La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/1992 | FRANCE | N°49203;67701

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 17 avril 1992, 49203 et 67701


Vu 1°/, sous le n° 49 203, la requête enregistrée le 11 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE EGET, dont le siège est ..., à Saint-Etienne (42250) ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
- annule ou, subsidiairement, réforme le jugement du 13 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Lyon, statuant sur la demande d'indemnité présentée par M. Robert X... pour obtenir réparation des dommages subis par suite d'une chute survenue le 20 février 1978 rue de la Vivaraize à Saint-Etienne, a condamné la ville de Sa

int-Etienne à verser à M. X... une indemnité de 97 370 F et à l'Etat ...

Vu 1°/, sous le n° 49 203, la requête enregistrée le 11 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE EGET, dont le siège est ..., à Saint-Etienne (42250) ; cette société demande que le Conseil d'Etat :
- annule ou, subsidiairement, réforme le jugement du 13 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Lyon, statuant sur la demande d'indemnité présentée par M. Robert X... pour obtenir réparation des dommages subis par suite d'une chute survenue le 20 février 1978 rue de la Vivaraize à Saint-Etienne, a condamné la ville de Saint-Etienne à verser à M. X... une indemnité de 97 370 F et à l'Etat une indemnité de 77 988,43 F ;
- rejette tout ou partie des conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Vu 2°/, sous le n° 67 701, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 9 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 3 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Saint-Etienne soit condamnée à lui rembourser les sommes exposées par l'Etat au titre de l'allocation temporaire d'invalidité, soit 238 355,16 F ;
- fasse droit à ses conclusions de première instance ;
- condamne la ville à payer les intérêts afférents à la somme de 238 355,16 F à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de sa lettre du 17 décembre 1981 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE EGET, de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de Gaz de France et de Me Foussard, avocat de la ville de Saint-Etienne,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête n° 49 203 de la SOCIETE EGET et le recours n° 67 701 du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, sont relatifs à un même litige né de l'accident dont a été victime M. X... le 20 février 1978 alors qu'il circulait en service à cyclomoteur rue de la Vivaraize à Saint-Etienne ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que par un premier jugement en date du 22 octobre 1981 le tribunal administratif de Lyon a, en premier lieu, déclaré la ville de Saint-Etienne entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. X... le 20 février 1978 et, par voie de conséquence, a condamné la ville à payerà la victime une indemnité provisionnelle de 3 000 F, en deuxième lieu a ordonné une expertise et a, enfin, décidé que Gaz de France garantirait la ville de Saint-Etienne de toute condamnation prononcée à son encontre, Gaz de France étant lui-même garanti par la SOCIETE EGET ; que sur appel de la SOCIETE EGET, ce jugement a été confirmé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 1er mars 1985 ; que, par un deuxième jugement du 13 janvier 1983, le même tribunal, après avoir évalué le montant du préjudice subi par M. X... à la somme de 100 370 F et indiqué que le montant des émoluments et des frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par l'Etat s'élevait à 77 988,43 F a, d'une part, condamné la ville de Saint-Etienne à payer à M. X... la somme de 97 370 F, soit la différence entre 100 370 F et 3 000 F d'indemnité provisionnelle et à payer la somme de 77 988,43 F à l'Etat et d'autre part, a réservé les droits de l'Etat relatifs au versement d'une allocation temporaire d'invalidité ; qu'enfin, par un troisième jugement en date du 3 janvier 1985 statuant sur les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET tendant à obtenir le remboursement du montant de l'allocation temporaire d'invalidité accordé à M. X..., le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces conclusions au motif qu'ayant, par son jugement du 13 janvier 1983, fixé la dette de la ville de Saint-Etienne et les droits à indemnité de M. X..., il ne lui appartenait pas de se prononcer sur les droits que l'Etat pouvait éventuellement détenir sur M. X... ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat : "Si, au moment où il est appelé à se prononcer sur la demande en réparation de la victime ou de ses ayants-droit, le juge n'est pas en mesure d'apprécier l'importance des prestations dues par l'Etat, il surseoit à statuer et accorde éventuellement une indemnité provisionnelle" ;
Considérant qu'en fixant le montant global de la réparation mise à la charge de la ville de Saint-Etienne ainsi que les droits à indemnité de M. X... tout en réservant certains des droits de l'Etat le tribunal administratif dans son jugement du 13 janvier 1983, a violé les dispositions précitées de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; qu'ainsi la SOCIETE EGET est recevable et fondée à soutenir que ce jugement, à l'exception de l'article 4 par lequel les premiers juges ont à bon droit mis à la charge de la ville responsable de l'accident les frais de l'expertise médicale, ainsi que le jugement en date du 3 janvier 1985 doivent être annulés ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. X... et par l'Etat devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que M. X... a subi, du fait de son accident, un traumatisme crânien et une fracture de l'orbite gauche provoquant des troubles de la motricité oculaire ; qu'il a été frappé d'une incapacité temporaire totale pendant dix-huit mois et d'une incapacité temporaire partielle de 35 % pendant vingt sept mois ; qu'il reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 22 % ; qu'eu égard notamment aux conséquences du préjudice corporel sur sa vie professionnelle, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. X... dans ses conditions d'existence en les évaluant à 90 000 F dont 54 200 F au titre des troubles physiologiques ; que le préjudice résultant des souffrances physiques endurées par l'intéressé du fait de l'accident doit être évalué à 10 000 F ; qu'enfin pour évaluer le préjudice global résultant de l'accident dont M. X... a été victime il y a lieu d'ajouter aux sommes susmentionnées le montant des émoluments et des frais médicaux et pharmaceutiques assumés par l'Etat soit 77 988,43 F ainsi que la part de l'allocation temporaire d'invalidité versée par l'Etat ne couvrant pas les troubles dans les conditions d'existence ni le préjudice résultant des souffrances physiques ;
Sur les droits respectifs de l'Etat et de M. X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 : "I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. II. - Cette action concerne notamment : Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; - Les frais médicaux et pharmaceutiques ; - le capital-décès ; - Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; - Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires ; - Les arrérages des pensions d'orphelin. III. - Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente" ; et qu'aux termes de l'article 5 de la même ordonnance : "Lorsque la responsabilité du dommage est partagée entre le tiers et la victime, l'Etat peut recourir contre le tiers pour la totalité des prestations auxquelles il est tenu, à la condition que leur montant n'excède pas celui de la réparation mise à la charge du tiers. - Toutefois, ce recours ne peut s'exercer sur la part des dommages-intérêts correspondant à des préjudices qui, en raison de leur nature, ne se trouvent pas au moins partiellement couverts par les prestations visées à l'article 1er" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'Etat est fondé à demander à la ville de Saint-Etienne le remboursement, dans la limite des sommes mises à la charge de celle-ci, d'une part, des émoluments et des frais médicaux et pharmaceutiques assumés par lui du fait de l'accident, d'autre part, de l'allocation temporaire d'invalidité accordée à M. X..., d'un montant de 238 355,16 F, soit un total de 316 343,59 F ; qu'en revanche, le droit à remboursement de l'Etat ne peut s'exercer sur la part de l'indemnité qui est destinée à réparer la souffrance physique endurée par l'intéressé ainsi que les autres troubles de nature non pécuniaires, lesquels ne sont couverts par aucune des prestations visées à l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ; que cette part correspond à un montant de 45 800 F ; qu'ainsi les droits de l'Etat et de M. X... s'élèvent respectivement à 316 343,59 F et 45 800 F, sous réserve, en ce qui concerne cette dernière somme, de la déduction de la provision de 3 000 F allouée à M. X... par les premiers juges ;
Sur les intérêts :
Considérant que l'Etat a droit aux intérêts de la somme de 316 343,59 F à compter du 17 décembre 1981 date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Lyon ;
Sur les conclusions d'appel provoqué de Gaz de France et de la ville de Saint-Etienne :
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Gaz de France a été condamné par jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 22 octobre 1981, confirmé par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 1er mars 1985, à garantir la ville de Saint-Etienne de toute condamnation prononcée à son encontre ; que, par suite, Gaz de France et la ville de Saint-Etienne sont irrecevables, la première à solliciter le bénéfice d'une éventuelle réduction de la condamnation de la ville, la seconde à demander à nouveau à être garantie par la société ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 13 janvier 1983, à l'exception de son article 4, et le jugement du même tribunal en date du 3 janvier 1985 sont annulés.
Article 2 : La ville de Saint-Etienne est condamnée à payer à l'Etat la somme de 316 343,59 F avec intérêts au taux légal à compterdu 17 décembre 1981.
Article 3 : La ville de Saint-Etienne est condamnée à payer à M.Kirche la somme de 42 800 F.
Article 4 : Le surplus des conclusions des demandes présentées devant le tribunal administratif de Lyon par M. X... est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE EGET et les conclusions d'appel provoqué de Gaz de France et de la ville de Saint-Etienne sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EGET, à Gaz de France, à la ville de Saint-Etienne, à M. X..., au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 49203;67701
Date de la décision : 17/04/1992
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - SURSIS A STATUER - Action en réparation d'un agent de l'Etat - victime d'un accident - contre un tiers - Tribunal administratif ayant statué alors qu'il ne connaissait pas l'importance des prestations dues par l'Etat - Méconnaissance de l'article 4 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959.

