Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juin 1986 et 26 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Madeleine X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 avril 1986 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg saisi sur renvoi du conseil de prud'hommes de Haguenau de l'appréciation de la légalité de la décision implicite d'autorisation de licencier pour motif économique de Mme Y..., a jugé que cette décision était entachée d'illégalité ;
2°) de déclarer que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Kessler, Maître des requêtes,
- les observations de SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code du travail : "Les litiges relatifs aux licenciements mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.321-9 relèvent de la compétence des conseils de prud'hommes. Toutefois, lorsque l'issue du litige dépend de l'appréciation de la légalité de la décision administrative, expresse ou tacite, le conseil de prud'hommes surseoit à statuer et saisit le tribunal administratif compétent. Celui-ci statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé, le litige est porté devant le Conseil d'Etat, qui statue selon la procédure d'urgence" ;
Considérant que, par un jugement en date du 8 janvier 1986, le conseil de prudh'ommes de Haguenau a sursis à statuer sur la demande d'indemnité de licenciement formée par Mme Y... à l'encontre de son employeur Mme X..., et renvoyé devant le tribunal administratif de Strasbourg, par application de l'article L.511-1 du code du travail précité, la question préjudicielle de la légalité de la décision implicite née du silence gardé par le directeur départemental du travail et de l'emploi sur la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique présentée le 20 avril 1984 ; que la circonstance que l'employeur avait interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Colmar est sans influence sur l'obligation du juge administratif de statuer sur la question préjudicielle qui lui est soumise, nonobstant l'effet suspensif conféré à l'appel par les dispositions de l'article 539 du code de procédure civile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Strasbourg aurait excédé sa compétence en se prononçant sur la légalité de la décision implicite autorisant le licenciement de Mme Y... doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision implicite autorisant le licenciement de Mme Y... :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.321-9 du code du travail dans sa rédaction en vigueur lors de l'intervention de la décision litigieuse, il appartient à l'autorité administrative compétente de vérifier la réalité du motif économique invoqué pour justifier le licenciement ;
Considérant que Mme X... a sollicité le 25 avril 1984 du directeur départemental du travail et de l'emploi l'autorisation de licencier Mme Y..., au motif qu'elle cessait l'exploitation de son hôtel-restaurant en l'absence de repreneur pour cet établissement ; qu'il résulte des pièces du dossier que Mme X... a décidé de licencier Mme Y... non pas en raison de la cessation de l'activité de son établissement, mais pour faciliter la vente de celui-ci, après avoir signé, le 16 avril 1984, un compromis de vente comportant une clause garantissant aux cessionnaires l'absence de tout contrat de travail en cours ; que, dès lors, en autorisant le licenciement pour motif économique de Mme Y..., le directeur départemental du travail et de l'emploi a commis une erreur manifeste d'appréciation, alors même que, postérieurement à cette décision, la vente définitive de l'établissement aurait été conclue avec une tierce personne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré illégale la décision implicite du directeur départemental du travail et de l'emploi en date du 12 mai 1984 autorisant le licenciement pour motif économique de Mme Y... ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à Mme Y..., au conseil de prud'hommes d'Haguenau et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.