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10/02/1992 | FRANCE | N°83456

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 10 février 1992, 83456


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 2 décembre 1986 et 27 mars 1987, présentés pour la société anonyme PAPETERIES DE L'EST, dont le siège est à Chaumont (52000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule partiellement le jugement du 30 septembre 1986 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 6 août 1985 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé le licenciement pour motif économique de M. X..., salarié prot

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 2 décembre 1986 et 27 mars 1987, présentés pour la société anonyme PAPETERIES DE L'EST, dont le siège est à Chaumont (52000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule partiellement le jugement du 30 septembre 1986 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 6 août 1985 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé le licenciement pour motif économique de M. X..., salarié protégé, ensemble la décision implicite confirmative du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 26 janvier 1986 ;
2°) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, notamment ses articles L. 425-1 et L. 436-1 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aguila, Auditeur,
- les observations de Me Blondel, avocat de la société Van Leer Maxemball (anciennement société anonyme PAPETERIES DE L'EST) et de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Pascal X...,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que par décision du 6 août 1985, confirmée implicitement par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, l'inspecteur du travail de la Haute-Marne a refusé l'autorisation de licencier pour motif économique M. X..., membre titulaire du comté d'entreprise de la société anonyme PAPETERIES DE L'EST, au motif qu'il existait un intérêt général à maintenir M. X... dans l'entreprise et que ce maintien ne portait pas une atteinte excessive à l'intérêt de la société ;

Considérant qu'il ressort du dossier et en particulier des explications données par le ministre des affaires sociales et de l'emploi devant les premiers juges que le refus d'autoriser le licenciement de M. X... était fondé sur la prise en compte de l'activité personnelle de l'intéressé jugé par l'administation plus actif que d'autres membres du comité d'entreprise et susceptible grâce à son expérience de contribuer efficacement au fonctionnement de son syndicat dans l'entreprise ; que dans ces conditions, et alors qu'il est constant que ce syndicat comptait de nombreux militants et était représenté au comité d'entreprise par un autre membre titulaire et par deux membres suppléants, le motif retenu par l'administration n'était pas de ceux qui pouvaient, malgré le pouvoir d'appréciation qui est le sien, légalement fonder un refus d'autorisation de licenciement au nom de l'intérêt général ; que dès lors la société anonyme PAPETERIES DE L'EST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande dirigée contre les décisions précitées de l'inspecteur du travail de la Haute-Marne et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 30 septembre 1986 est annulé en tant qu'il a rejeté la requête formée par la société anonyme PAPETERIES DE L'EST contre la décision du 6 août 1985, par laquelle l'inspecteur du travail de la Haute-Marne a refusé le licenciement pour motif économique de M. X... et contre la décision implicite confirmative du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, en date du 26 janvier 1986.
Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail de la Haute-Marne en date du 6 août 1985 et la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 26 janvier 1986 sont annulées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme PAPETERIES DE L'EST et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 83456
Date de la décision : 10/02/1992
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - ERREUR DE DROIT - EXISTENCE - Travail - Prise en compte - pour apprécier le motif d'intérêt général susceptible de fonder le refus d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé - d'éléments relatifs à l'activité personnelle de l'intéressé.

01-05-03-01, 66-07-01-04-04 Si, pour refuser l'autorisation de licencier un salarié légalement investi de fonctions représentatives, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence, elle ne peut fonder son appréciation de l'intérêt général sur des éléments relatifs à l'activité personnelle de l'intéressé. Par suite, illégalité d'un refus d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé fondé sur la prise en compte de l'activité personnelle de l'intéressé, jugé par l'administration plus actif que d'autres membres du comité d'entreprise et susceptible grâce à son expérience de contribuer efficacement au fonctionnement de son syndicat dans l'entreprise.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - REFUS D'AUTORISATION FONDE SUR UN MOTIF D'INTERET GENERAL - Portée de la notion de motif d'intérêt général - Illégalité de la prise en compte d'éléments relatifs à l'activité personnelle de l'intéressé.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 1992, n° 83456
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Aguila
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:83456.19920210
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