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13/12/1991 | FRANCE | N°61379

France | France, Conseil d'État, Pleniere, 13 décembre 1991, 61379


Vu la requête enregistrée le 1er août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société anonyme Satam, dont le siège est ..., représentée par le président en exercice de son directoire ; la société anonyme Satam demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 24 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 ;
2°) la décharge de cette imposition

;
3°) décide, le cas échéant, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour d...

Vu la requête enregistrée le 1er août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société anonyme Satam, dont le siège est ..., représentée par le président en exercice de son directoire ; la société anonyme Satam demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 24 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 ;
2°) la décharge de cette imposition ;
3°) décide, le cas échéant, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice des Communautés Européennes se soit prononcée, à titre préjudiciel, sur la question de savoir si l'article 19 de la 6ème directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 doit ou non être interprétée en ce sens que les dividendes perçus par une société qui détient des participations dans le capital d'autres sociétés et n'est que partiellement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, font partie des éléments de calcul du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, qui est applicable à une telle société ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 ;
Vu la 6ème directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, issu de l'article 17 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ..." ; que l'article 273 du même code, issu du même article de la même loi, dispose : "1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : ... les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être réduite ou limitée ..." ; que l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction, applicable en l'espèce, issue de l'article 8 du décret n° 67-92 du 1er février 1967, pris sur le fondement de l'article 273 ci-dessus, prévoit que "les entreprises qui ne sont pas assujetties pour l'ensemble de leurs activités sont autorisées à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations. Cette fraction est égale au montant de la taxe qui a grevé lesdits biens, affecté du pourcentage qui résulte du rapport existant entre les recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et l'ensemble des recettes réalisées par l'entreprise ..." ; que, "par dérogation aux dispositions de l'article 212", l'article 213 de la même annexe, dans sa rédaction issue de l'article 9 du décret précité du 1er février 1967, énonce que : "l'administration peut autoriser, ou obliger, les entreprises qui exploitent des secteurs différents à déterminer un pourcentage de déduction particulier pour chaque secteur d'activité" et que "dans ce cas, chaque secteur est considéré comme une entreprise distincte pour l'exercice du droit à déduction" ; que l'article 214 de la même annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 10 du décret du 1er février 1967, dispose que "pour l'application des articles 212 et 213, les entreprises déterminent, à la fin de chaque année civile, le pourcentage de déduction qui se dégage des recettes réalisées au cours de ladite année" et que "ce pourcentage est retenu pour le calcul des droits à déduction ouverts au titre des biens acquis au cours de l'année suivante" ; qu'en vertu, enfin, de l'article 219, c) de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'article 15 du décret du 1er février 1967, une fraction de la taxe, calculée dans les conditions prévues aux articles 212 et 214, est déductible, lorsque l'utilisation de services ou de biens ne constituant pas des immobilisations aboutit concurremment à la réalisation de services ou à l'obtention de produits dont les uns sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et les autres n'y sont pas soumis ;

Considérant que la société anonyme Satam, qui a pour objet la gestion d'un patrimoine mobilier et immobilier, a déduit de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979, la totalité de celle qui avait en même temps grevé ses acquisitions de biens et de services ; qu'ayant procédé, pour la même période, à une vérification de la comptabilité de la société et constaté, à cette occasion, que les recettes perçues par cette dernière comprenaient, d'une part, des loyers d'immeubles et divers autres produits soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, les dividendes, regardés comme non passibles de cette taxe, que lui procurent les participations qu'elle détient dans le capital d'autres sociétés faisant partie du groupe dont elle est la "holding", l'administration a estimé que les droits à déduction ouverts à la société devaient être calculés conformément aux règles fixées par les articles 212, 214 et 219, c) de l'annexe II au code général des impôts pour les entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs activités et, par suite, que la taxe ayant grevé les biens et services acquis par la société n'auraient due être déduite par cette dernière que dans la limite des pourcentages résultant du rapport entre le montant annuel de ses recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et le montant annuel de l'ensemble de ses recettes, dans lequel les dividendes qu'elle avait encaissés devaient être inclus ; qu'ayant déterminé qu'il y avait lieu de fixer ces pourcentages à 57 % pour l'année 1976, à 68 % pour les années 1977 et 1978 et à 69 % pour l'année 1979, l'administration a réclamé à la société le supplément de taxe sur la valeur ajoutée découlant de cette réduction de ses droits à déduction ;

