La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/1992 | FRANCE | N°98709

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 13 mars 1992, 98709


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin 1988 et 3 octobre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard Y... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du ministre des affaires sociales et de l'emploi et du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille, en date du 7 mars 1988 en tant qu'il fixe les indices de besoins en lits d'hospitalisation pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique pour la région sanitaire Prov

ence, Côte-d'Azur, Corse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 juin 1988 et 3 octobre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard Y... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du ministre des affaires sociales et de l'emploi et du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille, en date du 7 mars 1988 en tant qu'il fixe les indices de besoins en lits d'hospitalisation pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique pour la région sanitaire Provence, Côte-d'Azur, Corse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 47-233 du 23 janvier 1947 ;
Vu la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 ;
Vu le décret n° 73-54 du 11 janvier 1973 ;
Vu l'arrêté du 15 février 1973 ;
Vu la loi n° 79-1140 du 29 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 87-575 du 24 juillet 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de M. Bernard Y...,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence des signataires de l'arrêté attaqué :
Considérant que, par ledit arrêté, en date du 7 mars 1988, le ministre des affaires sociales et de l'emploi et le ministre délégué chargé de la santé et de la famille ont fixé la limite des secteurs sanitaires et les indices de besoins en lits d'hospitalisation pour la médecine, la chirurgie et la gynécologie-obstétrique pour la région sanitaire Provence, Côte-d'Azur, Corse ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière : "Le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale arrête, sur avis de commissions régionales et d'une commission nationale de l'équipement sanitaire, la carte sanitaire de la France" ; qu'il résulte des décrets n° 86-695 et 86-698 du 4 avril 1986 relatifs aux attributions du ministre des affaires sociales et de l'emploi et du ministre délégué chargé de la santé et de la famille, que l'arrêté attaqué devait être pris conjointement par ces deux ministres ; que l'arrêté attaqué a été signé, d'une part, au nom du ministre des affaires sociales et de l'emploi, par M. Z... directeur de cabinet de ce ministre qui avait reçu une délégation régulière de signature par un arrêté du 2 avril 1986 et, d'autre part, au nom du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille, par M. X..., directeur des hôpitaux, qui avait reçu une délégation régulière de signature par un arrêté du 19 janvier 1988 ; que si M. X..., directeur des hôpitaux, avait également reçu ue délégation de signature du ministre des affaires sociales et de l'emploi, cette délégation ne lui avait été conférée que pour les affaires relevant de son autorité, au nombre desquelles ne figurent pas les attributions en matière de sécurité sociale à raison desquelles le ministre des affaires sociales devait signer l'arrêté attaqué ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à invoquer les dispositions du décret du 23 janvier 1947 modifié selon lesquelles les ministres peuvent déléguer leur signature à leurs directeurs de cabinet en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée à l'un des fonctionnaires de l'administration centrale ;
Sur la régularité des consultations ayant précédé l'arrêté attaqué :

