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18/12/1992 | FRANCE | N°81659

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 18 décembre 1992, 81659


Vu, 1°) sous le n° 81 659, la requête enregistrée le 1er septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS dont le siège social est ... représentée par sa gérante en exercice ; la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 19 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 1

977 au 31 juillet 1981 ainsi que des cotisations supplémentaires à l...

Vu, 1°) sous le n° 81 659, la requête enregistrée le 1er septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS dont le siège social est ... représentée par sa gérante en exercice ; la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 19 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1981 ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été asujettie au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 dans les rôles de la commune de Mézin (Lot-et-Garonne) ;
2°) prononce la décharge de ces impositions ;
3°) à titre subsidiaire ordonne une expertise ;
Vu, 2°) sous le n° 84 596, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 janvier 1987 présentée par la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS ; la société demande que le Conseil d'Etat ordonne que jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi n° 81 659, il soit sursis à l'exécution de l'avis de mise en recouvrement et des articles de rôle des impositions contestées ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS sont dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 19 juin 1986 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 84 596 :
Considérant que la pièce enregistrée sous le n° 84 596 constitue en réalité la demande présentée par la société à la suite de sa requête enregistrée sous le n° 81 659 et tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne le sursis à l'exécution de l'avis de mise en recouvrement et des articles de rôle contestés ; que les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées dans cette requête ont été rejetées par ordonnance du 10 décembre 1987 du président de la 8ème sous-section de la section du Contentieux ; que le document enregistré sous le n° 84 596 doit être rayé des registres du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et joint au dossier de la requête enregistrée sous le n° 81 659 ;
En ce qui concerne la requête n° 81 659 :
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en ate du 14 décembre 1987, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Bordeaux a prononcé la décharge de l'impôt sur le revenu auquel la société avait été assujettie au titre des années 1978 et 1979 ; que les conclusions de la requête de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS sont dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif a écarté la méthode que la société requérante lui a soumise au motif que la reconstitution des recettes et l'évaluation des stocks auxquelles la société avait procédé reposaient sur des documents comptables dont l'irrégularité n'était pas contestée ; qu'il s'est ainsi prononcé dans des termes qui impliquent qu'il tenait pour inutile la demande d'expertise fondée sur ces documents ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société, le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à se prévaloir de la circonstance que la perquisition effectuée dans ses locaux en novembre 1981 sur le fondement de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 serait intervenue sur dénonciation de son comptable licencié en octobre 1981 et contre lequel elle avait porté plainte et qu'elle a été immédiatement suivie d'une vérification de sa comptabilité, la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS n'établit pas que cette perquisition, qui a révélé l'existence de ventes sans facture effectuées en infraction à la législation économique et donné lieu à des poursuites pénales, aurait été opérée à des fins exclusivement fiscales ; que l'administration a eu régulièrement connaissance des documents saisis lors de la perquisition en vertu du droit de communication qu'elle tient de l'article 1987 du code général des impôts applicable en l'espèce et n'a pas fondé les redressements contestés, contrairement à ce que soutient la société, sur la base de moyens de preuve obtenus de manière illicite ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société a été soumise à l'impôt sur les sociétés suivant la procédure de taxation d'office ; que le complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour les périodes du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1980 et du 1er août 1980 au 31 juillet 1981 a été établi suivant respectivement la procédure de rectification d'office et la procédure contradictoire ;
Considérant, d'une part, que la société requérante a déposé tardivement les déclarations de ses résultats pour chacun des exercices clos le 31 juillet des années 1978, 1979, 1980 et 1981 ; qu'elle a ainsi à bon droit été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre de ces années ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que pour la période du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1978, la société a procédé à des ventes sans facture et que pour la période du 1er août 1978 au 31 juillet 1980, la comptabilité qu'elle a présentée ne comportait pas de balances clients et fournisseurs, de journaux centralisateurs et de brouillards de caisse ; que, dès lors et quelles que soient les responsabilités, à les supposer établies, du comptable chargé de la tenue des comptes de la société, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la comptabilité n'était pas probante et a recouru à la procédure de rectification d'office pour la détermination du chiffre d'affaires réalisé pour la période du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1980 ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 57 du livre des procédures fiscales : "La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'expression du désaccord du contribuable sur les redressements qui lui sont notifiés doit être formulée par écrit dans le délai précité ;

Considérant que les observations écrites de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS en date du 15 mars 1982 ont été adressées à l'administration postérieurement au délai de trente jours courant à compter de la réception le 9 février 1982 de la notification de redressements ; que, même si la réponse écrite de la société fait référence à un entretien en date du 3 mars 1982 entre son conseil fiscal et le vérificateur, cet entretien ne peut être regardé comme la présentation régulière d'observations au sens des dispositions précitées ; que la société doit, dès lors,être regardée comme ayant accepté tacitement les redressements ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de réponse à ses observations et la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne lui ayant pas été offerte, la procédure suivie par l'administration pour la détermination du chiffre d'affaires réalisé pendant la période du 1er août 1980 au 31 juillet 1981 serait irrégulière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société doit apporter la preuve de l'exagération des bases de l'ensemble des impositions qu'elle conteste ;
Sur le montant du chiffre d'affaires et du bénéfice imposables :
Considérant, en premier lieu, que le vérificateur a reconstitué les recettes des trois activités de vente de bouchons, vente de lièges décor et de revente en l'état exercées par la société ; que pour reconstituer le chiffre d'affaires résultant de la vente de bouchons, seul contesté, le vérificateur a appliqué aux achats de bouchons commercialisés un coefficient de marge brut déterminé pour chaque type de bouchons à partir du rapprochement, portant sur 2 717 prix et effectué conjointement et contradictoirement avec les représentants de la société, des factures des fournisseurs et des ventes facturées aux clients ;

