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13/12/1991 | FRANCE | N°65940;66868

France | France, Conseil d'État, Section, 13 décembre 1991, 65940 et 66868


Vu, 1°) sous le n° 65 940, la requête introductive d'instance et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 février 1985 et 5 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET), société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général ; la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement en date du 22 novembre 1984 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté

sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociét...

Vu, 1°) sous le n° 65 940, la requête introductive d'instance et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 février 1985 et 5 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET), société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général ; la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement en date du 22 novembre 1984 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, des exercices clos en 1972, 1973 et 1974 et des années 1972 à 1974 dans les rôles de la commune de Saint-Priest,
- lui accorde la décharge desdites cotisations ;
Vu, 2°) sous le n° 66 868, le recours, enregistré le 14 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 22 novembre 1984 en tant qu'il a déchargé la société "ASET" du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974 par avis de mise en recouvrement en date du 9 février 1979 ;
- remette cette imposition à la charge de la société "ASET" ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Meyerhoeffer, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Le Bret, Laugier, avocat de la société "Appareils spéciaux échangeurs de température",
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) et le recours du ministre sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ASET a enregistré en comptabilité, au titre de charges, à quarante quatre reprises, au cours des exercices clos les 31 décembre 1972, 1973 et 1974, des sommes mentionnées sur des factures dont le caractère irrégulier a été ultérieurement établi ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, des redressements ont été portés à la connaissance de la société, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, par deux notifications distinctes en date du 15 juillet 1976, établies selon la procédure de redressement contradictoire dite unifiée ; que, la société ayant refusé de désigner les bénéficiaires des distributions correspondant aux sommes réintégrées dans son bénéfice imposable, l'administration l'a également soumise à l'impôt sur le revenu à raison desdites sommes ; que la mise en recouvrement des impositions correspondantes n'est cependant intervenue respectivement que les 9 février 1979, 22 mai 1979 et 17 mai 1979 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et rejeté les conclusions de la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" dirigées contre les autres redressements ;

Sur le recours du ministre :
Considérant que le ministre se prévaut, en premier lieu, de la situation de rectification d'office dans laquelle se serait trouvée la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 3 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 : " ...2 ... la décision de recourir à la procédure de rectification d'office est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal. Celui-ci vise la notification prévue au II ci-dessous" ; qu'aux termes du II du même article : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ; que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 1978 ;
Considérant que la régularité d'une décision administrative s'apprécie en principe en fonction des règles applicables à la date à laquelle elle intervient ; qu'il en va notamment ainsi lorsqu'une loi nouvelle institue une formalité supplémentaire, ou bien modifie celles que l'administration doit accomplir avant de prendre cette décision, laquelle est constituée, en matière fiscale, par la mise en recouvrement de l'impôt ; que, par suite et dès lors qu'il ne s'agissait pas d'actes de procédure dont la loi décide ou implique nécessairement qu'ils ne peuvent être recommencés, aucune imposition établie selon une procédure de rectification d'office ne pouvait légalement être mise en recouvrement, à compter du 1er janvier 1978, sans avoir été précédée, trente jours au moins auparavant, d'une notification revêtue du visa de l'agent mentionné au I de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977, et comportant les précisions prévues au II du même article ;

Considérant qu'il est constant que la notification adressée à la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'était pas revêtue du visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal, et ne précisait pas, au surplus, les bases ou éléments servant au calcul de l'imposition ; qu'aucun autre document satisfaisant aux prescriptions de l'article 3 précité de la loi du 29 décembre 1977 n'a été adressé à la société ASET avant la mise en recouvrement de l'imposition litigieuse ; que la demande de substitution de base légale ainsi présentée par le ministre ne peut, par suite, être accueillie ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 2° de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi susvisée du 29 décembre 1977, applicable en l'espèce : "Les notifications de redressement doivent être motivées de manière à mettre le contribuable en état de pouvoir formuler ses observations ou faire connaître son acceptation" ;
Considérant que la notification adressée à la société se bornait à mentionner le rejet "de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée indûment récupérée sur des factures d'achats irrégulières non admises en charges" et à fixer globalement pour chacune des années considérées le montant des droits rappelés ; que cette notification ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article 1649 quinquies A précité ; que, par suite, et alors même que l'administration aurait adressé le même jour à la société, en matière d'impôt sur les sociétés, une notification plus complète à laquelle, toutefois, celle établie en matière de taxe sur la valeur ajoutée ne faisait pas référence, le ministre n'est pas fondé à soutenir, comme il le fait à titre subsidiaire, que la procédure contradictoire a été régulièrement suivie ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont accordé à la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" la décharge des droits et pénalités correspondants ;

