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13/05/1991 | FRANCE | N°68969

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 13 mai 1991, 68969


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Egon X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 27 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 et 1979 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux

administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 d...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Egon X..., demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 27 mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 et 1979 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que lorsqu'un contribuable conteste une imposition en se bornant à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'interprétation du texte fiscal qui résulterait d'une instruction ou circulaire administrative, il appartient au juge de l'impôt, au préalable, d'examiner si cette imposition trouve son fondement dans les dispositions de la loi fiscale dont l'administration a entendu faire application à ce contribuable ;
Considérant que, dans les motifs de son jugement, le tribunal administratif de Paris s'est limité à répondre à l'unique moyen tiré de la méconnaissance d'une instruction administrative du 9 décembre 1977, que M. X... avait soulevé devant lui, sans examiner, au préalable, si l'imposition contestée était légalement fondée au regard des dispositions des articles 81-1° et 83-3° du code général des impôts, dont l'administration avait fait, en l'espèce, application ; que, dès lors, le jugement du tribunal administratif de Paris doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et d'y statuer immédiatement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 81 du code général des impôts : "Sont affranchis de l'impôt : 1°. Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction où à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet ..." et qu'aux termes de l'article 83 du même code dans sa rédaction applicable à l'année 1978 : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : ... 3°) les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut ... ; elle est fixée à 10% du montant de ce revenu ... Toutefois, en ce qui concerne les catégories de professions qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant de l'application des pourcentages prévus à l'alinéa précédent, un arrêté ministériel fixe le taux de la déduction dont les contribuables appartenant à ces professions peuvent bénéficier en sus de la déduction forfaitaire visée audit alinéa ..." ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les salariés qui appartiennent aux professions visées à l'article 83-3° du code ne peuvent bénéficier de la déduction supplémentaire prévue au profit de ces professions que dans la mesure où les frais particuliers dont elle est destinée à tenir compte ne sont pas déja couverts par des allocations spéciales affranchies de l'impôt en application de l'article 81-1° ;
Considérant que les mêmes règles doivent recevoir application dans l'hypothèse où l'employeur met à la disposition du salarié des moyens qui permettent à ce dernier de ne pas supporter lui-même tout ou partie des frais dont la déduction supplémentaire est destinée à tenir compte ; qu'il en est ainsi, notamment, lorsque le moyen mis à la disposition du salarié est un véhicule ; qu'en pareil cas, la valeur de l'allocation en nature attribuée au salarié doit inclure les charges d'amortissement et d'assurance ainsi que les dépenses d'entretien et de carburant que le salarié aurait eu à supporter s'il avait utilisé un véhicule personnel ;
Considérant que M. X..., qui exerçait la profession de représentant salarié de la société "Publi-Gestion", disposait d'un véhicule de fonctions que cette société s'était procuré en vertu d'un contrat de crédit-bail ; qu'estimant que la prise en charge par la société du versement des "mensualités" prévues par ce contrat permettait à M. X... de n'avoir pas à supporter lui-même une partie des frais que la déduction supplémentaire de 30 % dont il bénéficiait est destinée à couvrir, l'administration a réintégré dans les bases de l'impôt sur le revenu assigné à l'intéressé au titre des années 1978 et 1979 les "mensualités" payées au cours de ces deux années par la société "Publi-Gestion", soit, respectivement, 32 283 F et 21 652 F ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les charges d'amortissement que M. X... aurait eu à supporter s'il avait utilisé, dans l'exercice de son activité professionnelle, un véhicule personnel, doivent être incluses dans l'évaluation de l'allocation en nature dont il a bénéficié en ayant à sa disposition un véhicule de service ; que l'instruction administrative 5-F-30-77 du 9 décembre 1977 qu'invoque M. X... sur le fondement de l'article 1649 quinquiès E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, ne contient aucune interprétation du texte fiscal dont il puisse utilement se prévaloir à l'encontre de ce qui vient d'être dit ;
Considérant qu'en vertu de l'article 83-3° du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1978, la valeur de l'allocation en nature, égale au montant des charges d'amortissement dont M. X... a pu faire l'économie en disposant, au cours de ladite année, d'un véhicule de fonctions, ne doit pas être ajoutée à son revenu brut, mais être retranchée du montant de la déduction supplémentaire, calculée, sans pouvoir excéder 50 000 F, en appliquant le taux de 30 % au revenu brut, diminué de 10 % ; qu'en vertu de l'article 83-3°, dans sa rédaction applicable en 1979, issue des articles 77 et 78 de la loi de finances rectificative pour 1979, la valeur de la même allocation en nature doit être ajoutée au revenu brut de M. X..., le total ainsi obtenu devant ensuite être réduit par application de la déduction forfaitaire de 10 %, limitée à 40 000 F, puis de la déduction supplémentaire de 30 %, limitée à 40 000 F ;