Considérant que, pour demander la décharge de cette imposition, la société anonyme Satam soutient que, même perçus par une entreprise qui, comme elle, n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de ses activités, les dividendes d'actions ne sont pas au nombre des éléments à inclure dans le prorata de déduction prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts et que, dans le cas contraire, les dispositions de cet article seraient incompatibles avec celles de l'article 19 de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 et, pour ce motif, entachées d'illégalité depuis le 1er janvier 1979 ; qu'à titre subsidiaire, la société anonyme Satam fait valoir qu'exploitant des secteurs d'activité différents, elle eut été, à tout le moins, en droit, par application des dispositions précitées de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, de bénéficier de pourcentages de déduction propres à chacun de ces secteurs ;
Considérant que la date à laquelle les Etats membres devaient avoir pris les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à l'adaptation de leur régime de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions de la sixième directive du 17 mai 1977 avait été fixée, par cette dernière, au 1er janvier 1978 au plus tard ; que, pour la France et six autres Etats membres, la neuvième directive du Conseil des Communautés Européennes du 26 juin 1978 a repoussé la date d'expiration de ce délai au 1er janvier 1979 ; que, eu égard aux modifications qui ont été effectivement apportées, à partir de cette date, pour l'application, en France, de la sixième directive, au régime de la taxe sur la valeur ajoutée et, en particulier à son champ d'application et à la détermination de ses redevables, par la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978, ainsi qu'au fait allégué par la société anonyme Satam que les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret du 1er février 1967, seraient devenues illégales à partir du 1er janvier 1979, il convient d'examiner, d'abord les prétentions de la société qui se rapportent à la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1978, puis celles qui se rapportent à la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1979 ;

En ce qui concerne la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1978 :
Considérant, d'une part, que, si la société anonyme Satam revendique le bénéfice des dispositions, déjà citées, de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, relatives à la constitution de secteurs distincts pour l'exercice du droit à déduction, elle n'établit, ni même ne soutient qu'elle aurait, au cours des années 1976, 1977 et 1978, affecté des moyens propres, en personnel et en matériel, à la gestion des participations qu'elle détient dans le capital des sociétés du groupe dont elle est la "holding" ; que les biens et services qu'elle a acquis doivent, dès lors, être regardés comme utilisés pour l'ensemble des activités d'une seule et même entreprise ; que la société ne pouvait donc déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de ces biens et services que dans les conditions fixées par les articles 212 et 219 de l'annexe II ;
Considérant, d'autre part, que, pour calculer le rapport défini par l'article 212, l'administration était en droit de tenir compte de l'ensemble des recettes de la société, quelle que fût l'origine de ces recettes, que celles-ci fussent ou non le produit d'opérations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société anonyme Satam ne peut donc prétendre que les dividendes qu'elle a perçus en 1976, 1977 et 1978 ne devaient pas être compris dans ce calcul, au motif que leur encaissement ne procèdait pas de la réalisation d'affaires de nature industrielle ou commerciale, soumises, comme telles, à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1978, de l'article 256 du code général des impôts, ou d'affaires expressément exonérées de cette taxe ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme Satam, qui ne conteste pas en eux-mêmes les pourcentages de déduction déterminés par l'administration, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1978 ;
En ce qui concerne la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1979 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 1979 : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ..." et qu'aux termes de l'article 256 A du même code, dans la même rédaction : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ..." ; qu'il résulte de ces dispositions, prises pour l'adaptation de la législation nationale aux articles 2 et 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive du 17 mai 1977, en vertu desquels est, notamment, considéré comme assujetti quiconque accomplit des activités économiques de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou se livre à des opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence, que la simple détention de participations financières dans d'autres entreprises est étrangère à de telles activités ou opérations et, par suite, qu'une société "holding" dont l'objet unique est la prise de participations dans d'autres entreprises, sans que cette société s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises, sous réserve des droits que ladite société "holding" détient en sa qualité d'actionnaire ou d'associée, n'a pas la qualité d'assujetti à cette taxe ;

