire n'a pas eu, en l'espèce, pour effet de porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure ; que, d'autre part, le tribunal administratif a statué sur toutes les conclusions et suffisamment répondu aux moyens dont il était saisi ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que les moyens relatifs à cette régularité ont été réitérés par la société requérante après le 1er janvier 1987 ; qu'en vertu de la loi du 30 décembre 1986 modifiée par la loi du 30 décembre 1987, ils sont donc recevables devant le Conseil d'Etat ;
Considérant, en premier lieu, que l'inspecteur des impôts qui, à la suite d'un avis du 14 janvier 1975, reçu le 15 janvier 1975 et comportant les mentions exigées par l'article 1649 septies du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, a procédé à compter du 22 janvier 1975 à la vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE CABARET "LE LIDO" avait cmpétence à cet effet sur le fondement des dispositions combinées de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts et du décret du 31 janvier 1969 publié définissant les attributions et la compétence territoriale de la direction nationale d'enquêtes fiscales à laquelle il était affecté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'une vérification de la comptabilité de la société requérante ait, comme elle le prétend, été effectuée à compter du 10 octobre 1974 ; que le début de cette vérification avant le 22 janvier 1975 n'est pas davantage établi par le fait que la société anonyme Le Lido, à laquelle elle fournissait les repas destinés à la clientèle et au personnel a elle-même fait l'objet, le 10 octobre 1974 d'un contrôle sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 et, à compter de cette même date, d'une vérification de sa propre comptabilité qui retraçait nécessairement les opérations faites avec la société requérante ; que, dès lors, d'une part, les irrégularités de ce contrôle et de cette vérification relevées par les décisions du juge pénal susmentionnées relatives à la société anonyme Le Lido ne sont pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition de la société requérante, et, d'autre part, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'en violation des articles 1649 septies et 1649 septies B du code général des impôts elle aurait fait l'objet d'une double vérification pour la même période en n'étant pas, au surplus, avertie en temps utile de la faculté qu'elle avait de se faire assister d'un conseil ;
Considérant, en troisième lieu, que la notification, en date du 23 décembre 1975, des redressements apportés aux résultats déclarés au titre des exercices clos en 1971, 1972, 1973 et 1974, comporte, fût-ce par référence partielle à la notification de redressements adressée le même jour à la société en matière de taxe sur la valeur ajoutée, des indications précises sur les motifs de rejet de la comptabilité, la méthode de reconstitution des recettes et les montants de redressements sur recettes en résultant ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à soutenir que cette notification serait insuffisamment motivée ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la société requérante allègue que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a été saisie par l'administration du désaccord sur les redressements notifiés, était irrégulièrement composée, elle n'assortit cette allégation d'aucun élément qui permette d'en apprécier le bien-fondé ; que l'avis de cette commission est suffisamment motivé ;
Considérant, en cinquième lieu, que les avis d'imposition adressés au contribuable inscrit au rôle en application de l'article 1661 du code général des impôts ne sont que des documents destinés à son information ; que, dès lors, les omissions ou inexactitudes dont ils seraient entachés sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant enfin que si la société soutient que la mise en recouvrement des impositions contestées n'a pu avoir lieu le dimanche 31 décembre 1978, elle ne démontre, ni d'ailleurs n'allègue que les avis de mise en recouvrement à elle notifiés ont été antidatés ;
Sur le bien-fondé des droits :
Considérant, en premier lieu, que les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société requérante au titre des années 1971 à 1974 sont conformes à l'avis de la commission départementale ; que, dès lors, la charge de la preuve de leur exagération lui incombe, que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'administration de cette preuve ne saurait, en droit, résulter des irrégularités ayant affecté les contrôles susmentionnés dont la société anonyme Le Lido a fait l'objet ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société requérante n'enregistrait pas elle-même chaque jour dans sa comptabilité le montant de ses opérations de vente à la société Le Lido des plats commandés par la clientèle de celle-ci ; qu'elle reconnaît elle-même qu'elle ne conservait que pendant une brève période les bons de commande des maîtres d'hôtel du cabaret et les bons de sortie correspondants ; qu'ainsi les facturations qu'elle adressait périodiquement à sa cliente la société anonyme Le Lido, sur la base de la rémunération convenue de ses livraisons à 40 % des "recettes restaurant" de cette dernière ne pouvaient être rapprochées ni des commandes journalières qui lui étaient adressées ni de documents établis par elle-même et relatant au fur et à mesure le détail des ventes qu'elle effectuait chaque jour ; qu'en outre le vérificateur a relevé, d'une part, que pour trois périodes témoins le nombre des repas facturés et comptabilisés par la société requérante était toujours inférieur de plus du tiers à celui des repas normalement susceptibles d'être réalisés à partir des achats de denrées comptabilisées pendant ces périodes et, d'autre part, que l'inventaire des denrées en stock à la clôture de l'exercice 1973 présentait des discordances sensibles avec les achats récents de denrées périssables ; qu'ainsi, la société requérante ne peut utilement prétendre justifier par cette comptabilité, qui n'était ni régulière ni probante, l'exactitude de ses recettes déclarées sur les ventes destinées à la clientèle de la société anonyme Le Lido ;
Considérant, en troisième lieu, que pour reconstituer les recettes réelles tirées de ces ventes, le vérificateur a retenu comme nombre de repas servis aux clients du cabaret pour chacun des exercices clos les 31 mars 1971, 1972, 1973 et 1974, et, pour la période du 1er avril au 31 décembre 1974, les chiffres de, respectivement, 186 000, 193 400, 194 500, 194 700 et 159 500 et multiplié ces chiffres par les prix moyens unitaires non contestés pratiqués par la société anonyme Le Lido affectés d'une réfaction de 60 % ; que, toutefois, les redressements sur recettes taxes comprises en résultant soit, respectivement, 1 171 979 F, 1 269 449 F, 1 218 373 F, 1 402 371 F et 1 100 853 F ont, conformément à l'avis de la commission départementale, été réduits à 480 411 F, 526 013 F, 572 059 F, 613 926 F et 538 267 F, chiffres correspondant en fait à 15 % du chiffre d'affaires déclaré taxes comprises pour les repas destinés à la clientèle ;

