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29/05/1992 | FRANCE | N°126014

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 29 mai 1992, 126014


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 mai 1991, présentée pour M. Marc Y..., chirurgien-dentiste, demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 17 mars 1991 par laquelle le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé la décision, en date du 16 novembre 1990, par laquelle le conseil départemental des Hauts-de-Seine ne s'opposait pas à son installation dans le même immeuble que le docteur Carole X... ;
2°) d'ordonner le sursis à l'exécution de ladite décision du consei

l national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Vu les autres pièc...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 mai 1991, présentée pour M. Marc Y..., chirurgien-dentiste, demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 17 mars 1991 par laquelle le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé la décision, en date du 16 novembre 1990, par laquelle le conseil départemental des Hauts-de-Seine ne s'opposait pas à son installation dans le même immeuble que le docteur Carole X... ;
2°) d'ordonner le sursis à l'exécution de ladite décision du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-2184 du 24 septembre 1945 relative à l'exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme ;
Vu le décret n° 67-671 du 22 juillet 1967 modifié, portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes ;
Vu le décret n° 63-706 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. François Bernard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Y..., de Me Vuitton, avocat de Mme Carole X... et de Me Roger, avocat de l'ordre national des chirurgiens-dentistes,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'article 71 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes :
Considérant, d'une part, que si, au nombre des libertés publiques dont il appartient au législateur de fixer les règles en vertu de l'article 34 de la Constitution figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale, il résulte des dispositions des articles L. 412 et L. 441 du code de la santé publique que l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste est subordonné à une inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes et qu'en vertu des dispositions de l'article L. 382 susmentionné du même code, l'ordre des chirurgiens-dentistes veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la profession et à l'observation par tous ses membres des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 366 ; que l'article 71 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes qui subordonne l'installation d'un chirurgien-dentiste, dans un immeuble déterminé, à certaines conditions, reprend l'article 61 du décret n° 48-27 du 3 janvier 1948 portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes, pris sur la base de l'article 66 de l'ordonnance n° 45-2184 du 4 septembre 1945 relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme ; que, dès lors, les restrictions apportées par l'article 71 précité ne méconnaissent pas les dispositions législatives susrappelées ; qu'ainsi le moyen tiré de l'illégalité dudit article 71 doit être rejeté ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 382 et L. 409 du code de la santé publique, applicables aux chirurgiens-dentistes en vertu des dispositions de l'article L. 431 du même code, que le conseil national de l'ordre veille à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie ; que les dispositions de l'article 71 du code des chirurgiens-dentistes figurent au nombre des règles dont le législateur a confié au conseil national de l'ordre le soin de veiller à l'application ; que le docteur Y... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que ledit article est dépourvu de fondement légal ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 71 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes :
Considérant qu'aux termes de l'article 71 du décret n° 67-671 du 22 juillet 1967 modifié portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes : "Le chirurgien-dentiste ne doit pas s'installer dans l'immeuble où exerce un confrère sans l'agrément de celui-ci ou, à défaut, sans l'autorisation du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Les décisions du conseil départemental de l'ordre ne peuvent être motivées que par les besoins de la santé publique" ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'appréciation de la demande d'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article 71, les autorités ordinales ne doivent pas se borner à examiner si un chirurgien-dentiste exerce déjà dans l'immeuble dans lequel l'installation est sollicitée mais doit examiner si cette demande pourrait être justifiée par les besoins de la santé publique ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas procédé à cet examen ; que c'est dès lors par une inexacte application des règles précitées de l'article 71 du code de déontologie que ce conseil a annulé la décision du conseil départemental et a refusé au docteur Y... le droit de s'installer dans l'immeuble sis ... à Antony (Hauts-de-Seine) ;
Article 1er : La décision susvisée du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes en date du 17 mars 1991, est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Marc Y..., à Mme Carole X..., au conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et au ministre de la santé et de l'action humanitaire.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - ABSENCE DE VIOLATION - Code de la santé publique - Articles L - 412 et L - 441 - Légalité de l'article 71 du code de déontologie des chirurgiens dentistes.

