La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/1992 | FRANCE | N°124279

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 29 mai 1992, 124279


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars 1991 et 24 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel Y..., docteur en médecine, demeurant ... à Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 13 décembre 1990, par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision en date du 12 septembre 1990, avait refusé de faire fermer son cabinet secondaire de radiologie à Petit-Bourg (Guadeloupe) et lui a enjoint de procéder à cette fermetu

re dans un délai de six mois ; il demande en second lieu au Conse...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars 1991 et 24 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel Y..., docteur en médecine, demeurant ... à Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 13 décembre 1990, par laquelle le conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision en date du 12 septembre 1990, avait refusé de faire fermer son cabinet secondaire de radiologie à Petit-Bourg (Guadeloupe) et lui a enjoint de procéder à cette fermeture dans un délai de six mois ; il demande en second lieu au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment son article L. 162-2 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 79-506 du 26 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;
Vu l'article 75-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. François Bernard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Mattei-Dawance, avocat de M. Michel Y... et de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de l'ordre national des médecins,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code de déontologie médicale : "Un médecin ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. La création ou le maintien d'un cabinet secondaire, sous quelque forme que ce soit, n'est possible qu'avec l'autorisation du conseil départemental. Cette autorisation ne peut être refusée par le conseil départemental ou les conseils départementaux intéressés si l'éloignement d'un médecin de même discipline est préjudiciable aux malades. L'autorisation est donnée à titre personnel et n'est pas cessible. Limitée à trois années et renouvelable après une nouvelle demande, elle est révocable à tout moment. Elle est retirée lorsque l'installation d'un médecin de même discipline est de nature à satisfaire les besoins des malades" ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'article 63 du code de déontologie médicale :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale : "Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d'installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juilet 1971" ; qu'à la date de promulgation de la loi du 3 juillet 1971, l'article 16 du décret susvisé du 28 novembre 1955, disposait : "Un médecin ne peut avoir, en principe, plusieurs cabinets. La création ou le maintien d'un cabinet secondaire peut être autorisé par le conseil départemental lorsque l'intérêt des malades l'exige. Cette dérogation ne peut être refusée par le conseil départemental ou les conseils départementaux intéressés si l'éloignement d'un médecin de même discipline est tel que l'intérêt des malades puisse en souffrir. L'autorisation doit être retirée lorsque l'installation d'un médecin de même discipline est de nature à satisfaire les besoins des malades" ;

Considérant que l'article 63 du décret du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale et abrogeant le décret du 28 novembre 1955 modifié, reprend les dispositions précitées de l'article 16 de ce dernier décret ; que, dès lors, les restrictions apportées par l'article 63 du décret du 28 juin 1979 au principe de liberté d'installation du médecin ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'illégalité de l'article 63 du code de déontologie médicale doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que si M. Y... soutient que l'article 63 du code de déontologie médicale méconnaîtrait les objectifs fixés par la directive du conseil des communautés européennes n° 75/362/CEE du 16 juin 1975 en ce qu'il institue une limitation au libre exercice de la profession médicale, aucune disposition de cette directive "visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services" ne peut être regardée comme tendant à interdire aux Etats membres de la communauté de réglementer l'exercice de la profession médicale en cabinet secondaire ;
Sur le moyen tiré de l'erreur matérielle :
Considérant que M. Y... soutient que le conseil national de l'ordre des médecins aurait entaché sa décision d'une erreur matérielle en affirmant que le cabinet médical de M. Bingen serait situé dans la même localité que celle où il exerce lui-même en cabinet secondaire ; qu'il ressort des termes de cette décision que le conseil national s'est borné à indiquer que "compte tenu de l'installation du docteur X... à huit kilomètres de Petit-Bourg, les besoins des malades ne justifient pas le maintien du cabinet secondaire de M.
Y...
dans cette localité" ; qu'ainsi le moyen susanalysé manque en fait ;
Sur le moyen tiré de l'intérêt des malades :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni l'importance, ni la structure de la population concernée n'étaient de nature à justifier le maintien du cabinet secondaire de radiologie de M.
Y...
à Petit-Bourg, après l'installation à Baie-Mahault, ville située à une distance de 8 kilomètres, d'un médecin de même discipline, quelle que fût la date de cette installation ; que la circonstance que l'utilisation des moyens de transport collectifs reliant ces deux localités impliquait la nécessité de changements de véhicules, n'est pas de nature à empêcher la satisfaction des besoins des malades ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation du conseil national de l'ordre des médecins au paiement de frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que le conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le conseil national de l'ordre des médecins a annulé la décision par laquelle le conseil départemental de la Guadeloupe a refusé de fermer le cabinet secondaire de radiologie qu'il exploite à Petit-Bourg ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à M.Bingen, au conseil national de l'ordre des médecins et au ministre dela santé et de l'action humanitaire.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 124279
Date de la décision : 29/05/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-03-01-01 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MEDECINS - CABINET MEDICAL


Références :

CEE Directive 362-75 du 16 juin 1975 Conseil
Code de déontologie des médecins 63
Code de la sécurité sociale L162-2
Décret 55-1591 du 28 novembre 1955 art. 16
Décret 79-506 du 28 juin 1979 art. 63
Loi 71-525 du 03 juillet 1971
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 1992, n° 124279
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: François Bernard
Rapporteur public ?: Kessler

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:124279.19920529
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award