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20/01/1992 | FRANCE | N°46624

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 20 janvier 1992, 46624


Vu, 1°) sous le n° 46 624, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 novembre 1982 et 7 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE TALANT, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE TALANT demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à garantir la société d'économie mixte pour l'aménagement de l'agglomération Dijonnaise de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci par le même jugement ;
- rej

ette la demande présentée par l'entreprise dijonnaise et l'entreprise Détoui...

Vu, 1°) sous le n° 46 624, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 novembre 1982 et 7 décembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE TALANT, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE TALANT demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à garantir la société d'économie mixte pour l'aménagement de l'agglomération Dijonnaise de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci par le même jugement ;
- rejette la demande présentée par l'entreprise dijonnaise et l'entreprise Détouillon devant le tribunal administratif de Dijon ;
Vu, 2°) sous le n° 46 728, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 15 novembre 1982, présentée pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE POUR L'AMENAGEMENT DE L'AGGLOMERATION DIJONNAISE, dont le siège est ... ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE L'AGGLOMERATION DIJONNAISE demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à verser à l'entreprise dijonnaise et à l'entreprise Détouillon la somme de 838 544,76 F et les intérêts légaux ;
- rejette la demande présentée par l'entreprise dijonnaise et l'entreprise Détouillon devant le tribunal administratif de Dijon ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu le code de l'urbanisme et de l'habitation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hirsch, Auditeur,
- les observations de Me Boullez, avocat de la VILLE DE TALANT, de Me Goutet, avocat de la Société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération Dijonnaise, de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la S.A. Entreprise Dijonnaise, de la S.A.R.L. Entreprise Detouillon et de Me X..., ès-qualités de syndic du règlement judiciaire de la S.A.R.L. Entreprise Detouillon et de Me Luc-Thaler, avocat du district de l'Agglomération Dijonnaise,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la VILLE DE TALANT et celle de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE L'AGGLOMERATION DIJONNAISE, ou S.E.M.A.A.D., sont relatives au même litige et sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que par une convention du 6 mars 1973, conclue conformément aux dispositions applicables en l'espèce de l'article 78-1 du code de l'urbanisme et de l'habitation, le syndicat intercommunal constitué par les villes de Dijon et deTalant a concédé à la S.E.M.A.A.D. l'aménagement de la zone d'aménagement concerté du Belvédère, située sur le territoire de la VILLE DE TALANT ; que, par un marché du 28 avril 1976 la S.E.M.A.A.D. a confié à un groupement constitué par la société anonyme "Entreprise Dijonnaise" et par la société à responsabilité limitée "Entreprise Detouillon" la réalisation des équipements d'infrastructure correspondant au lot n° 1 de la 4ème tranche des travaux ; qu'après avoir envisagé une réduction de plus en plus importante du nombre des logements prévus sur son territoire, la VILLE DE TALANT a finalement renoncé à toute urbanisation de la partie de la zone d'aménagement concerté du Belvédère dénommée "zone du Balcon" ; qu'en conséquence, après une suspension partielle des opérations dès 1976, le directeur général de la S.E.M.A.A.D. a, par lettre du 8 mars 1978, fait savoir aux entreprises Detouillon et Dijonaise que les travaux dont elles étaient chargées étaient définitivement interrompus ; que par le jugement attaqué, en date du 25 août 1982, le tribunal administratif de Dijon a condamné la S.E.M.A.A.D. à verser aux entreprises précitées la somme de 838 544,76 F toutes taxes comprises en réparation des divers préjudices que leur a causé l'arrêt définitif des travaux et décidé que la VILLE DE TALANT garantirait la S.E.M.A.A.D. de cette condamnation ; que la VILLE DE TALANT et la S.E.M.A.A.D. font appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la réclamation des entrepreneurs :

