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10/02/1993 | FRANCE | N°84881

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 10 février 1993, 84881


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 1987, présentée pour la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES, dont le siège est ..., agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant audit siège ; la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et dépendances a)- l'a condamnée à verser diverses indemnités au port autonome de Nouméa en réparation des désordres affectant le nouveau quai en grande rade et les toitures des do

cks portuaires, b)- l'a condamnée à rembourser au port autonome de No...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 1987, présentée pour la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES, dont le siège est ..., agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant audit siège ; la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et dépendances a)- l'a condamnée à verser diverses indemnités au port autonome de Nouméa en réparation des désordres affectant le nouveau quai en grande rade et les toitures des docks portuaires, b)- l'a condamnée à rembourser au port autonome de Nouméa les frais de l'expertise relative au troisième dock et a mis à sa charge une partie des frais de l'expertise ordonnée le 2 juillet 1985 ;
2°) de rejeter la requête du port autonome ;
3°) de condamner le port autonome en tous les dépens, y compris les frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES et de la SCP Coutard, Mayer, avocat du Port Autonome de Nouméa,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que si la requête du port autonome, portée devant le conseil du contentieux administratif de la Nouvelle-Calédonie et dépendances le 2 mars 1983 concernait plusieurs ouvrages ayant fait l'objet de marchés différents, passés avec la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES, il résulte des pièces du dossier que ledit requérant n'a pas été invité par les premiers juges à régulariser son pourvoi en présentant des requêtes distinctes ; qu'en l'absence d'une telle invitation à régulariser, le conseil du contentieux administratif de la Nouvelle-Calédonie ne pouvait que déclarer recevable ladite requête ; que la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif n'a pas déclaré irrecevable la requête présentée par le port autonome ;
Sur le délai de la garantie en ce qui concerne les conclusions du port autonome relatives au dock n° 1 :
Considérant que le port autonome prétend que ledit délai devait être apprécié non pas comme l'a fait le tribunal administratif en se référant à l'article 2 du cahier des prescriptions communes mais au cahier des charges-types des marchés du territoire qui donne pour point de départ du délai de dix ans la réception définitive ; qu'aux termes de l'article 3-12 du cahier des clauses administratives générales : "En cas de contadiction ou de différence entre les pièces constitutives du marché, ces pièces prévalent dans l'ordre où elles sont énumérées ci-dessus" ; que l'ordre établi à l'article 3-11 va du plus limité, l'acte d'engagement au plus général, le cahier des clauses administratives générales ; que c'est donc à bon droit que le conseil du contentieux administratif a fait prévaloir les dispositions du cahier des prescriptions communes sur celles du cahier des clauses administratives générales et a par suite estimé que la demande avait été présentée après l'expiration du délai de la garantie décennale ;
Sur le délai de la garantie en ce qui concerne les conclusions du port autonome relatives au dock n° 2 :

Considérant que la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES soutient que le délai de garantie ayant commencé à courir dès le jour de la réception, ce jour serait compris dans le délai décennal qui serait venu à expiration dix années après, c'est-à-dire le 1er mars 1983 à minuit et que la demande du 2 mars aurait été présentée après expiration du délai de la garantie décennale ; que ce délai n'est ni un délai franc ni un délai de procédure au sens de l'article 642 du nouveau code de procédure civile ; qu'il se compte de date à date ; qu'ainsi le conseil du contentieux administratif a à juste titre estimé que les conclusions de la requête enregistrée le 2 mars 1983 en tant qu'elles concernent le deuxième dock dont la réception a été prononcée le 2 mars 1973 n'étaient pas présentées après expiration du délai de garantie ;
Au fond, sur la responsabilité :
En ce qui concerne les désordres constatés sur le troisième poste à quai :
Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES reprend aux fins de dégager sa responsabilité de constructeur, quant aux désordres constatés, la même argumentation que celle développée par elle devant les premiers juges, à savoir la surcharge du quai du fait du maître de l'ouvrage, le changement de matériau utilisé pour le remblai effectué à la demande dudit maître de l'ouvrage ; que ces allégations ne sont pas assorties en appel d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges au vu des conclusions de l'expert ;