Sur la requête de la société :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant que le complément d'impôt contesté a été établi selon la procédure contradictoire et n'a pas été accepté par la société ; que si, pour soutenir que la charge de la preuve incombe néanmoins à la société, l'administration se prévaut de la situation de rectification d'office dans laquelle se serait trouvée cette dernière, il est constant qu'aucune notification revêtue du visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal n'a, comme l'exigent les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977, été adressée à la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" avant la mise en recouvrement ; que dès lors, l'administration supporte la charge de la preuve ;
Mais considérant que l'administration établit que les charges remises en cause par le vérificateur correspondaient à des achats de matériel facturés à la société "Appareils spéciaux échangeurs de température", non par le véritable fournisseur de ce matériel mais par un vendeur de complaisance ; que si la société fait valoir, comme l'administration l'a d'ailleurs admis, que les opérations litigieuses s'étaient traduites par des livraisons effectives de matériel, il est de la nature même des factures dites de complaisance de donner lieu à reversement total ou partiel par le vendeur de la somme facturée ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration établit que la valeur réelle des achats ne correspondait qu'à 80 % du prix stipulé ; que c'est par suite à bon droit qu'elle a limité, à due concurrence, les charges déductibles par la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" ;

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
Considérant que la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" n'a pas indiqué, comme elle avait été invitée à le faire en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, les noms et adresses des bénéficiaires des sommes faisant l'objet des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et regardées comme distribuées conformément aux dispositions de l'article 109-1-1° du même code ; que c'est par suite à bon droit que les sommes dont il s'agit ont été soumises à l'impôt sur le revenu, à son nom, dans les conditions alors prévues par ledit article 117 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et du budget et la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon ;
Article 1er : La requête susvisée de la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) et le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société "Appareils spéciaux échangeurs de température" (ASET) et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Formation : Section
Numéro d'arrêt : 65940;66868
Date de la décision : 13/12/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 - RJ2 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - Procédure d'imposition - Article 3 de la loi du 29 décembre 1977 - Application aux notifications antérieures au 1er janvier 1978 lorsque la mise en recouvrement n'était pas encore intervenue (1) (2).

01-08-03, 19-01-01-02-02-02, 19-01-03, 19-04-02-01-06-01-02 La régularité d'une décision administrative s'apprécie en principe en fonction des règles applicables à la date à laquelle elle intervient. Il en va notamment ainsi lorsqu'une loi nouvelle institue une formalité supplémentaire, ou bien modifie celles que l'administration doit accomplir avant de prendre cette décision, laquelle est constituée, en matière fiscale, par la mise en recouvrement de l'impôt. Par suite et dès lors qu'il ne s'agissait pas d'actes de procédures dont la loi décide ou implique nécessairement qu'ils ne peuvent être recommencés, aucune imposition établie selon une procédure de rectification d'office ne pouvait légalement être mise en recouvrement, à compter du 1er janvier 1978, sans avoir été précédée, trente jours au moins auparavant, d'une notification revêtue du visa de l'agent mentionné au I de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1977, et comportant les précisions prévues au II du même article (1) (2).

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE) - DANS LE TEMPS - PROCEDURE D'IMPOSITION - Application de la loi du 29 décembre 1977 aux actes de procédure intervenus avant son entrée en vigueur - relatifs à des impositions mises en recouvrement postérieurement (avant intervention de l'article 108 de la loi de finances pour 1993) - Existence - Notifications de redressement antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 3 de la loi (1) (2).

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Application de la loi dans le temps en matière de procédure d'imposition - Article 3 de la loi du 29 décembre 1977 - Application aux notifications antérieures au 1er janvier 1978 lorsque la mise en recouvrement n'était pas encore intervenue (1) (2).

- RJ1 - RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE - Rectification d'office - Obligation de notifier les bases des impositions d'office - Visa de l'inspecteur principal (article 3-2 de la loi du 29 décembre 1977) - Champ d'application - Inclusion - Notifications antérieures au 1er janvier 1978 - lorsque la mise en recouvrement est postérieure à cette date (1) (2).


Références :

CGI 1649 quinquies A 2, 109 1 1°, 117
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 3, art. 5

1.

Cf. 1988-05-25, Société Founier Ship, T. p. 709 ;

1990-11-28, 60520, T. p. 659 et 669. 2. Ab. jur. 1991-04-15, Société SOREP


Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 1991, n° 65940;66868
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Meyerhoeffer
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP Le Bret, Laugier, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:65940.19911213
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