Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 février 1986 et 17 juin 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 17 décembre 1985, par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à payer à la société Athis-Cars la somme de 524 015 F en réparation du préjudice que lui a causé la création d'un service d'autocars gratuit à l'intérieur de la commune,
2°) rejette la demande présentée par la société Athis-Cars devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 7 janvier 1959 ;
Vu le décret du 14 novembre 1949 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schneider, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI et de Me Ricard, avocat de la société Athis-Car,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la délibération, en date du 14 décembre 1979 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI a décidé de créer un service de transports gratuit destiné à desservir divers points de la ville, ne présente pas un caractère exclusivement pécuniaire ; qu'ainsi la commune n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ce que la société Athis-Cars n'a pas contesté ladite délibération dans le délai du recours contentieux pour soutenir que la demande de cette société tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du fonctionnement du service de transports dont elle a décidé la création, n'était pas recevable ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 14 novembre 1949 : "Les services de transports de voyageurs non visés à l'article 2 ci-dessus sont soumis aux dispositions du présent décret et classés ainsi qu'il suit : ... 2° Les services routiers réguliers, les services routiers occasionnels : a) les services routiers réguliers sont ceux qui assurent, quelle que soit leur fréquence, la desserte d'une relation suivant un itinéraire et des dates et selon des horaires publiés à l'avance et qui prennent et laissent des voyageurs en des points désignés de leur itinéraire ... b) Les services occasionnels comprennent : Les services offerts à la place ... Les services collectifs ... 3° Les services urbains organisés en régie ou par contrats administratifs ... à l'intérieur des périmètres de transports urbains ..." et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 7 du même décret ... "Les services de transports de voyageurs tels qu'ils sont définis à l'article 3 ne peuvent être exploités s'ils ne sont inscrits au plan de transports départemental" ; que selon le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, dans la région des transports parisiens, le syndicat des transports parisiens .. "en conformité des règles de coordination des transports fixe les relations à desservir, désigne les exploitants, définit le mode technique d'exécution des services, les conditions générales d'exploitation et les tarifs à appliquer" ; qu'enfin, le deuxième alinéa de l'article 9 du décret du 23 septembre 1959 portant statut du syndicat des transports parisiens dispose qu'une commission technique ... "prépare pour les services réguliers de voyageurs ... un plan de transport" ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dans la région des transports parisiens, les services réguliers ne peuvent être exploités s'ils ne sont inscrits au plan mentionné à l'article 9 précité du décret du 23 septembre 1959 ;
Considérant que le service créé par la délibération du 14 décembre 1979 du conseil municipal de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI, située dans la région des transports parisiens, qui n'est pas organisé à l'intérieur d'un périmètre de transports urbains et qui dessert divers points de la ville selon un itinéraire, des dates et des horaires préétablis et prend et laisse des voyageurs en des points déterminés, ne présente ni le caractère d'un "service organisé gratuitement par des établissements ouverts au public pour la desserte de leur clientèle" que le B) de l'article 2 du décret du 14 novembre 1949 exclut de son champ d'application, ni le caractère d'un service occasionnel collectif qui, en vertu du septième alinéa de l'article 7 du même décret, peut fonctionner après simple déclaration dans un rayon n'excédant pas 10 km, autour de la mairie, mais le caractère d'un service régulier qui, en vertu des dispositions précitées, devait être inscrit au plan de transports ; qu'il est constant que ledit service a été exploité, notamment au cours des années 1982 et 1983, sans avoir été au préalable inscrit au plan de transports ; qu'ainsi ledit service a été exploité dans des conditions irrégulières de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI à l'égard de la société Athis-Cars qui exploite la ligne régulière Choisy-le-Roi - Villeneuve-le-Roi - Villeneuve-Saint-Georges ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service créé par la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI qui est gratuit et qui recoupe en divers points de la commune la ligne exploitée par la société Athis-Cars a entraîné, pour cette dernière, une perte de clientèle ; qu'en fixant à 524 015 F le préjudice subi par elle, de ce fait, au cours des années 1982 et 1983, le tribunal administratif de Versailles a fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI n'est pas susceptible d'être accueillie ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la société Athis-Car a droit aux intérêts de la somme de 524 015 F à compter de la date de la réception de sa demande préalable par la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 février 1988 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI est rejetée.
Article 2 : La somme de 524 015 F que la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI a été condamnée à verser à la société Athis-Car par le jugement attaqué portera intérêts au taux légal à compter du 13 avril 1984. Les intérêts échus le 12 février 1988 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Athis-Cars, à la COMMUNE DE VILLENEUVE-LE-ROI et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.