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18/12/1992 | FRANCE | N°90234

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 18 décembre 1992, 90234


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 10 août 1987 et 11 août 1987, présentés par Mme Claire X..., demeurant 262, cours du Maréchal Galliéni à Talence (33400) ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 26 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979 et 1980 ;
2°)

lui accorde la décharge de l'imposition restant en litige ;
Vu les autres piè...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 10 août 1987 et 11 août 1987, présentés par Mme Claire X..., demeurant 262, cours du Maréchal Galliéni à Talence (33400) ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 26 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979 et 1980 ;
2°) lui accorde la décharge de l'imposition restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X... demande la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie à la suite d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, au titre des années 1978, 1979 et 1980, et qui procèdent de la réintégration dans ses revenus imposables, d'une part, selon la procédure contradictoire, de revenus regardés comme distribués par la société à responsabilité limitée "Manufacture mézinaise de lièges et bouchons" dont elle est gérante et de sommes non justifiées portées au crédit du compte courant qu'elle détient dans cette société et, d'autre part, selon la procédure de taxation d'office, des sommes dont l'origine est restée inexpliquée ; que par la voie du recours incident, le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget demande le rétablissement de l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1979 dont le tribunal administratif a accordé la réduction à Mme X... ;
Sur les revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la demande faite par un vérificateur à un contribuable qui fait l'objet d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble de lui communiquer les relevés de ses comptes bancaires aurait un caractère contraignant ; que dès lors le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a réduit d'une somme de 270 000 F la base imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 1979 de Mme X... au motif que le vérificateur n'aurait pas informé la contribuable du caractère non contraignant de la demande de communication des relevés de son compte bancaire ouvert au Crédit agricole ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales dans leur rédction alors applicable que lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, l'administration peut lui demander des justifications et le taxer d'office à l'impôt sur le revenu s'il s'est abstenu de répondre à cette demande ou s'il ne produit pas de justifications suffisantes dans un délai qui ne peut être inférieur au délai de trente jours prévu à l'article L. 11 du même livre ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'elle prétend, Mme X... n'a demandé, ni dans sa lettre du 7 septembre 1982 ni dans sa réponse du 18 septembre suivant à la demande de justifications adressée par le vérificateur le 17 août 1982, la prolongation du délai de trente jours qui lui avait été imparti par l'administration ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière au motif que l'administration a maintenu l'obligation faite au contribuable de répondre dans ce délai ; que toutefois, si la requérante n'a apporté dans ledit délai aucune justification de certaines opérations d'encaissement enregistrées au cours des années en cause sur ses comptes bancaires, et si sa réponse pouvait être regardée comme équivalant dans cette mesure à un défaut de réponse, il résulte de l'instruction que la réponse précitée contenait des indications vérifiables sur l'origine et la provenance de diverses sommes portées au crédit de ses comptes d'un montant de 17 760 F, 9 926,61 F et 645 F en 1978, de 970,13 F, 88 200 F, 4 563 F, 4 563 F, 17 508,83 F, 424,28 F, 1 447,69 F, en 1979 ainsi qu'au titre de la même année de la somme de 270 000 F portée au crédit de son compte ouvert au Crédit agricole et enfin de 78 918,70 F, 5 176,64 F, 2 541,19 F, 3 180,68 F, 2 137,69 F, 4 048,10 F, 1 054 F, 261,60 F, 300 F, 144 F, 1 332 F, 17 352,14 F, 2 412,80 F, 4 555,43 F et 8 000 F en 1980 ; qu'en possession de ces éléments et eu égard à la disproportion entre le délai imparti, fixé au minimum prévu par la loi, et le nombre des questions posées, l'administration ne pouvait, en dépit de l'insuffisante précision de certaines des réponses afférentes à ces sommes, regarder la requérante, sans lui adresser, au préalable, une demande complémentaire d'explications ou de justifications, comme s'étant abstenue de répondre sur ces points ; que dès lors Mme X... est fondée à soutenir que, dans cette mesure, la procédure de taxation d'office est irrégulière ;

