La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/1991 | FRANCE | N°92551

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 29 mai 1991, 92551


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 novembre 1987 et 14 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN- YVELINES demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler l'article 1er du jugement du 15 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à payer à la société B.A.C.C.I. les sommes de 135 107,62 F, 2 232 089,54 F, 1 914 983,78 F et 7

14 297,21 F au titre du règlement de 4 marchés passés en 1973 e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 novembre 1987 et 14 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN- YVELINES demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler l'article 1er du jugement du 15 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à payer à la société B.A.C.C.I. les sommes de 135 107,62 F, 2 232 089,54 F, 1 914 983,78 F et 714 297,21 F au titre du règlement de 4 marchés passés en 1973 et 1974 ;
2° de rejeter les demandes présentées par la société B.A.C.C.I. devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Groshens, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et de Me Boulloche, avocat de MM. X... et Y... ès qualités de syndics de la liquidation de biens de la société B.A.C.C.I.,
- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;

Sur le caractère contradictoire de l'expertise :
Considérant que si, outre six réunions tenues avec les parties entre le 28 juillet 1983 et le 28 octobre 1985, les experts désignés par le tribunal administratif ont entendu séparément, une fois, un représentant de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et, deux fois, les représentants de la société B.A.C.C.I., il résulte de l'instruction que ces entretiens ont eu pour seul objet d'obtenir des parties des éclaircissements sur certains détails techniques de leurs prétentions ; que, dès lors, le tribunal administratif a pu à bon droit estimer que, dans les circonstances de l'espèce, l'expertise s'était déroulée régulièrement ;
Considérant que l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES conteste l'article 1er du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a déclaré débiteur envers la société B.A.C.C.I. de diverses sommes au titre du règlement du solde des marchés n os 214/73, 52/74, 69/74 et 85/75 passés pour la réalisation d'ouvrages de voirie et résiliés le 26 février 1976 ;
Sur les frais de remise en état des terrains utilisés pour le logement des ouvriers des chantiers :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association interentreprises d'hygiène et de sécurité de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines qui, selon ls stipulations des marchés, devait, moyennant le versement d'une cotisation par les entreprises travaillant sur les chantiers de la ville nouvelle, mettre à leur disposition des terrains viabilisés pour qu'elles y installent les cantonnements de leurs ouvriers n'a pas satisfait à ses obligations ; que si, en raison de cette défaillance, l'établissement public a mis à la disposition de la société B.A.C.C.I. un terrain nu à charge pour elle de le viabiliser il n'établit pas que la société ait eu l'obligation de lui restituer ledit terrain dans son état primitif ; qu'il n'était donc pas fondé à retenir sur les décomptes définitifs des marchés n° 214/73, 52/74 et 69/74 les sommes nécessaires à la remise en état de ce terrain ;
Sur l'indemnité d'imprévision :

