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03/04/1992 | FRANCE | N°88909

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 03 avril 1992, 88909


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er juillet 1987 et 28 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES, dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du ministre des transports du 16 juillet 1986 rejetant sa réclamation tendant à l'indemnisation du préjudice causé par sa décisi

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er juillet 1987 et 28 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES, dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du ministre des transports du 16 juillet 1986 rejetant sa réclamation tendant à l'indemnisation du préjudice causé par sa décision de modifier le nombre de vols à destination des Antilles et d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser 3 872 000 F ;
2° annule la décision du 16 juillet 1986 ;
3° condamne l'Etat à lui payer 3 872 000 F à titre de dommages et intérêts ;
4° lui accorde les intérêts de cette somme à compter du 22 mai 1986 et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gosselin, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que par une décision du 5 juillet 1983 confirmée le 1er août 1983, le ministre des transports a refusé à la société anonyme Minerve, autorisée par application de l'article R.330-1 du code de l'aviation civile à effectuer trois rotations par semaine à destination et en provenance des Antilles, l'autorisation d'effectuer deux rotations hebdomadaires supplémentaires entre le 28 juin et le 17 septembre 1983 ; que cette décision a été annulée pour erreur de droit par un jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juin 1985, confirmé sur appel du ministre par une décision du Conseil d'Etat statuant au Contentieux en date du 17 juin 1991 ; que l'illégalité ainsi commise est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait légalement pris la même décision de refus d'autorisation en se fondant sur d'autres motifs que ceux censurés par la juridiction administrative ; qu'ainsi, cette illégalité est de nature à ouvrir droit à indemnité ;
Considérant, en second lieu, que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES a demandé la réparation du préjudice qui serait résulté pour elle de la décision du 5 juillet 1983 ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES devait affréter les avions de la société Minerve pour effectuer les dessertes commerciales des Antilles qui n'ont pu avoir lieu du fait de la décision ministériell du 5 juillet 1983 ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, le dommage invoqué par la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES est une conséquence directe de cette décision ;

Considérant que si la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES se prévaut d'un préjudice lié au transfert des passagers sur des vols de la compagnie Air France, il résulte de l'instruction que les surcoûts engendrés par la différence de tarification entre Air France et Minerve ont été répercutés sur les passagers, sans qu'il soit établi, ni même allégué, que certains de ceux-ci auraient renoncé à leur réservation par suite de la hausse du prix ; que, par ailleurs, le préjudice qui résulterait des escales supplémentaires, des transferts de passagers par autocar entre les aéroports de Bâle-Mulhouse et Bruxelles et de leur hébergement n'est pas établi ;
Considérant en revanche que la SOCIETE NOUVELLES FRONTIERES a subi un préjudice tenant à l'atteinte portée à sa réputation ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une somme de 100 000 F ; que, par suite, ladite société est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES a droit aux intérêts de la somme de 100 000 F à compter du jour de la réception par le ministre de sa demande, soit le 22 mai 1986 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er juillet 1987 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du 1er avril 1987 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES la somme de 100 000 F. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 22 mai 1986.Les intérêts échus le 1er juillet 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE NOUVELLES FRONTIERES et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 88909
Date de la décision : 03/04/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL.

TRANSPORTS - TRANSPORTS AERIENS - EXPLOITATION DES LIGNES AERIENNES.


Références :

Code civil 1154
Code de l'aviation civile R330-1


Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 1992, n° 88909
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Gosselin
Rapporteur public ?: Hubert

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:88909.19920403
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