Considérant que, conformément aux dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1970 la commission régionale et la commission nationale de l'équipement hospitalier ont été consultées ; que, conformément à l'article 9 du décret du 11 janvier 1973 pris pour l'application de ladite loi, le conseil du groupement interhospitalier de secteur et celui du groupement interhospitalier de région ont également été consultés ; que si les lois des 29 décembre 1979 et 6 janvier 1986 ont modifié la composition des commissions régionales et de la commission nationale de l'équipement hospitalier, elles ont expressement prévu, par leurs articles 11-I et 24 que, jusqu'à l'installation des nouvelles commissions, lesdites commissions demeureraient en fonction ; que, dès lors, la consultation de la commission régionale de l'équipement hospitalier le 20 novembre 1986 et celle de la commission nationale, le 15 décembre 1987, dans leur composition à ces dates, auxquelles les nouvelles commissions n'avaient pas été installées, a été régulière ;
En ce qui concerne la consultation de la commission régionale de l'équipement hospitalier :
Considérant qu'il n'est pas établi que le rapporteur, qui ne faisait pas partie de ladite commission, ait participé à sa réunion avec voix délibérative ; que la circonstance que le procès-verbal de ladite réunion ne mentionne pas les noms des personnes ayant participé au vote n'est pas de nature à entacher la régularité de cette consultation ; qu'il en va de même de la procédure suivie par la commission qui a procédé à un vote global sur les indices pour lesquels les propositions de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales étaient conformes à celles du groupement de secteur et du groupement interhospitalier de région ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 28 novembre 1983 relatif au fonctionnement des organismes consultatifs placés auprès des autorités de l'Etat et des établissements publics de l'Etat : "A défaut de dispositions réglementaires contraires et, sauf urgence, les membres des organismes consultatifs reçoivent, cinq jours au moins avant la date de leur réunion, une convocation écrite comportant l'ordre du jour et, éventuellement, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites" ;
Considérant que la commission régionale de l'équipement sanitaire a, dans sa séance du 20 novembre 1986, émis un avis sur le projet d'arrêté ministériel relatif à la carte sanitaire ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que, contrairement aux allégations de la requête, les deux membres nouveaux de ladite commission nommés par arrêté préfectoral du 12 novembre 1986 ont reçu, le 13 novembre la convocation et le dossier se rapportant à ladite séance ; qu'ainsi les prescriptions susrappelées de l'article 11 du décret du 28 novembre 1983 ont été respectées ;
En ce qui concerne la consultation de la commission nationale de l'équipement hospitalier :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à la nature et au contenu détaillé des documents adressés en temps utile aux membres de la commission, la distribution, au début de la séance de la commission, d'un tableau statistique comprenant des renseignements complémentaires sur les propositions de l'administration n'a pas vicié la consultation de ladite commission ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1970 et de l'article 1er du décret du 11 janvier 1973 que la carte sanitaire nationale doit être établie en tenant compte de l'évolution démographique, de l'importance et de la qualité de l'équipement public et privé existant, du progrès des techniques médicales et des besoins sanitaires de la population, et que les prévisions doivent être établies sur la base d'indices de besoins afférents aux divers types d'installations et d'équipements ; qu'il résulte des pièces du dossier qu'en fixant pour chacun des secteurs de la région Provence, Côte-d'Azur, Corse et en particulier pour le secteur n° 8, les indices de besoins en lits d'hospitalisation pour 1 000 habitants en médecine, en chirurgie et gynécologie-obstétrique, les auteurs de l'arrêté attaqué ont dûment tenu compte des perspectives de population ; que ledit arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des éléments précités que l'administration était, en l'espèce, tenue de prendre en considération ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la circulaire du 22 mai 1987 :
Considérant que, par une circulaire en date du 22 mai 1987, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a donné pour directive aux autorités chargées de procéder aux travaux de révision des cartes sanitaires régionales du court séjour de conduire ces travaux en prenant en compte les projections démographiques par secteur sanitaire établies sur la base des résultats du recensement de 1982, le nombre de lits publics et privés installés et autorisés par grande discipline et par secteur sanitaire, ainsi que l'analyse de l'activité à partir notamment de la durée moyenne de séjour et du taux d'occupation, rapprochés de la durée moyenne de séjour constatée au niveau national en 1984 pour les établissements publics et de taux d'occupation "cibles" définis par sa circulaire du 6 mars 1984 ; qu'il n'a pas, ainsi, édicté des règles de droit modifiant ou complétant les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1970 et du décret du 11 janvier 1973, ni méconnu les fins poursuivies par les auteurs de ces textes en ce qui concerne l'établissement de la carte sanitaire ; que s'il a été tenu compte de ces directives, qui sont dépourvues de caractère réglementaire, dans les études et avis qui ont précédé l'intervention de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier que le ministre n'a pas renoncé à exercer, en établissant les indices de besoins contestés, son pouvoir d'appréciation des circonstances propres à chaque secteur sanitaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en application d'une circulaire réglementaire illégale ne peut qu'être écarté ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué à la santé.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 98709
Date de la décision : 13/03/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - DELEGATIONS - SUPPLEANCE - INTERIM - DELEGATION DE SIGNATURE - QUALITE DU DELEGATAIRE - Ministre - Délégation donnée par un ministre à son directeur de cabinet - Délégation simultanée donnée à un directeur d'administration centrale - Circonstance que ce directeur d'administration centrale ait également reçu une délégation de signature du ministre des affaires sociales et de l'emploi sans influence sur la compétence du directeur du cabinet du ministre pour signer l'arrêté attaqué dès lors que cette délégation ne concernait pas des attributions en matière de sécurité sociale (1).