01-04-02-01, 55-03-02(1) D'une part, si, au nombre des libertés publiques dont il appartient au législateur de fixer les règles en vertu de l'article 34 de la Constitution figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale, il résulte des dispositions des articles L.412 et L.441 du code de la santé publique que l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste est subordonné à une inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes et qu'en vertu des dispositions de l'article L.382 du même code, l'ordre des chirurgiens-dentistes veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la profession et à l'observation par tous ses membres des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L.366. L'article 71 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes qui subordonne l'installation d'un chirurgien-dentiste dans un immeuble déterminé à certaines conditions, reprend l'article 61 du décret du 3 janvier 1948 portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes, pris sur la base de l'article 66 de l'ordonnance du 24 septembre 1945 relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme. Dès lors, les restrictions apportées par ledit article 71 ne méconnaissent pas les dispositions législatives susrappelées. Ainsi le moyen tiré de l'illégalité dudit article doit être écarté. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L.382 et L.409 du code de la santé publique, applicables aux chirurgiens-dentistes en vertu des dispositions de l'article L.431 du même code, que le conseil national de l'ordre veille à l'observation, par tous les membres de l'ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie. Les dispositions de l'article 71 du code des chirurgiens-dentistes figurent au nombre des règles dont le législateur a confié au conseil national de l'ordre le soin de veiller à l'application. Dès lors, ledit article n'est pas dépourvu de fondement légal.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - CHIRURGIENS-DENTISTES - Installation de chirurgiens-dentistes dans un immeuble - (1) Code de déontologie des chirurgiens-dentistes - Légalité de l'article 71 qui subordonne l'installation des chirurgiens-dentiste dans un immeuble à certaines conditions - Existence - (2) Installation d'un chirurgien-dentiste dans l'immeuble où exerce un confrère - Nécessité d'obtenir l'agrément de celui-ci ou - à défaut - l'autorisation du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens - dentistes (article 71 du code de déontologie) - Obligation - pour le conseil départemental - d'examiner si la demande d'autorisation peut être justifiée par les besoins de la santé publique.

55-03-02(2) Aux termes de l'article 71 du décret du 22 juillet 1967 modifié portant code de déontologie des chirurgiens-dentistes : "le chirurgien-dentiste ne doit pas s'installer dans l'immeuble où exerce un confrère sans l'agrément de celui-ci ou, à défaut, sans l'autorisation du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Les décisions du conseil départemental de l'ordre ne peuvent être motivées que par les besoins de la santé publique". Il résulte de ces dispositions que, dans l'appréciation de la demande d'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article 71, les autorités ordinales ne doivent pas se borner à examiner si un chirurgien-dentiste exerce déjà dans l'immeuble dans lequel l'installation est sollicitée mais doivent examiner si cette demande pourrait être justifiée par les besoins de la santé publique. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas procédé à cet examen. C'est dès lors par une inexacte application des règles précitées de l'article 71 du code de déontologie que ce conseil a annulé la décision du conseil départemental et a refusé au docteur M. le droit de s'installer dans l'immeuble sis 18 avenue de la Division Leclerc à Antony (Hauts-de- Seine).


Références :

Code de déontologie des chirurgiens-dentistes 71
Code de la santé publique L412, L441, L366, L382, L409, L431
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Décret 48-27 du 03 janvier 1948 art. 61
Décret 67-671 du 22 juillet 1967 art. 71
Ordonnance 45-2184 du 04 septembre 1945 art. 66


Publications
Proposition de citation: CE, 29 mai. 1992, n° 126014
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. F. Bernard
Rapporteur public ?: M. Kessler
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Mes Vuitton, Roger, Avocat

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 29/05/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 126014
Numéro NOR : CETATEXT000007823170 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1992-05-29;126014 ?
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