Vu la requête, enregistrée le 25 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. André Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 20 décembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1975 et 1976 et de la majoration exceptionnelle à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1975 ;
2°) prononce la décharge de ses impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de taxation d'office :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant que l'administration a adressé à M. Y... une demande de justifications sur des apports inexpliqués sur ses comptes bancaires de 100 000 F le 25 mars 1975 et de 70 000 F le 20 mai 1976 ; que, dans sa réponse, M. Y... a affirmé que ces versements trouvaient leur origine dans des prêts qui lui avaient été consentis par des membres de sa famille ; qu'eu égard au caractère alors invérifiable de cette réponse qui n'était assortie que de reconnaissances de dettes manuscrites et ne comportant pas date certaine, l'administration était en droit de regarder celle-ci comme équivalant à un défaut de réponse et de taxer d'office M. Y... sur le fondement des dispositions des textes précités sur des sommes de 100 000 F au titre de l'année 1975 et de 70 000 F au titre de l'année 1976 ; que, dès lors, il incombe au contribuable d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en ce qui concerne les prêts de 100 000 F qui lui auraient été consentis en mars 1975, M. Y... n'apporte pas d'élément permettant de tenir pour établies ses affirmations ; que, par contre, M. Y... a produit des extraits de comptes d'épargne démontrant que Mlle X... avait retiré avant le 20 mai 1976, date à laquelle le requérant prétend avoir bénéficié de lapart de celle-ci d'un prêt de 70 000 F, une somme supérieure à ce montant, ainsi que la copie d'un chèque d'un montant de 70 000 F émis le 9 juillet 1980 par les établissements André Y... à l'ordre de Mlle X..., tante du requérant, et encaissé par celle-ci ; qu'il résulte de ces éléments que M. Y... peut être regardé comme apportant la preuve que ce versement de 70 000 F trouve bien son origine dans un prêt familial et qu'il y a lieu dès lors de lui accorder la décharge demandée au titre de l'année 1976 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'en l'absence de toute indication de l'administration relative aux motifs des pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1975, M. Y... est fondé à soutenir que lesdites pénalités ne pouvaient lui être appliquées ; qu'il y a lieu d'y substituer les intérêts de retard calculés comme il est dit à l'article 1727 du code général des impôts dont le montant doit toutefois être limité à celui des majorations indûment appliquées ;
Article 1er : M. Y... est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1976, ainsi que des majorations de 50 % appliquées aux impositions contestées auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1975 ; les intérêts de retard calculés comme il est dit à l'article 1727 du code général des impôts sont substitués auxdites majorations dans la limite du montant de celles-ci.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du20 décembre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. André Y... et au ministre délégué au budget.