Considérant que pour critiquer la méthode suivie par l'administration, la société soutient que le vérificateur a surévalué le montant des achats de bouchons commercialisés faute de tenir compte de la valeur réelle des stocks de bouchons, laquelle est supérieure à celle mentionnée dans la comptabilité ; que si elle propose de calculer la valeur des stocks à partir d'un inventaire réel effectué à la clôture de l'exercice 1982 et des factures d'achats et de ventes enregistrées en comptabilité au titre de chacun des exercices vérifiés, cette méthode se fonde sur une comptabilité qui est dépourvue de tout caractère probant, non seulement ainsi qu'il a été dit ci-dessus pour la période du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1980, mais également pour la période du 1er août 1980 au 31 juillet 1981 durant laquelle il résulte de l'instruction que la société a procédé à des ventes sans facture ;
Considérant que si pour contester le coefficient de marge brut établi par le vérificateur, la société prétend que l'échantillon retenu est insuffisant et se prévaut de coefficents calculés exercice par exercice à partir du dépouillement effectué unilatéralement par elle de l'intégralité des opérations d'achats et de ventes mentionnées dans sa comptabilité, elle n'établit pas, en raison des lacunes de cette comptabilité, que le coefficient finalement retenu par le service serait excessif ;
Considérant, ainsi, que la société, qui ne peut utilement demander qu'une expertise soit ordonnée dès lors que celle-ci porterait sur des documents dépourvus de valeur probante, n'apporte pas, par la méthode qu'elle propose et qui aboutit d'ailleurs pour deux exercices à des ventes inférieures à celles déclarées, la preuve de l'exagération de la reconstitution des recettes tirées des ventes de bouchons ;

Considérant, en second lieu, que si la société soutient que les sommes de 40 100 F en 1978, 74 407 F en 1979 et 4 031 F en 1980 inscrites au compte courant de sa gérante ont été à tort rattachées à ses résultats, elle ne justifie pas que ces écritures, qui auraient été passées à son insu par son comptable, avaient un caractère fictif ;
Sur les pénalités :
S'agissant de la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent" et qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 décembre 1986, portant loi de finances pour 1987 repris à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : "1° Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979... quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait a porté la motivation à la connaissance du contribuable ; 2° Les décisions notifiées antérieurement à la publication de la présente loi dans les conditions prévues au paragraphe I sont réputées régulièrement motivées" ;
Considérant que la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts est au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées ; qu'il résulte de l'instruction que ni la notification de redressements du 5 février 1982 mentionnant seulement les dispositions de l'article 117 du code général des impôts et les conséquences d'un refus de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués ni les lettres rédigées dans les mêmes termes et adressées par l'administration les 9 février, 16 et 29 mars 1982 ne comportaient une motivation de cette pénalité au sens de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge de la pénalité fiscale qui lui a été infligée au titre des années 1980 et 1981 ;
S'agissant des majorations pour mauvaise foi :
Considérant qu'il appartient à l'administration d'établir que les droits contestés doivent être assortis des majorations pour mauvaise foi prévues par les articles 1729 et 1731 du code général des impôts ; que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation chargé du budget n'invoque aucun élément de nature à justifier l'application de ces majorations ; que, dès lors, il y a lieu de substituer à ces majorations, dans la limite de leur montant, les indemnités de retard prévues à l'article 1727 du même code en ce qui concerne les compléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société, soit 190.306 F, et les intérêts de retard prévus par l'article 1728 en ce qui concerne les compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des quatre années vérifiées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS est partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande ;
Article 1er : Les producteurs enregistrées sous le n° 84-596 seront rayées du registre du secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat pour être jointes au dossier de la requête n° 81-659.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 81-659 de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1978 à 1979.
Article 3 : La S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS est déchargée de la pénalité fiscale prévue par l'article 1763 A du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 1980 et 1981.
Article 4 : Les intérêts de retard sont subtitués, dans la limite du montant desdites pénalités, aux pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS et afférentes au supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de 1978, 1979, 1980 et 1981.
Article 5 : Les indemnités de retard sont substituées, dans la limite du montant desdites pénalités, aux pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS et afférentes dans la limite de 190.306 F, au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er octobre 1977 au 31 juillet 1981.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 19 juin 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A.R.L. MANUFACTURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. MANUFACURE MEZINAISE DE LIEGES ET BOUCHONS et au ministre du budget.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Références :

CGI 1987, 1763 A, 117, 1729, 1731, 1727, 1728
CGI Livre des procédures fiscales R57, L80 D
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 42 Finances pour 1987
Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945


Publications
Proposition de citation: CE, 18 déc. 1992, n° 81659
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Bachelier
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Formation : 8 ss
Date de la décision : 18/12/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 81659
Numéro NOR : CETATEXT000007632005 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1992-12-18;81659 ?
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