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19/06/1992 | FRANCE | N°130240

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 19 juin 1992, 130240


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 octobre 1991, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 1991 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 3 octobre 1991 décidant la reconduite à la frontière de M. Y... Guler ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossi

er ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par l...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 octobre 1991, présentée par le PREFET DE LA MOSELLE ; le PREFET DE LA MOSELLE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 1991 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 3 octobre 1991 décidant la reconduite à la frontière de M. Y... Guler ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989 et la loi du 10 janvier 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 que les Etats parties ne peuvent appliquer aux déplacements des réfugiés en situation irrégulière que les restrictions nécessaires "en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays" ; qu'en vertu de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, il appartient à cet office de statuer, sous le contrôle de la commission des recours, sur les demandes tendant à ce que soit reconnue à un étranger la qualité de réfugié au sens de l'article 1er de la convention du 28 juillet 1951 précitée ;
Considérant que ces dispositions impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; qu'en l'absence de dispositions législatives et réglementaires déterminant les modalités d'application de ce principe, il appartient à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre ; que dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité doit également tenir compte des autres intérêts généraux dont elle a la charge en vue d'éviter un usage abusif des droits ainsi reconnus aux personnes qui demandent le bénéfice de la Convention de Genève ; que, par suite, les personnes qui sollicitent la qualité de réfugié doivent recevoir des documents leur permettant, après avoir saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides de séjourner régulièrement en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande par l'office et, le cas échéant, par la commission des recours des réfugiés, sauf dans les cas où cette demande a manifestement pour seul objet de faire échec à une mesure d'éloignement susceptible d'être prise à l'encontre d'un étranger déjà entré sur le territoire national et se trouvant en situation irrégulière ;

Considérant que M. X..., ressortissant turc, entré irrégulièrement en France, a demandé son admission au statut de réfugié en faisant valoir les craintes qu'il éprouverait du fait de son appartenance au peuple kurde ; que si cette demande n'a été formée par M. X... que lors de son interpellation par les services de police, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'elle ait eu manifestement pour seul objet de faire échec à une décision de reconduite à la frontière ; que, par suite, M. X... devait être autorisé à séjourner en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que l'arrêté du PREFET DE LA MOSELLE en date du 3 octobre 1991 qui, s'il mentionne dans ses motifs que la reconduite ne serait pas exécutée avant une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, n'en décide pas moins immédiatement la reconduite de M. X... à la frontière, est par suite entaché d'excès de pouvoir ; que le PREFET DE LA MOSELLE n'est pas, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ledit arrêté ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA MOSELLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA MOSELLE, à M. X... et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 130240
Date de la décision : 19/06/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - ETRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE - DEMANDEURS D'ASILE - DEMANDE N'AYANT PAS UN CARACTERE DILATOIRE - Ressortissant turc entré irrégulièrement en France et ayant demandé son admission au statut de réfugié au moment de son interpellation par les forces de police - Illégalité de l'arrêté de reconduite (1).

335-03-02-02-01-02, 335-05-01-02 Ressortissant turc entré irrégulièrement en France et ayant demandé son admission au statut de réfugié en faisant valoir les craintes qu'il éprouverait du fait de son appartenance au peuple kurde. Si cette demande n'a été formée par l'intéressé que lors de son interpellation par les services de police, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'elle ait eu manifestement pour seul objet de faire échec à une décision de reconduite à la frontière. Par suite, l'intéressé devait être autorisé à séjourner en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. L'arrêté du préfet de la Moselle en date du 3 octobre 1991 qui, s'il mentionne dans ses motifs que la reconduite ne serait pas exécutée avant une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, n'en décide pas moins immédiatement la reconduite à la frontière, est par suite entaché d'excès de pouvoir.

- RJ1 ETRANGERS - REFUGIES ET APATRIDES - CONDITIONS D'ENTREE ET DE SEJOUR EN FRANCE DES DEMANDEURS D'ASILE - DROIT AU SEJOUR JUSQU'A CE QU'IL AIT ETE STATUE SUR LA DEMANDE - Demandes ne présentant pas un caractère manifestement dilatoire - Ressortissant turc en situation irrégulière ayant formé une demande d'asile au moment de son interpellation par les forces de police (1).


Références :

Convention du 28 juillet 1951 Genève art. 31-2
Loi 52-893 du 25 juillet 1952

1.

Cf. 1992-01-27, Préfet du Haut-Rhin c/ Epoux Gul, aux tables


Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 1992, n° 130240
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:130240.19920619
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