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19/06/1991 | FRANCE | N°104979

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 19 juin 1991, 104979


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 31 mai 1989, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville d'Annecy, représentée par son maire en exercice ; la ville d'Annecy demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt en date du 28 avril 1988, par lequel la Cour des comptes a déclaré M. X..., comptable de la commune, débiteur envers elle de la somme de 106 906,55 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la notification de cet arrêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés pub

lics ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 31 mai 1989, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville d'Annecy, représentée par son maire en exercice ; la ville d'Annecy demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt en date du 28 avril 1988, par lequel la Cour des comptes a déclaré M. X..., comptable de la commune, débiteur envers elle de la somme de 106 906,55 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la notification de cet arrêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 85-199 du 11 février 1985 relatif à la cour des comptes ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Devys, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la VILLE D'ANNECY,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que, si la requérante soutient que l'arrêt attaqué a été rendu par une juridiction irrégulièrement composée, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;
Considérant que, si aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... publiquement ... par un tribunal ... qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle", la Cour des comptes, lorsqu'elle juge les comptes des comptables publics en vertu de l'article 1er de la loi du 22 juin 1967 modifiée par la loi du 10 juillet 1982, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 6-1 de la convention européenne susvisée ne lui sont pas applicables ; que la ville d'Annecy n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision attaquée, rendue en audience non-publique, serait de ce fait irrégulière ;
Considérant, enfin, que l'arrêt attaqué constate que, dans le décompte d'un marché de travaux passé par la ville d'Annecy, la révision des prix a été calculée sur le montant total des travaux sans déduction de l'avance forfaitaire versée aux entreprises en méconnaissance du sixième alinéa de l'article 348 du code des marchés publics ; qu'il relève que M. X..., comptable de la commune, auquel il incombait d'exercer son contrôle sur l'exactitude des calculs de liquidation, n'avait pu apporter la preuve du reversement dans la caisse de la commune des sommes irrégulièrement payées et que sa responsabilité était de ce fait engagée ; que l'arrêt est ainsi suffisamment motivé ;

Sur le moyen tiré d'une erreur de droit :
Considérant qu'aux termes du sixième alinéa de l'article 348 du code des marchés publics dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle a été effectué le paiement litigieux : "Lorsque des avances ont été accordées et que, par application de l'article 338, elles sont remboursées par précompte sur les sommes dues à titre d'acomptes ou de solde, la clause de révision des prix ne s'applique que sur la différence entre le montant initial de l'acompte ou du solde et le montant de l'avance à déduire. Toutefois, lorsque la preuve est apportée que les catégories de dépenses à raison desquelles les avances ont été versées ont été affectées par des variations de prix, la clause de révision est appliquée au montant de l'acompte ou du solde avant précompte du montant de l'avance. Cette dernière disposition ne s'applique pas à l'avance forfaitaire visée à l'article 336." ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond que, lors de la passation du marché en cause, la commune intention des parties ait été d'écarter l'application des dispositions précitées de l'article 348 du code des marchés publics ; qu'il n'est pas contesté que, pour le calcul de la révision des prix applicable au marché, l'avance forfaitaire versée aux entreprises n'a pas été déduite du montant initial de l'acompte sur lequel elle avait été précomptée ; qu'en relevant que ce calcul avait été effectué en méconnaissance du sixième alinéa de l'article 348, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur la responsabilité du comptable :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant réforme de la comptabilité publique : "Les comptables sont tenus d'exercer (...) B) En matière de dépenses, le contrôle ... de la validité de la créance dans les conditions prévues à l'article 13 ci-après (...)" ; qu'aux termes dudit article 13 : "En ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle porte sur la justification du service fait et l'exactitude des calculs de liquidation." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier la validité des créances afférentes au règlement des marchés publics, les comptables doivent exercer leur contrôle sur l'exactitude de l'ensemble des calculs de liquidation et notamment sur ceux qui résultent de l'application de règles fixées par le code des marchés publics ; qu'il suit de là qu'en relevant que le paiement effectué dans les conditions ci-dessus décrites avait été irrégulier et en décidant que la responsabilité du comptable était engagée, la Cour n'a pas méconnu l'étendue des pouvoirs attribués aux comptables publics par les dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville d'Annecy n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : La requête de la ville d'Annecy est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la ville d'Annecy, à M. X..., au premier président de la Cour des compteset au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 104979
Date de la décision : 19/06/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICABILITE - CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6 paragraphe 1 (Jurisprudences antérieures à la décision d'Assemblée du 14 février 1996 - Maubleu) - Inapplicabilité aux jugements par la Cour des comptes des comptables publics.