Considérant que si, aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux passés pour le compte des collectivités locales et de leurs établissements publics, annexé à la circulaire interministérielle du 1er février 1967 et applicable au marché litigieux, "lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la décision du représentant légal du maître de l'ouvrage, il doit à peine de forclusion lui adresser, dans un délai maximum de trois mois, un mémoire précisant les motifs de ses réclamations", il ressort de la rédaction même de cette disposition et de celle du paragraphe 1 de l'article 50 de ce même cahier que le délai de forclusion ainsi institué n'est applicable qu'en cas de contestation survenant "dans le cours de l'entreprise" et non dans celui où la cessation absolue des travaux décidée par le maître de l'ouvrage et non contestée par l'entrepreneur provoque de la part de ce dernier une demande en réparation des préjudices résultant pour lui de cette décision ; que ce second cas relève du paragraphe 1 de l'article 34 qui, à la différence du paragraphe 3 du même article relatif au simple ajournement des travaux, ne prévoit aucun délai pour la présentation de la demande d'indemnité pour résiliation du marché formulée par l'entrepreneur ; que, dès lors, la VILLE DE TALANT et la S.E.M.A.A.D. ne sont pas fondées à soutenir en appel que la réclamation des entrepreneurs aurait été tardive, comme présentée plus de trois mois après la réception de la lettre du directeur général de la S.E.M.A.A.D. du 8 mars 1978 informant les entreprises de la cessation définitive des travaux ;
Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des stipulations du cahier des charges annexé à la convention précitée du 6 mars 1973 et de l'ensemble des pièces du dossier que la S.E.M.A.A.D. agissant en qualité de concessionnaire avait la qualité de maître de l'ouvrage à l'égard des entreprises chargées des travaux jusqu'au moment de la remise de ces ouvrages aux collectivités publiques ; que c'est elle qui a lancé les appels d'offres et signé les marchés ; qu'ainsi elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Dijon, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, aurait dû la regarder comme un simple mandataire en premier lieu du syndicat intercommunal Dijon-Talant puis, du district de l'agglomération dijonnaise, qui a succédé à ce syndicat alors même qu'elle agissait pour le compte de ces collectivités ; qu'elle ne peut se dégager de la responsabilité qu'elle a ainsi encourue en invoquant la décision de suspendre puis d'interrompre définitivement les travaux, provoquée par la VILLE DE TALANT, qui n'a pas revêtu, pour la S.E.M.A.A.D., le caractère d'un cas de force majeure ;
Sur le préjudice et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise :
Considérant qu'en l'absence de faute de leur part, les entrepreneurs ont droit à une indemnité représentant les pertes qu'ils ont supportées ainsi que les gains dont ils ont été privés ; que cette réparation est distincte du règlement de la partie des travaux effectivement réalisée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la réduction du montant initial du marché par l'avenant n° 2 signé le 8 mars 1977 et de la déduction de ce montant du prix payé aux entreprises Detouillon et Dijonnaise pour les travaux qu'elles ont effectivement réalisés, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en évaluant à 183 604,31 F hors taxe les frais généraux restant à leur charge du fait de la résiliation anticipée du marché, à 53 587,86 F hors taxe leur manque à gagner, dont il n'y a pas lieu de déduire l'impôt sur les sociétés, et à 475 856,10 F hors taxe la valeur d'amortissement du matériel immobilisé pendant une période de neuf mois dont les requérants n'établissent pas que la durée serait excessive ; qu'ainsi l'évaluation à 838 544,76 F toutes taxes comprises de l'ensemble des préjudices subis, faite par le tribunal administratif de Dijon, doit être confirmée ;
Sur la compensation :

