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15/01/1992 | FRANCE | N°77015

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 15 janvier 1992, 77015


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mars 1986 et 25 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME ORORE, dont le siège social est ..., et représentée par Me Henry GOURDAIN en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la SOCIETE ANONYME ORORE et demeurnant ... ; la SOCIETE ANONYME ORORE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 19 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur l

es sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1977,...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mars 1986 et 25 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME ORORE, dont le siège social est ..., et représentée par Me Henry GOURDAIN en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la SOCIETE ANONYME ORORE et demeurnant ... ; la SOCIETE ANONYME ORORE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 19 novembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Barbey, avocat de Me Henry Z... et de la SOCIETE ANONYME ORORE,
- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'il est constant que pour les exercices 1977, 1978 et 1979, la SOCIETE ANONYME ORORE, spécialisée dans le commerce de cosmétiques, a déposé avec retard ses déclarations de résultats et qu'elle s'est abstenue de les souscrire pour l'exercice 1980 ; que, par suite, l'administration était en droit d'évaluer d'office les résultats desdits exercices, sans être tenue de saisir la commission départementale comme l'avait demandé la société, alors même que la procédure contradictoire aurait été utilisée ; que l'absence de production dans les délais légaux n'ayant pas été mise en évidence par les vérifications de comptabilité auxquelles l'administation a procédé avant d'arrêter les bases d'imposition, les irrégularités dont seraient entachées ces vérifications sont, en tout état de cause, sans influence sur la régularité des impositions supplémentaires assignées à la SOCIETE ANONYME ORORE ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Sur les minorations de prix de vente à des entreprises étrangères :
Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts : "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ..." ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration at établi l'existence d'un lien de dépendance entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations du prix ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l'entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition établie en conséquence qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sociétés étrangères "Maria Y...
X..." à Munich, "Gala SPRL" à Bruxelles, "Les Eaux Vives" à Genève et "Maria Y...
X..." à Salzburg avaient été créées et financées par Mme A... principal actionnaire de la SOCIETE ANONYME ORORE ; qu'eu égard à ces circonstances, l'administration doit être regardée comme établissant que lesdites sociétés étrangères étaient sous la dépendance de la SOCIETE ANONYME ORORE au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts ; qu'en revanche l'administration n'établit pas que les sociétés Morel sise en Suisse, Isle Vogel en Autriche, Personna en Italie ainsi que deux entreprises dépositaires en Grèce et à Chypre étaient dans la même situation de dépendance, en se bornant à alléguer sans en apporter la preuve que ces sociétés étaient contrôlées par le directeur "exportation" de la SOCIETE ANONYME ORORE ; que dans ces conditions, les impositions supplémentaires afférentes aux ventes de la SOCIETE ANONYME ORORE à ces dernières sociétés manquent de base légale et doivent faire l'objet d'une décharge ;
Considérant que pour contester avoir réalisé des ventes à prix minorés avec les sociétés étrangères reconnues ci-dessus comme étant sous sa dépendance ainsi que la reconstitution de ses résultats effectuée par l'administration, fondée sur la différence entre les prix de vente pratiqués tels qu'ils ressortent des factures de la société et les prix de "commercialisation" déterminés à partir des données de l'entreprise augmentés de 10 % à titre de marge bénéficiaire, la société requérante se borne à mentionner, de façon générale, des frais de distribution différents selon que les produits sont vendus en France ou à l'étranger et à invoquer la situation de mise en règlement judiciaire depuis l'année 1980 qui l'empêcherait d'apporter toute analyse chiffrée des prix pratiqués ; que de telles assertions ne sont pas de nature à apporter la preuve de l'exagération des redressements effectués ; qu'une expertise, dans ces conditions, ne peut être ordonnée ;
Sur les libéralités :

Considérant qu'il est constant que durant les années 1977 et 1978, la SOCIETE ANONYME ORORE a consenti à la société Sopag, dont Mme A... détenait une part importante du capital, des avantages tant par des mises à disposition de personnels à des prix très bas, que par des facturations de produits à des prix notablement inférieurs aux prix de revient et par la prise en charge de loyers de locaux d'exploitation ; que, par ailleurs, la société requérante a versé des honoraires à des résidentes étrangères ; que tout un ensemble de frais, à caractère personnel, de Mme A... ont été pris en charge par la SOCIETE ANONYME ORORE ; que la société n'établit pas que les montants de ces prestations portés en charges étaient justifiés par des contreparties nécessaires à l'entreprise ; qu'en particulier la société n'établit pas que la société Sopag assurait pour elle la formation gratuite d'esthéticiennes, que les sommes versées aux deux résidentes étrangères correspondaient au remboursement de missions effectuées en France à son profit, ni que les prises en charge d'un certain nombre de prestations au profit de Mme A... étaient faites dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'en revanche la société établit qu'à hauteur de 281 654 F en 1979 et 337 470 F en 1980 les honoraires versés à un médecin conseil étaient justifiés, compte tenu des services rendus ; que, dès lors, seules ces dernières sommes pouvaient être portées en charges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ANONYME ORORE n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en ce qui concerne les impositions supplémentaires relatives aux ventes réalisées avec les sociétés Morel, Isle Vogel, Personna et les deux dépositaires en Grèce et Chypre et les réintégrations, pour les montants susmentionnés des honoraires d'un médecin, dans les résultats des exercices clos en 1979 et en 1980 ;
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SOCIETE ANONYME ORORE sont diminuées de 1 004 695 F pour l'exercice clos en 1977, 1 045 510 F pour l'exercice clos en 1978, 491 334 F pour l'exercice clos en 1979 et 710 052 F pour l'exercice clos en 1980.
Article 2 : La SOCIETE ANONYME ORORE est déchargée des impositions supplémentaires (droits et pénalités) à l'impôt sur les sociétés égales à la différence entre celles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1977, 1978, 1979 et 1980 et celles résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement en date du 19 novembre 1985 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME ORORE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME ORORE et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 77015
Date de la décision : 15/01/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Références :

CGI 57


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jan. 1992, n° 77015
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Turquet de Beauregard
Rapporteur public ?: Mme Hagelsteen

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:77015.19920115
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