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26/10/1992 | FRANCE | N°110988

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 26 octobre 1992, 110988


Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 1989 enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le même jour, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ordonnance, la demande présentée à ce tribunal pour la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES, dont le siège est ... (9ème) ;
Vu la demande enregistrée le 20 septembre 1989 au greffe du tribuna

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Vu l'ordonnance en date du 17 octobre 1989 enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le même jour, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ordonnance, la demande présentée à ce tribunal pour la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES, dont le siège est ... (9ème) ;
Vu la demande enregistrée le 20 septembre 1989 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée pour la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES ; elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 28 décembre 1988 par laquelle le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale a autorisé la mise sur le marché de la spécialité dénommée Mifégyne 200 mg, ainsi que de la décision du même ministre rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mlle Laigneau, Auditeur,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES et de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la SNC "Laboratoires Roussel Uclaf",
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne la production du dossier d'autorisation de mise sur le marché présenté par les laboratoires Roussel ainsi que des procès-verbaux de la commission prévue à l'article R. 1140 du code de la santé publique :
Considérant qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement l'opportunité d'ordonner la production par l'administration de tous les documents susceptibles d'établir sa conviction, lorsque le requérant fait état de présomptions suffisamment sérieuses ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la production du dossier d'autorisation de mise sur le marché présenté par les laboratoires Roussel ainsi que des procès-verbaux de la commission prévue à l'article R. 1140 du code de la santé publique ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel du 28 décembre 1988 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté contre cet arrêté par l'association requérante :
Sur le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision attaquée :
Considérant que dans son article 1er, la loi du 11 juillet 1979 n'exige la motivation que des seules décisions administratives individuelles défavorales qu'elle énumère ; que l'appréciation du caractère défavorable d'une décision doit se faire en fonction des seules personnes physiques ou morales qui sont directement concernées par elle ; que s'agissant d'une demande d'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité pharmaceutique, cette qualité n'appartient qu'à la société ou aux sociétés auteurs de la demande ; que, dès lors, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision du 28 décembre 1988 qui accorde à la société Roussel-Uclaf l'autorisation sollicitée devait être motivée par application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur le moyen tiré de ce que le ministre aurait fait une inexacte appréciation du danger que présente le produit :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des conditions mises à l'utilisation de la Mifégyne et notamment des dispositions de l'annexe jointe à la décision attaquée, qui prévoient d'une part qu'une consultation de contrôle doit avoir lieu impérativement dans un délai de 8 à 10 jours suivant la prise de Mifégyne afin de vérifier l'efficacité de ladite prise et d'autre part qu'en cas d'échec, il sera toujours proposé à la patiente de pratiquer une interruption de la grossesse par une autre méthode, que l'appréciation portée par le ministre sur l'absence de danger que présenterait la mise sur le marché du produit dont il s'agit n'est pas entachée d'erreur manifeste ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 645 du code de la santé publique :
Considérant que l'article R. 1140 du code de la santé publique dispose qu'"il est interdit à toute personne d'exposer, d'offrir, de faire offrir, de vendre, de mettre en vente ... les remèdes et substances ... susceptibles de provoquer ou de favoriser l'avortement, dont la liste est établie par un règlement d'administration publique" ; qu'en vertu de l'article R. 5242 du code, pris en application de l'article susmentionné, lesdites dispositions s'appliquent aux médicaments qui sont de nature à provoquer ou favoriser l'avortement et qui consistent dans des préparations pharmaceutiques, préparées sur prescription médicale simples ou composées à base de substances énumérées par cet article ; que cette énumération ne vise que les préparations officinales et non les médicaments fabriqués par les laboratoires pharmaceutiques ; que ces derniers font l'objet d'une réglementation spécifique, définie aux articles L. 601 et suivants du code de la santé publique et consistant dans la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché par le ministre de la santé ; que cette réglementation est applicable à toutes les spécialités pharmaceutiques ; que la Mifégyne qui se trouve par ailleurs, du fait de ses propriétés abortives, soumise aux conditions d'emploi définies par les articles L. 162-1 et suivants du code de la santé publique, constitue une spécialité pharmaceutique et doit comme telle être soumise uniquement à la réglementation applicable à ces spécialités ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 645 du code de la santé publique ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de la violation de la loi 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse :

Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que son emploi est dès lors soumis de plein droit aux règles posées en la matière par les articles L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique, issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que la décision attaquée n'édicte aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption de grossesse ; qu'il en est ainsi, en particulier, des dispositions de l'annexe jointe à la décision, qui prévoient, conformément aux prescriptions des articles L. 162-3 et L. 162-5 du code, que le médecin doit informer la patiente des risques qu'elle encourt et que celle-ci doit confirmer par écrit sa demande d'interruption de grossesse ; que si l'annexe dispose en outre qu'en cas d'échec de la Mifégyne, eu égard aux risques de malformation auxquels est exposé le foetus, le médecin doit proposer à l'intéressée de recourir à une autre méthode d'interruption de grossesse, elle ne subordonne pas l'administration de la Mifégyne à un engagement écrit de la patiente de se soumettre à une interruption de grossesse au moyen d'une méthode chirurgicale, si le traitement ne remplissait pas son objet ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 28 décembre 1988 par laquelle le ministre de la santé a accordé à la société Roussel-Uclaf l'autorisation de mettre sur le marché le produit abortif dénommé Mifégyne et, par voie de conséquence, de la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté le recours gracieux formé par la confédération requérante à l'encontre de ladite autorisation ;
Article 1er : La requête de la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES, à la société Roussel-Uclaf, à la société de Laboratoires Roussel et au ministre de la santé et de l'action humanitaire.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 110988
Date de la décision : 26/10/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L'ENFANCE - PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE - INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE.

SANTE PUBLIQUE - PHARMACIE - PRODUITS PHARMACEUTIQUES - AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHE.


Références :

Arrêté du 28 décembre 1988 Santé décision attaquée confirmation
Code de la santé publique R1140, L645, R5242, L601, L162-1, L162-1 à L162-14, L162-3, L162-5
Loi 75-17 du 17 janvier 1975
Loi 79-1204 du 31 décembre 1979
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 1992, n° 110988
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Laigneau
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:110988.19921026
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