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19/07/1991 | FRANCE | N°84259

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 19 juillet 1991, 84259


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 janvier 1987 et 24 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 17 février 1986 par laquelle le ministre du travail et de la formation professionnelle a refusé à la société SCIP l'autorisation de le licencier ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société SCIP devant le trib

unal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le co...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 janvier 1987 et 24 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 17 février 1986 par laquelle le ministre du travail et de la formation professionnelle a refusé à la société SCIP l'autorisation de le licencier ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société SCIP devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X... et de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société SCIP,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en application de l'article L. 425-1 du code du travail, pendant un délai de 6 mois suivant la date à laquelle une organisation syndicale a demandé à un employeur qu'il soit procédé à l'élection de délégués du personnel, tout licenciement d'un salarié ayant demandé à cet employeur d'organiser cette élection ou d'accepter qu'elle soit organisée, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail et qu'aux termes de ce même article : "La même procédure s'applique lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat n'ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement prévu à l'article L.122-14 ... les salariés qui ont demandé à l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel, ou d'accepter d'organiser ces élections bénéficient de la procédure prévue aux alinéas ci-dessus pendant une durée de six mois qui court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections ..." ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions les salariés concernés bénéficient d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un d'eux est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec la demande qu'il a exprimée ou le cas échéant avec son action pour la défense des intérêts des salariés de l'entreprise ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi, et, le cas échéant au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que pour confirmer la décision de l'inspecteur du travail ayant refusé à la société de construction industrielle et de plomberie (SCIP) l'autorisation de licencier pour faute M. X..., qui avait demandé par lettre du 15 février 1985 à son employeur l'organisation d'une élection de délégués du personnel dans l'entreprise, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'est fondé d'une part, sur ce que ce salarié protégé n'aurait pas commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et, d'autre part, sur des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a refusé à différentes reprises de se rendre sur des chantiers pour y exécuter des travaux de plomberie industrielle relevant de sa compétence professionnelle de maître ouvrier plombier zingueur, sans expliquer, au préalable, les raisons de ce refus de prendre son travail ; que le refus d'obéissance de M. X..., loin de constituer, comme il le soutient, une action revendicative particulière, doit être regardée comme étant une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la présence au sein de l'entreprise, qui ne compte que 13 personnes, d'un salarié syndiqué à la C.G.T., qui avait demandé l'organisation de l'élection de délégués du personnel en même temps que M. X..., que la nécessité de maintenir ce dernier au sein de l'entreprise pour assurer un interlocuteur représentatif à son gérant, ne pouvait pas constituer pour l'administration, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, un motif d'intérêt général, de nature à justifier le refus d'autoriser le licenciement demandé ; qu'ainsi, en refusant, pour le motif précité, le licenciement de M. X... le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a excédé ses pouvoirs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X..., qui ne saurait non plus prétendre avoir fait l'objet de mesures discriminatoires de la part de son employeur, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 17 février 1986 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a refusé à la société SCIP l'autorisation de le licencier ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la société SCIP et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - BENEFICE DE LA PROTECTION - DELEGUES DU PERSONNEL - Candidats à l'élection des délégués du personnel (alinéas 5 - 8 et 9 de l'article L - 425-1 du code du travail) - Existence d'une protection (1).

66-07-01-01-02 Le salarié qui prend l'initiative de demander à son employeur l'organisation de l'élection de délégués du personnel bénéficie de la protection exceptionnelle prévue à l'article L.425-1 du code du travail et son licenciement ne peut ainsi intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - REFUS D'AUTORISATION FONDE SUR UN MOTIF D'INTERET GENERAL - Absence d'un motif d'intérêt général suffisant - Refus d'autoriser le licenciement d'un salarié ayant demandé l'organisation d'élections de délégués du personnel (article L - 425-1 du code du travail) - Illégalité du refus - Présence dans une entreprise ne comptant que 13 personnes d'un autre salarié syndiqué ayant également demandé l'organisation de ces élections.

66-07-01-04-04 Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la présence au sein de l'entreprise, qui ne compte que 13 personnes, d'un salarié syndiqué à la C.G.T., qui avait demandé l'organisation de l'élection de délégués du personnel en même temps que l'intéressé, que la nécessité de maintenir ce dernier au sein de l'entreprise pour assurer un interlocuteur représentatif à son gérant, ne pouvait pas constituer pour l'administration, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, un motif d'intérêt général, de nature à justifier le refus d'autoriser le licenciement demandé.


Références :

Code du travail L425-1

1.

Cf. décision du même jour, Société Pizza Opéra, p. 296


Publications
Proposition de citation: CE, 19 jui. 1991, n° 84259
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 19/07/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 84259
Numéro NOR : CETATEXT000007769698 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1991-07-19;84259 ?
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