54-07-01-02, 60-04-04 En vertu de l'article 4 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat, si au moment où il est appelé à se prononcer sur la demande en réparation de la victime ou de ses ayants-droits, le juge n'est pas en mesure d'apprécier l'importance des prestations dues par l'Etat, il surseoit à statuer et accorde éventuellement une indemnité provisionnelle. En fixant le montant global de la réparation mise à la charge d'un tiers ainsi que les droits à indemnité de l'agent public tout en réservant certains des droits de l'Etat, un tribunal administratif méconnaît ces dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - Action en réparation d'un agent de l'Etat - victime d'un accident - contre un tiers - Tribunal administratif ayant statué alors qu'il ne connaissait pas l'importance des prestations dues par l'Etat - Méconnaissance de l'article 4 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959.

60-05-03-01 Pour évaluer le préjudice global résultant de l'accident dont un agent public a été victime, il y a lieu d'ajouter aux sommes demandées par l'intéressé le montant des émoluments et des frais médicaux et pharmaceutiques assumés par l'Etat ainsi que la part de l'allocation temporaire d'invalidité versée par l'Etat ne couvrant pas les troubles dans les conditions d'existence ni le préjudice résultant des souffrances physiques.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - SUBROGATION - SUBROGATION DE L'ETAT DANS LES DROITS DE L'UN DE SES AGENTS VICTIME D'UN DOMMAGE - Imputation des droits à remboursement de l'Etat - Modalités de calcul du préjudice global (1).


Références :

Ordonnance 59-76 du 07 janvier 1959 art. 4, art. 1

1.

Cf. Assemblée 1975-02-14, Consorts Virmart, p. 113 ;

Section 1975-07-25, Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage, p. 475


Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 1992, n° 49203;67701
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Faure
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:49203.19920417
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award