Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 1er février 1989 et 26 mai 1989, présentés pour M. Samir X..., demeurant ..., 3ème (69000) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 1988 par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de quitter le territoire français ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Chauvaux, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Samir X...,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, qui disposait d'une délégation régulière à cet effet ; qu'ainsi le moyen tiré d'un défaut de signature ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'en indiquant que le requérant "a commis de janvier 1981 au 19 juin 1981 des faits de proxénétisme, en juin et juillet 1983 et d'avril 1984 à avril 1985 des faits de proxénétisme aggravé", le ministre de l'intérieur a énoncé les considérations de fait qui constituent le fondement de la décision d'expulsion ; que le ministre n'était pas tenu de mentionner la nature ni le montant des peines prononcées contre le requérant ; qu'ainsi, l'arrêté satisfait aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne :
Sur le moyen tiré de l'article 25-2° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
Considérant que si M. X... a épousé une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier qu'il n'existait pas entre les conjoints une communauté de vie effective ; qu'il suit de là que le requérant ne saurait invoquer les dispositions de l'article 25-2° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation :
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... s'est rendu coupable, entre 1981 et 1985, de faits de proxénétisme et de proxénétisme aggravé ; qu'ainsi, compte tenu de la nature et de la répétition de ces faits, le ministre de l'intérieur n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre pblic ;
Sur le moyen tiré de l'application rétroactive de la loi du 9 septembre 1986 :
Considérant que l'expulsion d'un étranger a le caractère d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions de la loi du 9 septembre 1986, publiées au Journal Officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 8 novembre 1870, pouvaient, dès l'expiration de ce délai, être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elle ; qu'il suit de là que le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application de ces dispositions au requérant à la date du 18 mars 1988 et en retenant à son encontre des agissements antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que, si les parents et les frères de M. X... résident en France, le requérant ne justifie pas de l'existence d'une vie familiale effective ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en violation de l'article 8 de la convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à obtenir l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 18 mars 1988 prononçant son expulsion du territoire français ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.