Considérant qu'il n'est pas contesté que les entreprises Detouillon et Dijonnaise doivent à la S.E.M.A.A.D. la somme de 36 620,64 F, toutes taxes comprises, représentant la valeur de matériaux approvisionnés et payés par elle et ultérieurement utilisés sur d'autres chantiers à la suite de l'interruption des travaux ; que si les premiers juges ont condamné ces entreprises à verser cette somme à la S.E.M.A.A.D., celle-ci est fondée à soutenir qu'elle doit, par compensation, être déduite du montant de l'indemnité due aux entreprises, ces deux créances résultant du même marché et étant également certaines, liquides et exigibles ; que, par suite, le montant de cette indemnité doit être ramené de 838 544,76 F, toutes taxes comprises, à 801 924,12 F toutes taxes comprises ;
Sur la garantie :
Considérant que la convention conclue le 11 mai 1978 entre la VILLE DE TALANT, le district de l'agglomération dijonnaise et la ville de Dijon, stipule que la VILLE DE TALANT "garantira des conséquences juridiques et financières de ses décisions et des conventions particulières passées par elle ou à venir 1°) le syndicat Dijon Talant ou tout autre organisme ayant droit de ce syndicat notamment le district ; 2°) la ville de Dijon ; 3°) la SEMAAD" ;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la VILLE DE TALANT, la circonstance que la SEMAAD n'était pas partie à ladite convention ne fait pas obstacle à ce que celle-ci invoque à son profit la stipulation pour autrui contenue dans cette convention ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la VILLE DE TALANT soutient que par une délibération en date du 28 octobre 1976, le comité du syndicat Dijon Talant aurait décidé que la garantie n'interviendrait qu'à l'achèvement des opérations, il ressort des pièces du dossier que la convention du 11 mai 1978 ne contient aucune stipulation ayant pour objet d'apporter une telle restriction à la portée de cette garantie ni aucune référence à la délibération du 28 octobre 1976 ;
Considérant, en troisième lieu, que si le comité du syndicat intercommunal a décidé le 23 janvier 1976 de demander une étude sur un programme de logements plus restreint, cette circonstance ne permettait pas à la société concessionnaire d'interrompre la procédure déjà engagée de passation des marchés ; qu'il ressort des pièces du dossier que le délai qui a séparé la décision de l'autorité concédante de renoncer à l'opération et l'ordre donné aux entreprises par la société concessionnaire d'interrompre définitivement les travaux n'a pas présenté de caractère excessif ; que le retard allégué avec lequel la société concessionnaire aurait procédé aux constatations de l'état du chantier dans les conditions prévues par l'article 43 du cahier des clauses administratives générales est, en tout état de cause, sans influence sur les droits respectifs des parties et sur le montant des indemnités accordées ; qu'il suit de là que la VILLE DE TALANT n'est pas fondée à soutenir que la SEMAAD aurait commis des fautes de nature à atténuer la portée de la garantie prévue par la convention du 11 mai 1978 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE TALANT n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée à garantir la SEMAAD de la condamnation prononcée contre celle-ci ;
Sur les intérêts :

Considérant que les entreprises Detouillon et Dijonnaise ont droit aux intérêts de la somme de 801 924,12 F à compter de la date du 17 juin 1980 fixée par les premiers juges, qui n'est pas contestée ;
Article 1er : L'article 5 du jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 août 1982 est annulé.
Article 2 : La somme de 838 544,76 F que la S.E.M.A.A.D. a été condamnée à verser aux entreprises Dijonnaise et Detouillon par le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 août 1982 est ramenée à 801 924,12 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 17 juin 1980.
Article 3 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 août 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la VILLE DE TALANT et de la S.E.M.A.A.D. est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE TALANT, à la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE L'AGGLOMERATION DIJONNAISE ou S.E.M.A.A.D., à la société anonyme "Entreprise Dijonnaise", à la société à responsabilité limitée "Entreprise Detouillon", au syndic du règlement judiciaire de cette société, Maître X..., au district de l'agglomération dijonnaise et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 46624
Date de la décision : 20/01/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE DU CONCESSIONNAIRE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - COMPENSATION.


Références :

Circulaire du 01 février 1967 art. 34
Code de l'urbanisme 78-1


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jan. 1992, n° 46624
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Hirsch
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:46624.19920120
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