Considérant, en second lieu, que le port autonome de Nouméa entend, par la voie de l'appel incident, s'exonérer de toute part de responsabilité, en ce qui concerne les désordres intervenus sur le troisième poste à quai, au motif qu'il n'y a pas eu de sa part surcharge du quai ou erreur de conception nonobstant le fait qu'il ait accepté le changement de matériau utilisé pour le remblai ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que le port autonome n'a pas laissé à l'entreprise le temps nécessaire pour procéder à la surcharge technique de ce remblai avant la mise en service du quai ; que les désordres constatés sont donc pour partie imputables au maître de l'ouvrage et ce, d'autant plus que le port autonome devait disposer de services techniques à même de discuter les plans et procédés de construction et de surveiller le déroulement des travaux ; que dès lors les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné le constructeur à réparer ce chef de préjudice à hauteur de 40 % et a laissé 60 % de la responsabilité à la charge du maître de l'ouvrage ; En ce qui concerne les désordres constatés sur les docks :
Considérant, en premier lieu, que le constructeur, afin de démontrer l'entière responsabilité du maître de l'ouvrage en ce qui concerne les désordres constatés sur les docks, ne fait que reprendre des arguments déjà développés devant les premiers juges, à savoir qu'il a respecté les spécifications techniques imposées par le maître de l'ouvrage et que les désordres consistant en une corrosion sous l'effet d'agents extérieurs seraient étrangers au fait du constructeur ; que toutefois, l'entrepreneur se devait d'alerter le maître d'ouvrage sur les conséquences éventuelles d'une conception défectueuse et que sa responsabilité ne pouvait être ainsi totalement exonérée comme le soulignait à juste titre, d'ailleurs, le rapport d'expertise ;

Considérant, en second lieu, que le port autonome de Nouméa qui, d'une part, a imposé des spécifications techniques relativement à la construction des docks, d'autre part, n'a pas assuré une surveillance suffisante des travaux, enfin, n'a pas entretenu les couvertures soumises à une corrosion importante, ne pouvait ignorer l'apparition et l'aggravation des désordres eu égard, notamment, aux conditions atmosphériques locales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES et le port autonome de Nouméa ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseil du contentieux administratif de Nouvelle-Calédonie et dépendances a partagé la charge de la réparation de ce chef de préjudice à raison des deux tiers pour le constructeur et un tiers pour le maître de l'ouvrage ;
Sur le préjudice :
Considérant que le recours à de meilleurs matériaux a bien apporté une plus-value aux constructions dont les premiers juges ont fait une exacte appréciation en la fixant à 15 % ;
Considérant qu'en ce qui concerne la demande d'un abattement de vétusté la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ne l'ont pas retenu ;
Sur les intérêts :
Considérant que le port autonome de Nouméa a demandé le 1er juillet 1987 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le conseil du contentieux administratif de Nouméa lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté il n'était pas dû une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de procéder à une modification de la répartition des frais d'expertise établie par les premiers juges ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES ainsi que le recours incident du port autonome de Nouméa sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SPIE-BATIGNOLLES, au port autonome de Nouméa, à la société Dolléans (M. X..., syndic de liquidation), à Monsieur le délégué du Gouvernement pour information et au ministre du budget.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 84881
Date de la décision : 10/02/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DELAI DE MISE EN JEU - POINT DE DEPART DU DELAI.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS SUSCEPTIBLES D'ATTENUER LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PARTAGE DES RESPONSABILITES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - PLUS-VALUES APPORTEES AUX OUVRAGES PAR LA REPARATION DES DESORDRES.


Références :

Code civil 1154
Nouveau code de procédure civile 642


Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 1993, n° 84881
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Desrameaux
Rapporteur public ?: de Froment

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:84881.19930210
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