Considérant qu'il n'est pas allégué que la société anonyme Satam s'immiscerait dans la gestion des entreprises dans lesquelles elle détient des participations, autrement qu'en y exerçant les droits qu'elle détient en qualité d'actionnaire ; qu'en tant qu'elle a pour objet la prise de telles participations, elle n'est donc pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, d'où il découle que les dividendes qui lui sont versés par les sociétés dont elle est actionnaire sont placés hors du champ d'application de cette taxe ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive : "Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ..." ; qu'en dehors des cas limitativement prévus par l'article 17, paragraphe 3, de la sixième directive, la taxe ayant grevé les biens et les services livrés ou fournis à un assujetti n'ouvre pas droit à déduction lorsque ces biens ou services sont utilisés pour les besoins d'opérations exonérées ; qu'aux termes de l'article 17, paragraphe 5 : "En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé, pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti, conformément à l'article 19 ..." ; que, selon le paragraphe 1 de l'article 19 : "Le prorata de déduction prévu par l'article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17, paragraphes 2 et 3, - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations n'ouvrant pas droit à déduction. Les Etats membres ont la faculté d'inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l'article 11 sous A, paragraphe 1 sous a) ..., c'est à dire des subventions qui ne sont pas directement liées au prix des biens et des services ; que le paragraphe 2 de l'article 19 précise que, "par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, ... du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires ... financières ... ;

Considérant que, pour soutenir que les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts qui, ainsi qu'il a été dit, prévoient qu'il y a lieu de tenir compte, pour le calcul du prorata de déduction, de l'ensemble des recettes réalisées par l'assujetti, quelle que soit la nature ou l'origine de ces recettes, que celles-ci soient ou non le produit d'une opération passible de la taxe sur la valeur ajoutée, sont, depuis le 1er janvier 1979, devenues incompatibles avec celles de l'article 19 de la sixième directive, la société anonyme Satam fait valoir que le montant total annuel, hors taxe, du "chiffre d'affaires" afférent aux "opérations ouvrant droit à déduction" et le montant annuel, hors taxe, du "chiffre d'affaires" afférent aux "opérations n'ouvrant pas droit à déduction", qui, selon cet article, sont à inscrire au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction, ne comprennent que les sommes perçues par l'assujetti pour prix de l'exécution d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou expressément exonérées de cette taxe, à l'exclusion des produits, tels que les dividendes, dont l'encaissement ne se rattache pas à la réalisation d'un "chiffre d'affaires" et n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que la juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était légalement resté en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application ;

Considérant qu'en vertu de l'article 189 du traité instituant la Communauté Economique Européenne, les directives arrêtées par le Conseil lient tout Etat membre destinataire "quant au résultat à atteindre" ; que, pour atteindre ce résultat, les Etats membres sont tenus d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont adressées et ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par ces directives ; qu'ainsi qu'il a été dit, le délai imparti à la France pour adapter sa législation et sa réglementation aux dispositions de la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 est venu à expiration le 1er janvier 1979 ;
Considérant qu'il est nécessaire à la solution du litige de rechercher si l'exception d'illégalité invoquée, dans les termes ci-dessus rappelés, par la société anonyme Satam à l'encontre de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret du 1er février 1967, est ou non fondée, et, à cette fin, de déterminer si, eu égard à la rédaction qui leur a été donnée, les dispositions précitées de l'article 19 de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens que les dividendes d'actions perçues par une entreprise qui n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de ses opérations, sont à exclure du dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction, ou si, eu égard à la finalité et à l'économie du système de déductions qui a été établi par la directive et découle, notamment, de la combinaison de ses articles 17 et 19, les dispositions de ce dernier article sont, au contraire, à interpréter en ce sens que les dividendes dont il s'agit doivent, comme les produits exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, être compris dans ce dénominateur ;

Considérant que cette question d'interprétation de l'article 19 soulève une contestation sérieuse ; que, par suite, et en application de l'article 177 du traité instituant la Communauté Economique Européenne, il y a lieu d'en saisir, à titre préjudiciel, la Cour de Justice des Communautés Economiques Européennes et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur l'ensemble des conclusions de la requête de la société anonyme Satam qui portent sur le supplément de taxe sur la valeur joutée afférent à la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1979 ;
Article 1er : Les conclusions de la requête de la société anonyme Satam qui tendent à la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la partie de la période d'imposition comprise entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1978 sont rejetées.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme Satam jusqu'à ce que la Cour de Justice des Communautés Economiques Européennes se soit prononcée sur la question préjudicielle énoncée dans les motifs de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Satam, au Président de la Cour de Justice des Communautés Economiques Européennes et au ministre délégué au budget.


