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08/07/1991 | FRANCE | N°95305

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 08 juillet 1991, 95305


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 février 1988 et 15 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 24 novembre 1987, par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser une indemnité de 60 000 F à M. Y... et au Bureau d'études BETCO ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret du 28 novembre 1983

;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 février 1988 et 15 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE, dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 24 novembre 1987, par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser une indemnité de 60 000 F à M. Y... et au Bureau d'études BETCO ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société à responsabilité limitée BETCO et de M. Y...,
- les conclusions de Mme Leroy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE a conclu en mai 1983 avec le cabinet d'architecture de M.
X...
un contrat d'ingénierie pour l'étude d'un projet de lotissement à Quessy et a rémunéré aussitôt l'avant-projet sommaire établi par cet architecte ; que le préfet de l'Aisne ayant imposé à l'office de recourir à la concurrence pour l'étude de ce programme, un appel d'offres restreint puis un appel d'offres avec concours ont été successivement lancés par l'office en septembre et octobre 1984 auxquels M. Y..., architecte, associé au bureau d'études BETCO, a été invité par l'office à participer ; que le plan de masse et le tracé de la voirie du futur lotissement qui figurent dans le dossier remis aux candidats au concours avait été établi par M. X... ; que le concours a finalement été remporté par M. X... ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des circonstances susrappelées et eu égard, en particulier, à la part prise par M. X... dans la conception même du projet, que l'office a méconnu dans l'organisation du concours le principe d'égalité entre les concurrents ; que, d'autre part, en invitant spécialement M. Y... à participer au concours alors que comme le révèle le dossier, il était, en tout état de cause, décidé à ne pas retenir son projet, l'office a commis des fautes qui engagent sa responsabilité envers cet architecte et le bureau d'études qui lui était associé ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif d' Amiens l'a condamné à leur verser une indemnité ;
Sur le préjudice :
Consdérant qu'eu égard à la nature des fautes commises par l'office envers M. Y... et le bureau d'études BETCO ceux-ci peuvent prétendre à être indemnisés, d'une part du montant des frais qu'ils ont engagés pour mettre au point des projets qui n'avaient aucune chance d'être retenus d'autre part, de la perte d'une chance sérieuse d'être lauréats du concours et du manque à gagner qui en a résulté ;

Considérant que si M. Y... et le bureau d'études BETCO ont présenté à l'office deux projets successifs, ils n'établissent pas que le second de ces projets ait comporté, par rapport au premier, des modifications substantielles ayant nécessité l'engagement de frais supplémentaires ; qu'ils ne peuvent, par suite, prétendre qu'au remboursement des frais qu'ils ont exposés pour l'établissement du premier projet et qui s'élèvent à la somme non contestée de 138 069,37 F ; qu'il y a lieu, dès lors, compte tenu du versement par l'office d'une indemnité forfaitaire de 21 156,36 F, de porter l'indemnité qui leur est due au titre de ce chef de préjudice à 116 913,01 F ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à 60 000 F le montant du manque à gagner subi par M. Y... et le Bureau d'Etudes BETCO le tribunal administratif ait fait une évaluation exagérée de ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 176 913,01 F le montant de l'indemnité à laquelle le tribunal administratif a condamné l'office envers M. Y... et le Bureau d'Etudes BETCO et de rejeter, en conséquence, les conclusions de la requête de l'office tendant à être déchargé de la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal administratif et celles du recours incident de M. Y... et du Bureau d'Etudes BETCO tendant à ce que leur soit versée une indemnité supérieure à la somme susindiquée ;
Sur les intérêts et les intérêts capitalisés :

Considérant que l'indemnité de 176 913,01 F due par l'office à M. Y... et au Bureau d'Etudes BETCO, doit, sous déduction de la somme de 89 561,55 F que l'office leur a versée en exécution du jugement attaqué, porter intérêts au taux légal à compter du 14 mai 1984 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 4 novembre 1988, 7 mai 1990 et 4 juin 1991 ; qu'à ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit auxdites demandes ;
Article 1er : L'indemnité à laquelle l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE a été condamné envers M. Y... et le bureau d'études BETCO par le jugement du tribunal administratif d' Amiens en date du 24 novembre 1987 est portée de 60 000 F à 176 913,01 F. Après déduction de la somme de 89 561,55 F déjà versée par l'office, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 14 mai 1984. Les intérêts échus le 4 novembre 1988, le 7 mai 1990 et le 4 juin 1991 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif d' Amiens en date du 24 novembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La requête de l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE et le surplus du recours incident de M. Y... et du bureau d'études BETCO sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE PUBLIC D'HABITATIONS A LOYER MODERE DU DEPARTEMENT DE L'AISNE, à M. Y..., au bureau d'études BETCO et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 95305
Date de la décision : 08/07/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-02-02-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - APPEL D'OFFRES


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 1991, n° 95305
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme Leroy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:95305.19910708
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