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31/07/1992 | FRANCE | N°119114

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 31 juillet 1992, 119114


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 et 27 août 1990, le 13 septembre 1990 présentés par M. Necati X... demeurant E 2474 B21 248, Maison Centrale à Saint-Maur (36250) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation et au sursis à l'exécution de l'arrêté en date du 16 janvier 1990 par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de sortir du territoire français ; r> 2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de décider qu'...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 et 27 août 1990, le 13 septembre 1990 présentés par M. Necati X... demeurant E 2474 B21 248, Maison Centrale à Saint-Maur (36250) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation et au sursis à l'exécution de l'arrêté en date du 16 janvier 1990 par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de sortir du territoire français ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le protocole n° 7 qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Necati X...,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 30 de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par les lois n° 89-548 du 2 août 1989 et n° 90-34 du 10 janvier 1990 ne peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en vertu de l'article 23 : ... 3°) l'étranger qui justifie ... résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans" ; que toutefois, l'article 26 prévoit que "en cas d'urgence absolue et par dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 janvier 1990 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé l'expulsion de M. X... a été pris selon la procédure visée à l'article 26 de l'ordonnance précitée ; que M. X... ne peut dès lors utilement invoquer, à l'encontre de cette décision, les dispositions des articles 24 et 25-3°) de la même ordonnance ;
Considérant que M. X... soutient que la décision attaquée est intervenue en violation des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'article 1er du protocole n° 7 annexé à cette convention ; qu'en ce qui concerne l'article 5 qui prévoit, pour toute personne relevant de la juridiction des parties contractantes, des garanties relatives aux conditions d'arrestation ou de détention, le moyen est inopérant à l'égard d'un rrêté d'expulsion ; qu'il en va de même de l'article 6, relatif aux garanties qui doivent entourer les procédures judiciaires ; qu'enfin, il résulte clairement des dispositions de l'article 1er du protocole n° 7 précité, que l'exercice des droits qui sont ouverts par l'alinéa 1er de cet article à l'étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un Etat à l'encontre duquel a été diligentée une procédure d'expulsion, peut faire l'objet, aux termes du 2ème alinéa du même article, de restrictions résultant des nécessités de l'ordre public ou de la sécurité nationale ; qu'ainsi, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X... n'est pas contraire aux dispositions de ce texte ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., après avoir été une première fois convaincu de vol avec effraction et condamné à ce titre à une peine d'emprisonnement de 10 mois, s'est livré à l'occasion d'une permission de sortie, à de multiples vols avec arme apparente dans des établissements bancaires, infractions pour lesquelles il a été condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle ; qu'il devait, à la date de la décision attaquée, être libéré dans un avenir proche ; que dans ces circonstances, le ministre de l'intérieur a pu estimer, sans méconnaître les dispositions de l'article 26 précité, que l'expulsion de l'intéressé constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et présentait un caractère d'urgence absolue ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'ait pas examiné l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. X..., pour prendre l'arrêté d'expulsion attaqué, qui n'a pas le caractère d'une sanction, mais d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait illégal en tant qu'il sanctionnerait une infraction pour lequel l'intéressé a déjà été condamné à une peine d'emprisonnement ;
Considérant que l'arrêté attaqué a exclusivement enjoint à M. X... de quitter le territoire français ; que l'absence de liens de l'intéressé avec son pays d'origine, la Turquie, est sans influence sur la légalité de cette décision dont l'auteur n'avait pas à préciser le pays dans lequel l'intéressé devait se rendre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté ministériel du 16 janvier 1990 ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 119114
Date de la décision : 31/07/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

335-02-07 ETRANGERS - EXPULSION - URGENCE ABSOLUE (ARTICLE 26 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 DANS SES REDACTIONS POSTERIEURES A LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981) -Conditions légales - Article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989 - Urgence absolue et nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique - Conditions remplies - Etranger condamné à dix ans de réclusion criminelle pour vols à main armée, compte tenu de la proximité de sa libération.

335-02-07 Aux termes du 30 de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par les lois n° 89-548 du 2 août 1989 et n° 90-34 du 10 janvier 1990 ne peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en vertu de l'article 23 : ...3°) l'étranger qui justifie ... résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans" ; toutefois, l'article 26 prévoit que "en cas d'urgence absolue et par dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique". Le requérant, après avoir été une première fois convaincu de vol avec effraction et condamné à ce titre à une peine d'emprisonnement de 10 mois, s'est livré à l'occasion d'une permission de sortie, à de multiples vols avec arme apparente dans des établissements bancaires, infractions pour lesquelles il a été condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle. Il devait, à la date de la décision attaquée, être libéré dans un avenir proche. Dans ces circonstances, le ministre de l'intérieur a pu estimer, sans méconnaître les dispositions de l'article 26, que l'expulsion de l'intéressé constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et présentait un caractère d'urgence absolue.


Références :

Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 5, art. 6, Annexe protocole n° 7 art. 1
Loi 89-548 du 02 août 1989
Loi 90-34 du 10 janvier 1990
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 25, art. 23, art. 26, art. 24


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 1992, n° 119114
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Ménéménis
Rapporteur public ?: M. Lasvignes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:119114.19920731
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