Considérant que l'ordre de service invitant l'entreprise à commencer les travaux du marché n° 214/73, souscrit le 23 septembre 1973, ne lui a été notifié que le 21 janvier 1975 ; que, nonobstant le jeu de la clause de révision des prix, l'économie générale de ce marché a été bouleversée par une forte augmentation des salaires et des autres charges pesant sur l'entreprise qui n'était pas prévisible au moment de la signature du marché et qui lui ouvre droit à une indemnité d'imprévision ; qu'en fixant le montant de cette indemnité à la somme de 296 658,86 F, évaluée par les experts le tribunal administratif n'en a pas fait une inexacte appréciation ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une évolution imprévisible des salaires et du coût des matériaux ait entrainé un bouleversement de l'économie générale du marché n° 69/74, ouvrant à la société B.A.C.C.I. droit à une indemnité d'imprévision ; que l'établissement requérant est, dès lors, fondé à demander à être déchargé de la somme de 896 896,75 F mise à sa charge par le jugement attaqué au titre de ce marché ;
Sur l'indemnisation des charges supplémentaires imputables à l'allongement des délais d'exécution :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'allongement des délais d'exécution du marché n° 69/74, qui n'est pas imputable à la société B.A.C.C.I. a entraîné pour elle des frais supplémentaires dont elle est en droit d'obtenir le remboursement ; que l'établissement public n'est, dès lors, pas fondé à demander la décharge de la somme de 479 642,12 F mise à sa charge de ce chef par le jugement attaqué ;
Sur les travaux supplémentaires :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts que, pour les marchés n os 214/73 et 85/75, des travaux supplémentaires indispensables à l'exécution correcte des ouvrages ont été réalisés par l'entreprise pour des montants s'élevant respectivement à 250 893,90 F et 367 563,50 F dont elle est en droit d'obtenir le règlement ; que l'établissement public n'est, dès lors, pas fondé à contester sur ce point le jugement attaqué ;
Sur les sommes retenues par l'établissement public au titre de la réparation de malfaçons :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des malfaçons dans l'exécution du marché n° 85/75 aient été dénoncées par l'établissement public avant la résiliation du marché valant réception définitive des travaux, laquelle doit être réputée acquise sans réserves ; que l'établissement public n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a décidé à tort la restitution à l'entreprise des sommes retenues à ce titre dans le décompte du marché ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant, d'une part, que, pour le marché n° 85/75, l'établissement public requérant n'établit pas que des retards dans l'exécution du marché puissent être imputés à la société B.A.C.C.I. ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander que des pénalités de retard soient infligées à cette société au titre de ce marché ; qu'il en est de même pour le marché 69/74, à l'exception toutefois de sept jours correspondant à la récupération des heures supplémentaires de la fin de l'année 1974, circonstance qui n'est pas de nature à exonérer l'entreprise de l'obligation de respecter le délai fixé par le marché ; qu'il y a lieu, en conséquence, de déduire 2 368,10 F de l'indemnité allouée à ce titre par le tribunal administratif de Versailles ; qu'il résulte, d'autre part, de l'instruction qu'en fixant à 200 300 F le montant des pénalités susceptibles d'être infligées à l'entreprise au titre des retards constatés dans l'exécution des ouvrages prévus au marché n° 214/73, le tribunal administratif en a fait une exacte évaluation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES n'est fondé à demander la réformation du projet attaqué qu'en ce qui concerne le marché n° 69/74 pour lequel la somme qu'il doit à la société B.A.C.C.I. doit être ramenée de 2 232 089,74 F à 1 332 824,70 F ;
Sur les conclusions de l'établissement public tendant à la rectification d'une erreur matérielle du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que le montant des sommes dues par l'établissement public à la société B.A.C.C.I. au titre du marché n° 85/75 s'élève à 914 983,78 F ; que l'article 1er du jugement qui fixe ce montant à 1 914 983,78 F est entaché d'une erreur matérielle dont l'établissement public est fondé à demander la rectification ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'aux termes de l'article 49-C du cahier des clauses administratives générales du 1er février 1967 applicable aux marchés en cause : "1. A l'expiration d'une période de quinze jours comptée à la fin du délai ouvert à la collectivité dans les conditions indiquées aux A et B ci-dessus, des intérêts moratoires courent de plein droit au profit de l'entrepreneur si la collectivité n'a pas procédé aux opérations de constatation (article 353 du code des marchés publics). Les intérêts moratoires sont dus de ce chef du jour qui suit l'expiration du délai jusqu'au jour où la collectivité procède à la constatation des opérations ouvrant droit à paiement d'acomptes ou de solde. 2. Dans les deux mois qui suivent la constatation l'entrepreneur et, éventuellement, les sous-traitants bénéficiaires du paiement direct doivent être, le cas échéant, avisés des motifs pour lesquels les travaux constatés ne peuvent faire l'objet d'un acompte ou d'un paiement pour solde (article 354 du code des marchés publics). 3. Dans le délai de trois mois compté suivant le cas à partir de la constatation ou du jour où le créancier a régularisé son dossier suivant la notification qui lui en a été faite dans les conditions fixées au paragraphe ci-dessus, le mandatement doit intervenir. Le défaut de mandatement dans ce délai de trois mois fait courir de plein droit et sans autre formalité des intérêts moratoires calculés depuis le jour qui suit l'expiration dudit délai jusqu'au jour du mandatement. Ce délai est porté à quatre mois en ce qui concerne le paiement pour solde. 4. Les intérêts moratoires prévus aux alinéas 1 à 3 ci-dessus sont calculés sur le montant des droits à acomptes ou à paiement pour solde à un taux supérieur de 1 % au taux d'escompte de la Banque de France." ; qu'il résulte de ces dispositions que les intérêts moratoires auxquels ne s'applique pas la règle de la réclamation préalable au maître de l'ouvrage prévue par l'article 51 du même cahier des clauses administratives générales, sont dus à la société B.A.C.C.I. sur les sommes auxquelles elle a droit au titre des marchés litigieux nonobstant le fait qu'elle n'en a pas fait la demande préalable à l'établissement public ;

Considérant qu'il résulte de l'article 49-B du cahier des clauses administratives générales que le délai ouvert à l'administration pour procéder aux opérations de décompte du solde est d'un mois à compter de la réception définitive ; qu'en l'espèce la réception définitive est réputée acquise le 26 février 1976 date de la résiliation des marchés ; qu'aux termes de l'article 49-C précité, les intérêts moratoires courent à l'expiration d'une période de 15 jours comptée à partir de la fin du délai susmentionné ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines à payer à la société B.A.C.C.I. les intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 10 avril 1976 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 18 février 1980, 11 avril 1983, 28 avril 1987 et 10 juillet 1989 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à ces demandes de la société B.A.C.C.I. ;
Article 1er : Les sommes de 2 232 089,54 F et 1 914 983,78F auxquelles l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES a été condamné envers la société B.A.C.C.I. par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 15 mai 1987 sont ramenées respectivement à 1 332 824,70 F et 914 983,78 F.
Article 2 : Les indemnités fixées à l'article 1er ainsi que les autres sommes que l'établissement public d'aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines a été condamné à verser à la société B.A.C.C.I. par le tribunal administratif de Versailles seront majorées des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 10 avril 1976. Ces intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts aux dates des 18 février 1980, 11 avril 1983, 28 avril 1987 et 10 juillet 1989.
Article 3 : L'article 1er du jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles en date du 15 mai 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES et le surplus des conclusions du recours incident de la société B.A.C.C.I. sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES, à la société B.A.C.C.I. et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 92551
Date de la décision : 29/05/1991
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-05-005 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - INTERETS - DROIT AUX INTERETS -Intérêts moratoires au taux contractuel - Nécessité d'une demande préalable à la saisine du juge - Absence - Cahier des clauses administratives générales prévoyant que les intérêts courent de plein droit.

39-05-05-005 Dès lors que le cahier des clauses administratives générales prévoit que les intérêts moratoires courent de plein droit à la fin d'un délai au terme duquel la collectivité publique aurait dû respecter les clauses dudit cahier, le requérant n'a pas à demander le paiement des intérêts moratoires au taux contractuel préalablement à la saisine du juge.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 1991, n° 92551
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Groshens
Rapporteur public ?: Mme Leroy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:92551.19910529
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award