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08/01/1993 | FRANCE | N°132413

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 08 janvier 1993, 132413


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 décembre 1991 et 24 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU", dont le siège social est ..., représentée par son liquidateur M. Raoul X... ; la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à titre principal à l'annulation de la délibération du

9 octobre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Egat a approuvé le pl...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 décembre 1991 et 24 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU", dont le siège social est ..., représentée par son liquidateur M. Raoul X... ; la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à titre principal à l'annulation de la délibération du 9 octobre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Egat a approuvé le plan d'occupation des sols, en tant que cette délibération porte classement en zones inconstructibles des terrains lui appartenant, et à la condamnation de la commune d'Egat à lui verser la somme de 1 850 000 F, et à titre subsidiaire à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 14 850 000 F ;
2°) à titre principal, annule pour excès de pouvoir cette délibération en tant qu'elle porte classement des terrains lui appartenant et condamne la commune d'Egat à lui verser la somme de 2 600 000 F, à actualiser à la date de la décision du Conseil d'Etat, ainsi que les intérêts, à titre subsidiaire, condamne la commune à lui verser la même somme ainsi que la somme de 13 500 000 F, soit 16 100 000 F au total, à actualiser à la date de la décision du Conseil d'Etat, ainsi que les intérêts, et à titre plus subsidiaire encore, condamne la commune à lui verser une somme de 16 650 000 F à 34 650 000 F, à actualiser à la date de la décision du Conseil d'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Roul, Maître des requêtes,
- les observations de Me Pradon, avocat de la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU",
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de la minute du jugement attaqué que ledit jugement analyse les conclusions des parties ainsi que les mémoires échangés par elles ; qu'il satisfait ainsi aux règles posées par l'article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" avait présenté en première instance des conclusions tendant à ce que des terrains dont elle est propriétaire à Egat soient classés en zone constructible par le plan d'occupation des sols de cette commune ; que, dès lors, en rejetant cette demande, le tribunal administratif n'a pas statué sur des concluions dont il n'aurait pas été saisi ;
Sur la légalité de la délibération approuvant le plan d'occupation des sols de la commune d'Egat :
Considérant que la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" n'apporte aucune précision à l'appui du moyen selon lequel le classement en zone inconstructible de terrains non bâtis dont elle est propriétaire, qui résulte du plan d'occupation des sols d'Egat approuvé le 9 octobre 1986, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de dispositions d'un plan d'occupation des sols, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle serait titulaire de droits acquis à la délivrance d'un permis de construire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, qui pouvait se fonder sur le caractère inopérant du moyen tiré de la méconnaissance de droits acquis sans y avoir été invité par le défendeur, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 9 octobre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Egat a approuvé le plan d'occupation des sols, en tant que cette délibération porte classement en zone inconstructible de terrains lui appartenant ;
Sur les conclusions subsidiaires tendant à la mise en jeu de la responsabilité de la commune d'Egat sur le fondement de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme : "N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées en application du présent code ... et concernant notamment ... l'interdiction de construire dans certaines zones ... Toutefois une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain" ;
Considérant, en premier lieu, que le classement en zone inconstructible, par le plan d'occupation des sols approuvé le 9 octobre 1986, de terrains appartenant à la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU", n'a entraîné aucune modification de l'état antérieur des lieux ;

