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17/06/1991 | FRANCE | N°101792;102446

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 juin 1991, 101792 et 102446


Vu 1°) sous le n° 101 792, la requête enregistrée le 8 septembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle X..., demeurant ... ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 23 juin 1988 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre l'arrêté de placement d'office pris à son encontre le 1er juillet 1963 par le préfet de l'Allier et contre la décision du 4 juillet 1963 par laquelle le directeur du centre psychiatrique départemental d'Yzeure l'a admise et séquestrée dans cet

établissement ;
- d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ...

Vu 1°) sous le n° 101 792, la requête enregistrée le 8 septembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle X..., demeurant ... ; Mlle X... demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 23 juin 1988 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre l'arrêté de placement d'office pris à son encontre le 1er juillet 1963 par le préfet de l'Allier et contre la décision du 4 juillet 1963 par laquelle le directeur du centre psychiatrique départemental d'Yzeure l'a admise et séquestrée dans cet établissement ;
- d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu 2°) sous le n° 102 446, la requête enregistrée le 3 octobre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE ; le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 23 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement fait droit aux conclusions des demandes de Mlle X... tendant à l'annulation des décisions relatives à son admission audit centre hospitalier et à sa sortie de cet établissement ;
- de rejeter les demandes présentées par Mlle X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mlle Odette X...,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de Mlle X... et du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête de Mlle X... :
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er juillet 1963 par lequel le préfet de l'Allier a ordonné le placement d'office de Mlle X... au centre psychiatrique départemental :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 343 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté : " ... Les préfets ordonneront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés, de toute personne interdite ou non interdite dont l'état l'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. - Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendus nécessaires", et qu'en vertu de l'article L. 347 du même code : "Les procureurs de la République seront informés de tous les ordres donnés en vertu des articles L. 343, 344, 345 et 346 ... dans les formes et délais énoncés en l'article L. 335 ci-dessus" ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté préfectoral du 1er juillet 1963 n'ait pas été notifié à Mlle X... est sans influence sur la légalité dudit arrêté ; que la requérante ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement à ce propos une violation des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978, qui n'était pas en vigueur à la date à laquelle a été pris cet arrêté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le fait, à le supposer établi, que le procureur de la République n'ait pas été informé de la décision du préfet dans le délai de trois jours prévu par les dispositions combinées des articles L. 347, L. 334 et L. 335 du code de la santé publique est sans influence sur la régularité de cette décision ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté préfectoral ordonnant le placement d'office de Mlle X... mentionne que l'intéressée se trouve dans un état d'aliénation de nature à compromettre l'ordre public ou la sécurité des personnes, en se référant à un rapport médico-légal établi le 23 juin 1963 qui décrit avec précision l'état mental de l'intéressée au moment des faits ; que cette motivation satisfait aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 343 du code de la santé publique ; que si l'arrêté préfectoral analyse de manière inexacte, dans ses visas, le contenu de la lettre du procureur de la République de Cusset en date du 25 juin 1963 transmettant au préfet le rapport médico-légal susmentionné, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la motivation de l'arrêté ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté préfectoral du 1er juillet 1963 n'étant pas entaché d'irrégularité ainsi qu'il vient d'être dit, Mlle X... n'est pas fondée à invoquer une violation des stipulations, de l'article 5-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles "nul ne peut être privé de liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : ... e) s'il s'agit de la détention régulière ... d'un aliéné ..." ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 1er juillet 1963 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 4 juillet 1963 admettant Mlle X... au centre psychiatrique d'Yzeure :
Considérant que si, selon l'article L. 347 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, les ordres donnés par les préfets en vertu de l'article L. 343 "seront notifiés au maire du domicile des personnes soumises au placement, qui en donnera immédiatement avis aux familles" et si, selon l'article L. 350", les aliénés dont le placement aura été ordonné par le préfet, et dont les familles n'auront pas demandé l'admission dans un établissement privé, seront conduits dans l'établissement appartenant au département, ou avec lequel il aura traité", la circonstance que la famille de Y...
X... n'ait pas été immédiatement avisée de la décision du préfet ordonnant son placement d'office au centre psychiatrique départemental n'a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient la requérante, de priver cette décision du caractère exécutoire ; qu'ainsi, en admettant l'intéressée dans cet établissement le 4 juillet 1963, le directeur du centre psychiatrique départemental d'Yzeure s'est borné à exécuter l'ordre du préfet et n'a pas pris lui-même une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre son admission au centre psychiatrique départemental ;
En ce qui concerne la requête du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE :

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE fait appel du jugement attaqué en tant qu'il a annulé les décisions contenues dans les bulletins de sortie de Mlle X... signés par cet établissement les 24 octobre 1963 et 23 janvier 1964 ;
Sur l'intervention de l'association "groupe informations asiles" :
Considérant que l'association "groupe informations asiles" a intérêt au maintien des dispositions attaquées du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 février 1988 ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE se borne à soutenir que les demandes présentées par Mlle X... devant le tribunal administratif étaient tardives et par suite irrecevables ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses aient été notifiées à Mlle X... ou portées à sa connaissance dans des conditions de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; que, dès lors, les conclusions susanalysées du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions, de l'article 1er du décret susvisé du 2 septembre 1988 et de condamner le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE à payer à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprise dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de l'association "groupe informations asiles" est admise.
Article 2 : Les requêtes de Mlle X... et du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle X..., au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE D'YZEURE, à l'association "groupe information asile" et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 101792;102446
Date de la décision : 17/06/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ALIENES - PLACEMENT D'OFFICE - Admission dans un établissement d'une personne ayant fait d'objet d'un arrêté de placement d'office - Mesure ne constituant pas une décision susceptible de recours.

49-05-01-01, 54-01-01-02 Le directeur d'un établissement psychiatrique départemental qui admet dans son établissement une personne ayant fait l'objet d'un arrêté préfectoral ordonnant son placement d'office dans cet établissement se borne à exécuter l'ordre du préfet et ne prend pas par lui-même une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, irrecevabilité de conclusions dirigées contre l'admission dans un centre psychiatrique départemental.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DECISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - Notification et mesures d'exécution de décisions administratives - Admission dans un établissement psychiatrique d'une personne ayant fait l'objet d'un arrêté de placement d'office.


Références :

Code de la santé publique L343, L347, L334, L335, L350
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Loi 78-753 du 17 juillet 1978 art. 8


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 1991, n° 101792;102446
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: M. de Bellescize
Rapporteur public ?: M. Hubert

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:101792.19910617
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