01-01-02-01-01, 18-01-04-01(2), 18-07-03 La Cour des comptes, lorsqu'elle juge les comptes des comptables publics en vertu de l'article 1er de la loi du 22 juin 1967 modifiée par la loi du 10 juillet 1982, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil. Dès lors, les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu desquelles toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement ne lui sont pas applicables.

COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - RESPONSABILITE - Responsabilité du comptable - Obligation de contrôler l'exactitude de l'ensemble des calculs de liquidation et notamment ceux résultant de l'application de règles fixées par le code des marchés publics.

18-01-03 Pour apprécier la validité des créances afférentes au règlement des marchés publics, les comptables doivent, en vertu des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962, exercer leur contrôle sur l'exactitude de l'ensemble des calculs de liquidation et notamment sur ceux qui résultent de l'application de règles fixées par le code des marchés publics. Il suit de là qu'en relevant que le paiement avait été irrégulier et en décidant que la responsabilité du comptable était engagée, la Cour des comptes n'a pas méconnu l'étendue des pouvoirs attribués aux comptables publics par ces dispositions.

- RJ1 - RJ2 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - JUGEMENT DES COMPTES - COUR DES COMPTES (1) Recours en cassation contre un arrêt de la Cour des comptes - Recevabilité - Recours formé par une collectivité locale contre l'arrêt déclarant son comptable débiteur envers elle (1) (2) - (2) Inapplicabilité de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme au jugement - par la Cour des comptes - des comptes des comptables publics.

18-01-04-01(1), 18-07-02-015 Une collectivité locale a la possibilité de former un recours en cassation contre un arrêt de la Cour des comptes déclarant son comptable débiteur envers elle (1) (2).

- RJ1 - RJ2 COMPTABILITE PUBLIQUE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES A LA COMPTABILITE PUBLIQUE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - Collectivité locale - Recevabilité d'un recours en cassation contre un arrêt de la Cour des comptes déclarant son comptable débiteur envers elle (1) (2).

54-08-02-004-01 Une collectivité locale a qualité pour former un recours en cassation contre un arrêt de la Cour des comptes déclarant son comptable débiteur envers elle.

COMPTABILITE PUBLIQUE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES A LA COMPTABILITE PUBLIQUE - VOIES DE RECOURS - Inapplicabilité de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme au jugement - par la Cour des comptes - des comptes des comptables publics.

- RJ1 - RJ2 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - RECEVABILITE - RECEVABILITE DES POURVOIS - Recours d'une collectivité locale contre un arrêt de la Cour des comptes déclarant son comptable débiteur envers elle (1) (2).


Références :

Code des marchés publics 348, 13
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme art. 6-1
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 12
Loi 67-483 du 22 juin 1967 art. 1
Loi 82-595 du 10 juillet 1982

1.

Cf. Assemblée, 1952-05-30, Ministre des finances c/ Sieur Léger, p. 286 (sol. impl.). 2.

Rappr. 1982-11-05, Ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget c/ Roussel, p. 373 (pour un recours en révision)


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 1991, n° 104979
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Devys
Rapporteur public ?: M. Abraham
Avocat(s) : SC.P Vier, Barthélémy, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:104979.19910619
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