01-02-05-02-01 En vertu du premier alinéa de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière, le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale arrête, sur avis de commissions régionales et d'une commission nationale de l'équipement sanitaire, la carte sanitaire de la France. Il résulte des décrets du 4 avril 1986 relatifs aux attributions du ministre des affaires sociales et de l'emploi et du ministre délégué chargé de la santé et de la famille, que l'arrêté attaqué devait être pris conjointement par ces deux ministres. L'arrêté attaqué a été signé, d'une part, au nom du ministre des affaire sociales et de l'emploi, par M. L., directeur de cabinet de ce ministre qui avait reçu une délégation régulière de signature par un arrêté du 2 avril 1986 et, d'autre part, au nom du ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille, par M. D., directeur des hôpitaux, qui avait reçu une délégation régulière de signature par un arrêté du 19 janvier 1988. Si M. D., directeur des hôpitaux, avait également reçu une délégation de signature du ministre des affaires sociales et de l'emploi, cette délégation ne lui avait été conférée que pour les affaires relevant de son autorité, au nombre desquelles ne figurent pas les attributions en matière de sécurité sociale à raison desquelles le ministre des affaires sociales devait signer l'arrêté attaqué. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à invoquer les dispositions du décret du 23 janvier 1947 modifié selon lesquelles les ministres peuvent déléguer leur signature à leurs directeurs de cabinet en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée à l'un des fonctionnaires de l'administration centrale.

- RJ2 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME - PROCEDURE CONSULTATIVE - MODALITES DE LA CONSULTATION - Convocation écrite comportant l'ordre du jour et éventuellement les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites (article 11 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983) - Distribution au début de la séance d'un tableau statistique comprenant des renseignements complémentaires sur les propositions de l'administration - Absence d'influence sur la régularité de la procédure eu égard à la nature et au contenu détaillé des documents adressés en temps utile aux membres de la commission (2).

01-03-02-07 En vertu de l'article 11 du décret du 28 novembre 1983 relatif au fonctionnement des organismes consultatifs placés auprès des autorités de l'Etat et des établissements publics de l'Etat, à défaut de dispositions réglementaires contraires et, sauf urgence, les membres des organismes consultatifs reçoivent, cinq jours au moins avant la date de leur réunion, une convocation écrite comportant l'ordre du jour et, éventuellement, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites. Eu égard à la nature et au contenu détaillé des documents adressés en temps utile aux membres de la commission nationale de l'équipement hospitalier, la distribution, au début de la séance de la commission, d'un tableau statistique comprenant des renseignements complémentaires sur les propositions de l'administration n'a pas vicié la consultation de ladite commission.


Références :

Circulaire du 06 mars 1984 affaires sociales et emploi
Circulaire du 22 mai 1987 affaires sociales et emploi
Décret 47-233 du 23 janvier 1947
Décret 73-54 du 11 janvier 1973 art. 9, art. 1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 11
Décret 86-695 du 04 avril 1986
Loi 70-1318 du 31 décembre 1970 art. 44
Loi 79-1140 du 29 décembre 1979 art. 11
Loi 86-17 du 06 janvier 1986 art. 24

1.

Cf. 1987-07-01, S.A. Presse Alliance, p. 251. 2.

Rappr. 1991-12-18, Syndicat national de l'industrie pharmaceutique ;

T.A. Paris 1988-12-12, Association pour la sauvegarde des espaces verts et du cadre de vie à Chatenay-Malabry, T.p. 579


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 1992, n° 98709
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Errera
Rapporteur public ?: M. Dutreil

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:98709.19920313
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award