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02/12/1991 | FRANCE | N°85515

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 02 décembre 1991, 85515


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 1987 et 2 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ENTREPRISE LOUIS POLES, dont le siège est ... ; l'ENTREPRISE LOUIS POLES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 16 décembre 1986, par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Bastia à lui verser la somme de 537 978,06 F et une indemnité de 755 699 F en réparation de divers préjudices subis du fait de la résiliation du marché pass

le 22 octobre 1976 et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 mars 1987 et 2 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ENTREPRISE LOUIS POLES, dont le siège est ... ; l'ENTREPRISE LOUIS POLES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 16 décembre 1986, par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Bastia à lui verser la somme de 537 978,06 F et une indemnité de 755 699 F en réparation de divers préjudices subis du fait de la résiliation du marché passé le 22 octobre 1976 et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés à la somme de 44 051,64 F ;
2°) condamne la ville de Bastia à lui verser la somme de 537 978,06 F et 755 499 F ainsi que 44 051,64 F au titre des frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fratacci, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'ENTREPRISE LOUIS POLES et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la ville de Bastia,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R.123 du code des tribunaux administratifs : "Les parties doivent être averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; Cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée ..." ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert a adressé à l'ENTREPRISE LOUIS POLES une lettre recommandée avec accusé de réception le 18 décembre 1979 l'avisant que la première réunion d'expertise se tiendrait sur le chantier le 26 décembre 1979 ; qu'il a téléphoné au siège de ladite entreprise afin de confirmer sa convocation ; que le 20 février 1980, il lui a fait sommation d'huissier d'être présente ou de se faire représenter aux opérations d'expertise ; que les 8 et 14 avril 1980, il lui a adressé de nouvelles lettres recommandées, la convoquant aux autres réunions d'expertise ; que l'ENTREPRISE LOUIS POLES s'est délibérément abstenue de toute participation aux opérations d'expertise ; que, dès lors, l'ENTREPRISE LOUIS POLES n'est pas fondée à soutenir que l'ensemble des opérations d'expertise doivent être regardés comme entachées d'irrégularité faute d'avoir été effectués selon la procédure contradictoire ;
Sur la résiliation du marché :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des deux procès-verbaux de chantier des 26 septembre et 17 octobre 1979 qu'à ces dates, soit quelques semaines avant la résiliation du marché prononcé le 23 novembre 1979, l'ENTREPRISE LOUS POLES poursuivait les travaux sur le chantier où se trouvaient présents ses ouvriers ; qu'ainsi et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bastia, la résiliation du marché ne peut trouver son fondement dans la circonstance qu'à la date de cette résiliation l'entreprise avait "virtuellement abandonné son chantier" ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6-I dernier alinéa du cahier des prescriptions spéciales : "Le fait pour un entrepreneur d'exécuter un travail supplémentaire sans ordre de service et avenant implique son accord pour l'exécution de ce travail sans supplément du prix forfaitaire" ; qu'en s'abstenant d'effectuer, après la conclusion des avenants n os 1 et 2 des 19 décembre 1978 et 8 février 1979, des travaux supplémentaires qui n'étaient compris ni dans le marché initial ni dans lesdits avenants et en subordonnant la poursuite du chantier à un troisième avenant dont ne pouvaient tenir lieu ni le "protocole d'accord" souscrit le 23 novembre 1978 ni le projet d'avenant qui ne comportait aucune précision sur les travaux à effectuer la société n'a commis aucune faute contractuelle de nature à justifier la résiliation à ses torts et griefs du marché dont s'agit ;
Considérant qu'au titre de cette résiliation, la société est fondée à demander, pour les frais financiers, les frais de règlement du chantier et le préjudice commercial subi, une somme de 250 000 F avec intérêts, à compter du 8 octobre 1980 ;
Sur les travaux supplémentaires :
Considérant que la société requérante qui, comme il a été dit ci-dessus, s'est volontairement abstenue de participer à l'expertise ordonnée par les premiers juges aux fins notamment d'apprécier les dettes et créances nées des marchés, n'établit pas avoir effectué des travaux de nature à lui ouvrir droit à une rémunération supplémentaire ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que l'ENTREPRISE LOUIS POLES a demandé le 2 juillet 1987 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de la ville de Bastia ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ENTREPRISE LOUIS POLES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté celles de ses conclusions, tendant à ce que la ville de Bastia soit condamnée à réparer le préjudice résultant pour elle de la résiliation du marché passé le 22 octobre 1976 et a mis à sa charge les frais d'expertise taxés à la somme de 44 051,64 F ;
Article 1er : La ville de Bastia est condamnée à verser à l'ENTREPRISE LOUIS POLES la somme de 250 000 F. Cette somme portera intérêts à compter du 8 octobre 1980, les intérêts échus le 2 juillet 1987 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de la ville de Bastia.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 16 décembre 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ENTREPRISE LOUIS POLES est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ENTREPRISE LOUIS POLES, à la commune de Bastia et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 85515
Date de la décision : 02/12/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-04-02-03 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R123


Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 1991, n° 85515
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fratacci
Rapporteur public ?: Abraham

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:85515.19911202
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