Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1990 et 9 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilles Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 27 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a, à la demande de la société générale de gardiennage d'assistance et de nettoyage, annulé la décision du 27 mai 1987 par laquelle l'inspecteur du travail de la Marne a refusé d'autoriser le licenciement du requérant, délégué syndical ;
2°) rejette la demande présentée par la société générale de gardiennage d'assistance et de nettoyage devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Kessler, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de M. Gilles Y... et de Me Blondel, avocat de Me Z... Contant, administrateur judiciaire, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la la société générale de gardiennage d'assistance et de nettoyage,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 425-1 du code du travail, en ce qui concerne les délégués du personnel, titulaire ou suppléant, et de l'article L. 436-1 dudit code, en ce qui concerne les membres titulaires et suppléants des comités d'entreprise, que tout licenciement envisagé par l'employeur de ces salariés est obligatoirement soumis pour avis au comité d'entreprise et qu'il ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; qu'en vertu de ces dispositions, ces salariés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont celui-ci est investi ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y..., salarié protégé, a créé avec des membres de sa famille une société ayant le même objet que la société qui l'employait et ayant pour siège social le même local que celui où se trouvait l'agence locale de cette société, alors qu'il était toujours salarié de cette dernière ; qu'il a cherché, en utilisant le numéro de téléphone de l'agence locale précitée, en démarchant les clients de celle-ci et engageant des discussions pour embaucher ses employés, à profiter de ses fonctions pour lancer sa propre entreprise ; qu'il a ainsi nui gravement aux intérêts de son employeur ; que, dès lors, de tels faits, alors même qu'ils ne pourraient pas être qualifiés de concurrence déloyale, sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. Y... ;
Considérant que ces faits sont contraires à l'honneur et à la probité ; qu'ils sont donc exclus par l'article 4 de la loi du 20 juillet 1988 susvisée du bénéfice de l'amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 27 mai 1987 refusant son licenciement ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à Me X... liquidateur de la société générale de gardiennage d'assistance et de nettoyage et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.