Considérant, en second lieu, d'une part que ni la délibération du 9 juin 1965 par laquelle le conseil municipal d'Egat a autorisé le maire à signer la convention conclue le 8 octobre 1965 entre la commune et la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU", ni les stipulations de cette convention, n'ont eu pour objet ou pour effet de créer au profit de cette société un droit acquis à la délivrance d'un permis de construire, et d'autre part, que ladite société n'était titulaire d'aucun permis de construire en cours de validité à la date d'entrée en vigueur des dispositions du plan d'occupation des sols ; que le classement des terrains en zone inconstructible n'a dès lors pas porté atteinte à des droits acquis par la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que, en cas de rejet des conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre la délibération approuvant le plan d'occupation des sols, la commune d'Egat soit condamnée à lui verser une indemnité, chiffrée en appel à 13 500 000 F, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme ;
Sur le surplus des conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Egat :
Considérant que la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" demande que la commune d'Egat soit condamnée à lui verser, d'une part, une indemnité de 2 600 000 F en raison d'agissements fautifs qu'elle lui impute et qui auraient empéché la réalisation d'une promesse de vente conclue le 24 juin 1980 entre la société requérante et la société S.O.N.A.M., et d'autre part, une indemnité de 16 650 000 F à 34 650 000 F en raison de l'enrichissement sans cause dont aurait bénéficié la commune qui aurait méconnu des stipulations de contrats conclus avec la société requérante les 3 et 10 juin 1930, 17 octobre 1930 et 8 octobre 1965 ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1er de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 que les cours administratives d'appel sont compétentes pour statuer sur de telles conclusions ; que ces conclusions, nonobstant la circonstance qu'elles sont présentées par la société requérante à titre subsidiaire par rapport à ses conclusions principales d'excès de pouvoir qui relèvent de la compétence d'appel du Conseil d'Etat, ne présentent pas, avec ces conclusions principales, un lien suffisant qui permettrait de les regarder comme connexes à celles-ci au sens des dispositions de l'article 2 bis du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ; qu'il y a lieu, par suite, d'attribuer le jugement de ces conclusions à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Article 1er : Les conclusions de la requête de la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" tendant, d'une part, à l'annulation partielle de la délibération du 9 octobre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Egat a approuvé le plan d'occupation des sols et à la condamnation de la commune d'Egat à lui verser une indemnité de 13 500 000 F en application de l'article L.160-5 du codede l'urbanisme, et d'autre part, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à ces conclusions, sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du surplus des conclusions de la requête de la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU" est attribué à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société "COMPAGNIE FERMIERE ET FONCIERE DE FONT-ROMEU", à la commune d'Egat, au président de la cour administrative d'appel de Bordeaux et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 132413
Date de la décision : 08/01/1993
Sens de l'arrêt : Rejet attribution de compétence à la caa de bordeaux
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE REGIE PAR DES TEXTES SPECIAUX - Servitudes instituées en application du code de l'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Absence d'indemnisation sauf si ces servitudes portent atteinte à des droits acquis ou entraînent une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct - matériel et certain - Absence en l'espèce de droit à indemnité.

60-01-05, 60-02-05 Il résulte de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme que les servitudes instituées en application de ce code, et concernant notamment l'interdiction de construire dans certaines zones, n'ouvrent droit à aucune indemnité sauf s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. En premier lieu, le classement en zone inconstructible, par le plan d'occupation des sols approuvé le 9 octobre 1986, de terrains appartenant à la société "Compagnie fermière et foncière de Font-Romeu", n'a entraîné aucune modification de l'état antérieur des lieux. En second lieu, d'une part ni la délibération du 9 juin 1965 par laquelle le conseil municipal d'Egat a autorisé le maire à signer la convention conclue le 8 octobre 1965 entre la commune et la société "Compagnie fermière et foncière de Font-Romeu", ni les stipulations de cette convention, n'ont eu pour objet ou pour effet de créer au profit de cette société un droit acquis à la délivrance d'un permis de construire , et d'autre part ladite société n'était titulaire d'aucun permis de construire en cours de validité à la date d'entrée en vigueur des dispositions du plan d'occupation des sols. Le classement des terrains en zone inconstructible n'a dès lors pas porté atteinte à des droits acquis par la société "Compagnie fermière et foncière de Font-Romeu".

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - Institution de servitudes d'urbanisme (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Atteinte à des droits acquis - Absence en l'espèce de droit à indemnité.

68-001-01 Il résulte de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme que les servitudes instituées en application de ce code, et concernant notamment l'interdiction de construire dans certaines zones, n'ouvrent droit à aucune indemnité sauf s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. En l'espèce, le classement en zone inconstructible, par le plan d'occupation des sols, de terrains appartenant au pétitionnaire, n'a entraîné aucune modification de l'état antérieur des lieux. De plus, ce pétitionnaire ne tient aucun droit acquis à la délivrance d'un permis de construire de la convention qu'il a passée avec la commune ni de la délibération du conseil municipal autorisant le maire à la signer. Enfin, n'étant titulaire d'aucun permis de construire en cours de validité à la date d'entrée en vigueur des dispositions du plan d'occupation des sols, le classement des terrains en zone inconstructible n'a dès lors pas porté atteinte à des droits qu'il aurait acquis.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - Dispositions législatives du code de l'urbanisme - Application - Servitudes instituées en application du code de l'urbanisme - Absence d'indemnisation (article L - 160-5 du code de l'urbanisme) - Conditions.


Références :

Code de l'urbanisme L160-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R200
Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2 bis
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jan. 1993, n° 132413
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: Mme Roul
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:132413.19930108
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