Considérant, d'une part, que si la méthode retenue par le vérificateur pour évaluer le nombre de repas servis à la clientèle du cabaret par recoupement de charges significatives comptabilisées par la société requérante, à savoir, achats de viande et de petits pains et factures de blanchissage de nappes et serviettes, comporte inévitablement une part d'approximation, la société n'établit pas que cette méthode soit radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire ; qu'en admettant même que, comme elle le soutient, le vérificateur ait à l'origine insuffisamment tenu compte de son taux réel de déchets de la consommation par le personnel du restaurant et des exigences d'un établissement de cette nature en ce qui concerne le linge de table, il résulte de l'instruction que l'abattement opéré sur les redressements initiaux conformément à l'avis de la commission départementale retire, par son ampleur, tout fondement à ses critiques ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les "additions" et "feuilles de journées" sur la base desquelles la société requérante demande que soit opérée par voie d'expertise, la reconstitution de ses recettes, contiennent des informations autres que celles qui ont servi à établir les facturations périodiques qu'elle adressait à la société anonyme Le Lido et par lesquelles elle prétend justifier l'exactitude de ses recettes comptabilisées et déclarées ; que, pour les motifs ci-dessus énoncés, ces dernières ne peuvent être tenues pour exactes ; qu'ainsi l'expertise demandée est inutile et serait, comme le relève le ministre, frustratoire ;
Sur les pénalités :

Considérant, d'une part, que par une décision postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur départemental des services fiscaux a accordé à la société requérante le dégrèvement de la différence entre la majoration initialement appliquée aux impositions établies au titre des exercices 1971, 1972 et 1973 d'une part et, d'autre part, le montant des intérêts de retard prévus par l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable auxdites impositions, et dont la société ne conteste pas être débitrice ; qu'ainsi il n'y a pas lieu dans cette mesure de statuer sur les conclusions de la société ;
Considérant, d'autre part, en ce qui concerne l'année 1974, que la majoration de 100 % mise à la charge de la société le 31 décembre 1978 n'est pas atteinte par la prescription et, ayant été mise en recouvrement avant l'entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1979, n'avait pas à être motivée ; qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard aux conditions susdécrites dans lesquelles était tenue la comptabilité de la société requérante en ce qui concerne les ventes de repas à la clientèle du cabaret Le Lido, l'administration doit être regardée comme justifiant l'existence de manoeuvres frauduleuses commises par cette société ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de base légale de la majoration de 100 % appliquée au complément d'impôt sur les sociétés dont s'agit ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE DU CABARET "LE LIDO" n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE CABARET "LE LIDO" à concurrence de 153 202 F, 167 745 Fet 188 511 F au titre des années 1971, 1972 et 1973 respectivement.
Article 2 : Le surplus de la requête de la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE CABARET "LE LIDO" est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée REGIE CUISINE CABARET "LE LIDO", au Cabaret LeLido et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 56842
Date de la décision : 10/05/1991
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Références :

CGI 1649 septies, 1649 septies B, 1661, 1728
CGIAN2 376
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 Finances pour 1987
Loi 87-1060 du 30 décembre 1987 Finances pour 1988
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 1991, n° 56842
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fourré
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:56842.19910510
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