Sens de l'arrêt : Rejet sursis à statuer
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - RENVOI PREJUDICIEL A LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES - Interprétation de dispositions des directives - 6ème directive TVA - Droits à déduction - Question de l'inclusion dans le dénominateur du prorata des dividendes perçus par une société holding mixte.

15-03-02, 19-01-01-05-01, 19-06-02-08-03-03 Pour soutenir que les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au C.G.I., qui prévoient qu'il y a lieu de tenir compte, pour le calcul du prorata de déduction, de l'ensemble des recettes réalisées par l'assujetti, quelle que soit la nature ou l'origine de ces recettes, que celles-ci soient ou non le produit d'une opération passible de la taxe sur la valeur ajoutée, sont, depuis le 1er janvier 1979, devenues incompatibles avec celles de l'article 19 de la sixième directive du Conseil des Communautés ruropéennes en date du 17 mai 1977, la société fait valoir que le montant total annuel, hors taxe, du "chiffre d'affaires" afférent aux "opérations ouvrant droit à déduction" et le montant annuel, hors taxe, du "chiffre d'affaires" afférent aux opérations "n'ouvrant pas droit à déduction", qui, selon cet article, sont à inscrire au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction, ne comprennent que les sommes perçues par l'assujetti pour prix de l'exécution d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou expressément exonérées de cette taxe, à l'exclusion des produits, tels que les dividendes, dont l'encaissement ne se rattache pas à la réalisation d'un "chiffre d'affaires" et n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Il est nécessaire à la solution du litige de rechercher si l'exception d'illégalité invoquée à l'encontre de l'article 212 de l'annexe II au C.G.I., dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret du 1er février 1967, est ou non fondée, et, à cette fin, de déterminer si, eu égard à la rédaction qui leur a été donnée, les dispositions de l'article 19 de la sixième directive doivent être interprétées en ce sens que les dividendes d'actions perçus par une entreprise qui n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de ses opérations, sont à exclure du dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata de déduction, ou si, eu égard à la finalité et à l'économie du système de déductions qui a été établi par la directive et découle, notamment, de la combinaison de ses articles 17 et 19, les dispositions de ce dernier article sont, au contraire, à interpréter en ce sens que les dividendes dont il s'agit doivent, comme les produits exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, être compris dans ce dénominateur. Cette question d'interprétation de l'article 19 de la sixième directive soulève une contestation sérieuse. Par suite, et en application de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, il y a lieu d'en saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES - CONVENTIONS MULTILATERALES - Communauté européenne - Directives du Conseil des communautés européennes - Sixième directive - Article 19 - Article 212 de l'annexe II au C - G - I - (inclusion dans le dénominateur des dividendes perçus par une société holding mixte pour le calcul du prorata de T - V - A - ) (1).

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CAS DES ENTREPRISES QUI N'ACQUITTENT PAS LA TVA SUR LA TOTALITE DE LEURS AFFAIRES - Calcul du prorata de déduction - Dénominateur du prorata - Inclusion dans le dénominateur du prorata des dividendes perçus par une société holding mixte - Compatibilité de l'article 212 de l'annexe II au C - G - I - (dans sa rédaction ancienne applicable en 1979) avec l'article 19 de la sixième directive CEE (1) - Question préjudicelle posée à la C - J - C - E.


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil art. 17, art. 19
CEE Directive 583-78 du 26 juin 1978
CGI 271, 273, 256, 256 A
CGIAN2 212, 213, 214, 219 c
Décret 67-92 du 01 février 1967 art. 8, art. 273, art. 9, art. 10, art. 15, art. 219, art. 212, art. 214, art. 2, art. 4
Loi 66-10 du 06 janvier 1966 art. 17
Loi 78-1240 du 29 décembre 1978 Finances rectificative pour 1978
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 177, art. 189

1.

Rappr. 1988-06-13, n° 69455, T.p. 769 ;

C.J.C.E. 1991-06-20, Polysar


Publications
Proposition de citation: CE, 13 déc. 1991, n° 61379
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme Bechtel
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Formation : Pleniere
Date de la décision : 13/12/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 61379
Numéro NOR : CETATEXT000007632995 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1991-12-13;61379 ?
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