Vu, 1°) sous le n° 114 604, le recours du ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 février 1990 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler un jugement en date du 23 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi sur renvoi du conseil de prud'hommes d'Orléans de l'appréciation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail d'Orléans du 8 février 1988 autorisant le licenciement de M. X..., a jugé que cette décision était entachée d'incompétence ;
- de déclarer que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité ;
Vu, 2°) sous le n° 114 652, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance en date du 1er février 1990 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes transmet, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par l'association "Ateliers de la Couronnerie" ;
Vu la demande présentée le 1er février 1990 à la cour administrative d'appel de Nantes pour l'association "Ateliers de la Couronnerie" dont le siège est 36 ... (45162 - Cedex BP 4), représentée par son président en exercice ; l'association demande au juge administratif :
- d'annuler un jugement en date du 23 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi sur renvoi du conseil de prud'hommes d'Orléans de l'appréciation de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail d' Orléans du 8 février 1988 autorisant le licenciement de M. X..., a jugé que cette autorisation était entachée d'incompétence ;
- de déclarer que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Roger-Lacan, Auditeur,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et la requête de l'association "Ateliers de la Couronnerie" sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.436-1 du code du travail : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L.433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. La même procédure est applicable au licenciement des anciens membres du comité d'entreprise ainsi que des anciens représentants syndicaux qui, désignés depuis deux ans, ne seraient pas reconduits dans leurs fonctions lors du renouvellement du comité, pendant les six premiers mois qui suivent l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution" ; que l'article L.436-3 dispose : "L'annulation, sur recours hiérarchique, par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné aux articles L.436-1 et L.436-2 emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. (...) Le salarié concerné est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la procédure prévue à l'article L.436-1" ; qu'aux termes de l'article L.236-11 du même code : "Les dispositions des articles L.436-1, L.436-2 et L.436-3 sont applicables aux salariés qui siègent ou ont siégé en qualité de représentants du personnel dans un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail" ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat représentatif bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que, par une décision en date du 17 décembre 1987, le ministre des affaires sociales, saisi d'un recours hiérarchique par M. X..., a annulé la décision en date du 16 juillet précédent par laquelle l'inspecteur du travail du Loiret avait autorisé l'association "Ateliers de la Couronnerie" à le licencier pour faute ; que, réintégré au sein de l'entreprise le 18 janvier 1988, M. X... a fait l'objet d'une nouvelle procédure de licenciement ; que l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée par une décision en date du 8 février 1988, confirmée par une décision en date du 23 juin 1988 du ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle saisi d'un recours hiérarchique contre cette décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été titulaire d'un mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail jusqu'au 6 avril 1987 ; que la première autorisation de licenciement annulée sur recours hiérarchique par le ministre du travail est intervenue moins de six mois après l'expiration de son mandat représentatif ; qu'en vertu des dispositions susrappelées de l'article L.436-3 du code du travail, M. X... bénéficiait de la procédure prévue à l'article L.436-1 du code du travail pendant une nouvelle durée de six mois à compter de sa réintégration dans l'entreprise ; que la deuxième autorisation de licenciement est intervenue durant cette période ; qu'il suit de là que le ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et l'association "Ateliers de la Couronnerie" sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur l'incompétence de l'inspecteur du travail pour déclarer illégale la décision en date du 8 février 1988 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que le licenciement de M. X... était fondé sur des négligences de celui-ci ayant pu compromettre la sécurité des personnels handicapés de l'association et entraîner des défauts dans la production des produits de son atelier ainsi que sur des insuffisances professionnelles liées à l'exercice de ses responsabilités de chef d'équipe ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces faits ne présentent pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et l'association "Ateliers de la Couronnerie" ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a déclaré illégales la décision en date du 8 février 1988 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X... et celle du ministre des affaires sociales et de l'emploi rejetant son recours hiérarchique contre cette décision ;
Article 1er : Le recours du ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et la requête de l'association "Ateliers de la Couronnerie" sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à l'association "Ateliers de la Couronnerie" et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.