La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/1992 | FRANCE | N°105803

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 10 janvier 1992, 105803


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars 1989 et 12 juillet 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.), dont le siège social est ... (95502), représentée par son président en exercice, et pour l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.), dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT et l'ASSOCIATI

ON DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE demandent que le Con...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars 1989 et 12 juillet 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.), dont le siège social est ... (95502), représentée par son président en exercice, et pour l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.), dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT et l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la spécialité Mifégyne 200 mg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.) et de l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.),
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens tirés de l'incompétence du ministre de la santé et de la méconnaissance des dispositions du code de la santé publique relatives, d'une part, aux préparations abortives, d'autre part, aux substances vénéneuses :
Considérant, d'une part, que le ministre de la santé tenait des dispositions de l'article L.601 du code de la santé publique, le pouvoir de soumettre la distribution, la dispensation et l'administration de la Mifégyne dénommée RU 486 à des conditions adéquates ; que, sur le fondement de ces dispositions législatives, le ministre de la santé a pu édicter, en cette matière, des mesures analogues à celles qu'édictent les articles L.626, R.5149, R.5176 et R.5189 du code de la santé publique, relatifs aux substances vénéneuses ayant la propriété d'être des stupéfiants ou d'être fabriquées à partir de stupéfiants, sans que cette référence au régime juridique d'une autre catégorie de produits pharmaceutiques entache sa décision d'incompétence ou d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, que l'article L.645 du code de la santé publique dispose qu'"il est interdit à toute personne d'exposer, d'offrir, de faire offrir, de vendre, de mettre en vente ... les remèdes et substances ... susceptibles de provoquer ou de favoriser l'avortement, dont la liste est établie par un règlement d'administration publique" ; qu'en vertu de l'article R 5242 du même code, pris en application de l'article susmentionné, lesdites dispositions s'appliquent aux médicaments qui sont de nature à provoquer ou favoriser l'avortement et qui consistent dans des préparations pharmaceutiques, préparées sur prescription médicale, simples ou composées à base de substances énumérées par cet article ; que cette énumération ne vise que les préparations officinales et non les médicaments qui, comme c'est le cas de la Mifégyne, sont fabriqués par les laboratoires pharmaceutiques ; qu'ainsi, les associations requérantes ne sont fondées à soutenir, ni que le ministre a outrepassé sa compétence en déterminant les conditions de distribution et d'utilisation d'un produit relevant du régime fixé par l'article L.645 du code, ni qu'il a méconnu les dispositions de cet article en autorisant la distribution dudit produit, alors qu'il n'avait pas été inscrit sur la liste établie par l'article R.5242 ; que la Mifégyne se trouvant par ailleurs, du fait de ses propriétés abortives, soumise aux conditions d'emploi définies par les articles L.162-1 et suivants du code de la santé publique, le ministre n'a pas commis d'erreur de droit en rappelant, dans son arrêté, les règles fixées par ces dispositions ;
Sur le moyen tiré du défaut de justification de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté litigieux trouve sa justification dans la nécessité de prévenir le risque pour la santé publique qui résulterait d'un usage abusif de la Mifégyne ; qu'ainsi, les associations requérantes, qui ne sauraient utilement faire valoir, à l'appui d'un tel moyen, que le ministre aurait dû préciser dans le texte de sa décision la nature du danger présenté par l'usage du produit, ne sont pas fondées à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation sur les risques que comporte l'emploi du produit en cause ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'autorisation de mise sur le marché :
Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, la Mifégyne 200 mg a fait l'objet d'une seule décision d'autorisation de mise sur le marché, qui a été prise le 28 décembre 1988 ;
Considérant, d'autre part, que, pour contester la légalité de l'autorisation de mise sur le marché, les requérantes se réfèrent au recours qu'elles ont formé contre cette décision ; que celui-ci a été rejeté par une décision en date du 21 décembre 1990 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité prétendue de ladite autorisation ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt de la santé publique :
Considérant que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet d'autoriser la distribution et l'usage de la Mifégyne, qui a reçu une autorisation de mise sur le marché délivrée selon la procédure fixée par les articles L.601 et suivants du code de la santé, mais se borne à fixer des prescriptions susceptibles de garantir qu'il ne sera pas fait un usage abusif de ce produit ; que, par suite, les requérantes ne sauraient utilement, pour en contester la légalité, invoquer la nocivité de la Mifégyne et l'absence d'intérêt thérapeutique de cette spécialité ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance des prescriptions de l'arrêté au regard des dispositions de la loi du 17 janvier 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse :

Considérant, d'une part, que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que, comme il a été dit, son emploi est soumis de plein droit aux règles posées en la matière par les articles L.162-1 à L.162-14 du code de la santé publique, issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que la circonstance que l'arrêté attaqué, qui n'édicte aucune disposition violant ces textes, ne rappellerait pas l'ensemble des conditions posées par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption volontaire de grossesse, est sans influence sur sa légalité ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions édictées par le ministre concernant la distribution et l'administration de la Mifégyne ne sont pas manifestement insuffisantes pour prévenir le développement d'un usage abusif de ce médicament ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que l'arrêté litigieux, qui précise que seuls les médecins du service pratiquant les interruptions volontaires de grossesse sont autorisés à prescrire et administrer la Mifégyne, prévoie que celle-ci peut être remise, par le pharmacien de l'établissement de soins, à la surveillante du service dont s'agit ; qu'enfin, la circonstance que la distribution de la Mifégyne se ferait, en réalité, en-dehors de tout contrôle, à la supposer établie, est, par elle-même, sans influence sur la légalité de l'arrêté qui fixe les modalités de ce contrôle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.) et l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.) ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 1988 par lequel le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale a réglementé la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la Mifégyne 200 mg ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.) et de l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR L'OBJECTION DE CONSCIENCE A TOUTE PARTICIPATION A L'AVORTEMENT (A.O.C.P.A.), à l'ASSOCIATION DES MEDECINS POUR LE RESPECT DE LA VIE (A.M.R.V.), à la société Roussel-Uclaf, à la société des laboratoires Roussel et au ministre délégué à la santé.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 105803
Date de la décision : 10/01/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L'ENFANCE - PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE - INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE.

SANTE PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHE.


Références :

Arrêté du 28 décembre 1988 Santé décision attaquée confirmation
Code de la santé publique L601, L626, R5149, R5176, R5189, L645, R5242, L162-1, L162-1 à L162-14
Loi 75-17 du 17 janvier 1975
Loi 79-1204 du 31 décembre 1979


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 1992, n° 105803
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Salat-Baroux
Rapporteur public ?: Legal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:105803.19920110
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award