Considérant que, pour évaluer, en vue de sa comparaison aux sommes ci-dessus mentionnées de 32 283 F et 21 652 F, le montant de l'allocation en nature ayant bénéficié à M. X... en 1978 et 1979, il y a lieu de tenir compte du prix total, taxe sur la valeur ajoutée non déductible comprise, auquel l'intéressé aurait pu, aux conditions du marché, se rendre acquéreur du véhicule à la même date que celle à partir de laquelle la société "Publi-Gestion" l'a eu en sa possession, ainsi que de la dépréciation subie par le véhicule en 1978 puis en 1979 ; que le dossier soumis au Conseil d'Etat ne contenant pas d'indications sur ces points, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 mars 1985 est annulé.
Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de la demande de M. X..., il sera procédé, par les soins du ministre du budget, contradictoirement avec M. X..., à un supplément d'instruction aux fins de déterminer, dans les conditions précisées par les motifs de la présente décision, le montant des charges d'amortissement que M. X... aurait dû supporter, en 1978 et 1979, s'il avait utilisé, pour les besoins de sa profession, un véhicule identique à celui que la société a mis à sa disposition au cours desdites années.
Article 3 : Les renseignements définis à l'article 1er seront communiqués au Conseil d'Etat dans un délai de quatre mois à compter de la transmission des pièces du dossier au ministre chargé du budget.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 68969
Date de la décision : 13/05/1991
Sens de l'arrêt : Supplément d'instruction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGERES - PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES - Revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires Avantages en nature - Evaluation de l'allocation en nature attribuée au salarié (1).

19-04-02-07-01 Dans le cas où l'employeur met à la disposition du salarié un véhicule pour ses besoins professionnels, la valeur de l'allocation attribuée à l'intéressé doit inclure les charges d'amortissement et d'assurance, ainsi que les dépenses d'entretien et de carburant que le salarié aurait eues à supporter s'il avait utilisé un véhicule personnel. Le calcul des charges d'amortissement que le salarié aurait eues à supporter s'il avait utilisé, dans l'exercice de son activité professionnelle, un véhicule personnel, est fait en tenant compte du prix total, T.V.A. non déductible comprise, auquel l'intéressé aurait pu, aux conditions du marché, se rendre acquéreur du véhicule à la date même où l'employeur l'a effectivement acquis, ainsi que de la dépréciation subie par le véhicule. Pour calculer les charges d'amortissement du véhicule, il n'est pas tenu compte des modalités de financement du véhicule par l'employeur, notamment des mensualités du crédit-bail.

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS - Déduction forfaitaire supplémentaire (article 83-3° du C - G - I - ) - Conditions de mise en oeuvre - Imputation des allocations pour frais - avant puis après l'article 78-II de la loi de finances pour 1979 (2) - Calcul du montant de l'allocation - dans le cas de la mise à disposition d'un véhicule (1).

19-04-02-07-02 Dans le régime antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 78-II de la loi de finances pour 1979, les allocations pour frais versées par un employeur à son salarié, y compris les allocations en nature, doivent être imputées sur le montant de la déduction supplémentaire pour frais dont l'intéressé bénéficie. Dans le régime issu de l'article 78-II, les allocations pour frais, y compris les allocations en nature, sont ajoutées au revenu brut du contribuable auquel s'appliquent alors successivement la déduction forfaitaire de 10 % et la déduction supplémentaire. Dans le cas où l'employeur met à la disposition du salarié un véhicule pour ses besoins professionnels, la valeur de l'allocation attribuée à l'intéressé doit inclure les charges d'amortissement et d'assurance, ainsi que les dépenses d'entretien et de carburant que le salarié aurait eues à supporter s'il avait utilisé un véhicule personnel. Le calcul des charges d'amortissement que le salarié aurait eues à supporter s'il avait utilisé, dans l'exercice de son activité professionnelle, un véhicule personnel, est fait en tenant compte du prix total, T.V.A. non déductible comprise, auquel l'intéressé aurait pu, aux conditions du marché, se rendre acquéreur du véhicule à la date même où l'employeur l'a effectivement acquis, ainsi que de la dépréciation subie par le véhicule. Pour calculer les charges d'amortissement du véhicule, il n'est pas tenu compte des modalités de financement du véhicule par l'employeur, notamment des mensualités du crédit-bail.


Références :

CGI 1649 quinquies E, 81, 83, 1649
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Instruction 5F-30-77 du 09 décembre 1977
Loi 78-1239 du 29 décembre 1978 art. 77, art. 78 Finances pour 1979

1.

Rappr. 1991-04-10, 56464 2.

Cf. pour le régime antérieur à la loi de finances pour 1979 : Plénière 1978-10-20, 8987, p. 384


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 1991, n° 68969
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Gaeremynck

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:68969.19910513
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