Considérant, d'autre part, que les intérêts portés sur trois livrets A de Caisse d'épargne ouverte à Condom, Bordeaux et Agen qui n'ont pas été déclarés ne pouvaient être regardés comme des revenus d'origine indéterminée et, par suite, taxés d'office ; que la procédure suivie par l'administration est ainsi irrégulière en tant qu'elle concerne ces intérêts d'un montant de 6 516 F en 1978, 6 965 F en 1979 et 8 360 F en 1980 ;
Considérant, en troisième lieu, que Mme X... n'établit pas que les revenus distribués par la société à responsabilité limitée "Manufacture mézinaise de lièges et bouchons" qu'elle a reconnu avoir perçus en espèces en 1978, 1979 et 1980 et sur lesquels elle a été imposée aient été portés au crédit de ses comptes bancaires ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander que ces revenus soient déduits des apports auxdits comptes dont l'origine est restée indéterminée ; qu'elle n'apporte pas non plus la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions restant à sa charge en se bornant à se prévaloir, sans les assortir de justifications probantes, de remboursements de prêts faits à des amis ou d'achats effectués pour le compte de plusieurs personnes ;
Sur les impositions établies suivant la procédure contradictoire :
Considérant, d'une part, que si les redressements ont été établis à partir des constatations faites par le vérificateur à l'issue de la vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée "Manufacture mézinaise de lièges et bouchons", les irrégularités qui entacheraient la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société pour l'assiette des impositions dues par celle-ci sont sans influence sur la régularité de la procédure concernant la requérante ;

Considérant, d'autre part, que si Mme X... soutient que les sommes portées au crédit de son compte courant dans la société correspondent à des écritures fictives effectuées à son insu par le comptable de cette société, elle n'établit pas que ces sommes n'ont pas été effectivement mises à sa disposition ;
Sur les pénalités :
Considérant que les pénalités pour mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts sont au nombre des sanctions qui doivent être motivées en vertu de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; qu'il résulte de l'instruction que la lettre de l'administration en date du 22 février 1983 se borne à se référer à la notification de redressements du 9 décembre 1982, laquelle n'exprime pas les considérations de droit et de fait justifiant l'application de ces majorations ; qu'ainsi Mme X... est fondée à soutenir que les pénalités pour mauvaise foi ne sont pas motivées et ont été établies irrégulièrement ; qu'il y a lieu, dès lors, d'y substituer dans la limite de leur montant, les intérêts de retard prévus aux articles 1727 et 1734 du code général des impôts ; que la requérante est fondée à se prévaloir en vertu de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales de l'interprétation formelle de la loi fiscale contenue dans une instruction administrative du 2 juillet 1969 et à demander que les intérêts de retard soient plafonnés à 25 % du montant des droits en principal auxquels ils se rapportent ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à demander que la base de l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre des années 1978, 1979 et 1980 soit réduite respectivement d'une somme de 34 847,61 F, 124 641,93 F et 139 774,97 F et que les pénalités dont sont assortis les droits restant à sa charge soient calculées selon les modalités fixées par la présente décision et que le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Bordeaux a réduit d'une somme de 270 000 F la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de l'année 1979 ;
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assignée à Mme X... au titre des années 1978, 1979 et 1980 est réduite respectivement d'une somme de 34 847,61 F, 124 641,93 F et 139 774,87F .
Article 2 : Mme X... est déchargée des droits et pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition.
Article 3 : Les intérêts de retard sont substitués, dans la double limite du montant desdites pénalités et de 25 % du montant desdroits en principal auxquels ces intérêts se rapportent, aux pénalités pour mauvaise foi infligées à Mme X... et afférentes auxcotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre de 1978, 1979 et 1980.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux endate du 26 mai 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... et le recours incident du ministre délégué auprès du ministred'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Claire X... et au ministre du budget.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 90234
Date de la décision : 18/12/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Références :

CGI 1729, 1727, 1734
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L80 A, L11
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 1992, n° 90234
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Bachelier
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:90234.19921218
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