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10/01/1992 | FRANCE | N°106828

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 10 janvier 1992, 106828


Vu l'ordonnance en date du 17 avril 1989, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 avril 1989, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article 11 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, d'une part, de l'article R.53 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ordonnance, d'autre part, la demande présentée à ce tribunal pour l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE (U.S.P.S.R.V.), do

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Vu l'ordonnance en date du 17 avril 1989, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 avril 1989, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article 11 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, d'une part, de l'article R.53 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ordonnance, d'autre part, la demande présentée à ce tribunal pour l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE (U.S.P.S.R.V.), dont le siège est ... ; l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE (U.S.M.R.V.), dont le siège est ..., et l'ASSOCIATION "LAISSEZ-LES VIVRE - S.O.S. FUTURES MERES", dont le siège est ... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 10 mars 1989, et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE (U.S.P.S.R.V.), l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE (U.S.M.R.V.) et l'ASSOCIATION "LAISSEZ-LES VIVRE - S.O.S. FUTURES MERES" ; ces groupements demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la dispensation et l'administration de la spécialité Mifégyne 200 mg, et de la décision du même jour de cette même autorité, autorisant la mise sur le marché de la Mifégyne 200 mg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;
Vu le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE, de l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE et de l'ASSOCIATION "LAISSEZ-LES VIVRES - S.O.S. FUTURES MERES" et de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la société Roussel-Uclaf,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de ce que l'autorisation de mise sur le marché aurait été délivrée à l'issue d'une procédure irrégulière :
Considérant que si les requérants soutiennent que les conditions dans lesquelles a été délivrée l'autorisation de mise sur le marché laissent supposer, d'une part, que le ministre a pris sa décision au vu d'un dossier incomplet, d'autre part, que la commission instituée par l'article R. 5140 du code de la santé publique n'a pas rendu on avis dans des conditions régulières, ils n'apportent aucun commencement de preuve à l'appui de leurs allégations ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 645 du code de la santé publique :
Considérant que l'article L. 645 du code de la santé publique dispose qu'"il est interdit à toute personne d'exposer, d'offrir, de faire offrir, de vendre, de mettre en vente ... les remèdes et substances ... susceptibles de provoquer ou de favoriser l'avortement, dont la liste est établie par un règlement d'administration publique" ; qu'en vertu de l'article R. 5242 du code, pris en application de l'article susmentionné, lesdites dispositions s'appliquent aux médicaments qui sont de nature à provoquer ou favoriser l'avortement et qui consistent dans des préparations pharmaceutiques, préparées sur prescription médicale, simples ou composées à base de substances énumérées par cet article ; que cette énumération ne vise que les préparations officinales et non les médicaments fabriqués par les laboratoires pharmaceutiques ; que ces derniers font l'objet d'une réglementation spécifique, définie aux articles L. 601 et suivants du code de la santé publique et consistant dans la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché par le ministre de la santé ; que cette réglementation est applicable à toutes les spécialités pharmaceutiques ; que la Mifégyne qui se trouve par ailleurs, du fait de ses propriétés abortives, soumise aux conditions d'emploi définies par les articles L. 162-1 et suivants du code de la santé publique, constitue une spécialité pharmaceutique et doit comme telle être soumise uniquement à la réglementation applicable à ces spécialités ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 645 du code de la santé publique ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de ce que le ministre aurait fait une inexacte appréciation de la nocivité du produit et de son intérêt thérapeutique :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 601 et R. 5136 du code de la santé publique, l'autorisation de mise sur le marché est refusée lorsque la spécialité est nocive dans des conditions normales d'emploi ou ne présente pas un intérêt thérapeutique ; que, s'agissant d'une spécialité ayant la propriété d'interrompre la grossesse, le ministre n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'intérêt visé par les dispositions susmentionnées devait être apprécié en fonction des garanties de réussite pour l'interruption de la grossesse qu'offre le produit et des effets secondaires qu'il est susceptible de produire, et par comparaison avec les autres méthodes d'interruption de grossesse ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'appréciation qu'a portée le ministre sur l'intérêt de la Mifégyne au regard de ces critères, ainsi que, compte-tenu des conditions dont il a assorti son usage, sur l'absence de danger que présenterait la mise sur le marché de ce produit, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur le moyen tiré de la violation de la loi du 17 janvier 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la déclaration universelle des droits de l'homme :
Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que son emploi est dès lors soumis de plein droit aux règles posées en la matière par les articles L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique, issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que la décision attaquée n'édicte aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption de grossesse ; qu'il en est ainsi, en particulier, des dispositions de l'annexe jointe à la décision, qui prévoient, conformément aux prescriptions des articles L. 162-3 et L. 162-5 du code, que le médecin doit informer la patiente des risques qu'elle encourt, et que celle-ci doit confirmer par écrit sa demande d'interruption de grossesse ; que si l'annexe dispose en outre qu'en cas d'échec de la Mifégyne, eu égard aux risques de malformation auxquels est exposé le foetus, le médecin doit proposer à l'intéressée de recourir à une autre méthode d'interruption de grossesse, elle ne subordonne pas l'administration de la Mifégyne, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, à un engagement écrit de la patiente de se soumettre à une interruption de grossesse au moyen d'une méthode chirurgicale, si le traitement ne remplissait pas son objet ;

Considérant que les requérants n'établissent ni même n'allèguent que les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ne seraient pas compatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la déclaration universelle des droits de l'homme ne figure pas parmi les traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, "une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité :
Considérant que la délivrance de la Mifégyne est réservée aux établissements d'hospitalisation, propriétaires d'une pharmacie ouverte dans les conditions fixées à l'article L. 577 du code de la santé publique ; que, dès lors, les groupements requérants ne sauraient, en tout état de cause, utilement soutenir qu'en ne prévoyant pas un contrôle des conditions de délivrance de la Mifégyne par les établissements qui ne sont pas propriétaires d'une officine, l'arrêté attaqué est contraire au principe d'égalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE, l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE et l'ASSOCIATION "LAISSES-LES VIVRE - S.O.S. FUTURES MERES" ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision en date du 28 décembre 1988 par laquelle le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale a accordé à la société Roussel-Uclaf l'autorisation de mettre sur le marché le produit abortif dénommé Mifégyne et de l'arrêté du même jour par lequel cette autorité a réglementé la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la Mifégyne 200 mg ;
Article 1er : La requête de l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE, de l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE et de l'ASSOCIATION "LAISSEZ-LES VIVRE - S.O.S. FUTURES MERES" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION SYNDICALE DES PROFESSIONS DE SANTE RESPECTANT LA VIE HUMAINE, à l'UNION SYNDICALE DES MEDECINS RESPECTANT LA VIE HUMAINE, à l'ASSOCIATION "LAISSEZ-LES VIVRE - S.O.S. FUTURES MERES", à la société Roussel-Uclaf, à la société des laboratoires Roussel et au ministre délégué à la santé.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L'ENFANCE - PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE - INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE.

SANTE PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHE.


Références :

Arrêté du 28 décembre 1988 Santé décision attaquée confirmation
Code de la santé publique R5140, L645, R5242, L601, L162-1, R5136, L162-1 à L162-14, L162-3, L162-5, L577
Loi 75-17 du 17 janvier 1975
Loi 79-1204 du 31 décembre 1979 annexe


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jan. 1992, n° 106828
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Salat-Baroux
Rapporteur public ?: Legal

Origine de la décision
Formation : 5 ss
Date de la décision : 10/01/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 106828
Numéro NOR : CETATEXT000007803858 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1992-01-10;106828 ?
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