La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/1993 | FRANCE | N°89640

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 10 février 1993, 89640


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 21 juillet et 20 novembre 1987, présentés pour la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la décision des ministres de l'intérieur et de l'économie et des finances du 29 janvier 1985 refusant de reconna

tre l'état de catastrophe naturelle dans la commune de Boe (Lot-et-Ga...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 21 juillet et 20 novembre 1987, présentés pour la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE, dont le siège est ..., représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la décision des ministres de l'intérieur et de l'économie et des finances du 29 janvier 1985 refusant de reconnaître l'état de catastrophe naturelle dans la commune de Boe (Lot-et-Garonne) pendant le mois de janvier 1985 et contre la décision du 18 avril 1985 du préfet du Lot-et-Garonne rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Laroque, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence du tribunal administratif :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :
Considérant, d'une part, que par une décision du 29 janvier 1985, le ministre de l'intérieur a refusé de constater l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés aux industries par le gel pendant la période courant du 7 au 21 janvier 1985 ; que le recours gracieux formé contre cette décision le 5 février 1985 par la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE, qui conservait le délai de recours contentieux à son profit, a été rejeté par une décision du 18 avril 1985, notifiée le 22 avril 1985 ; que le recours pour excès de pouvoir de ladite société contre les deux décisions a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 3 juin 1985, avant l'expiration du délai fixé par l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 ; que c'est à tort que le tribunal administratif a opposé une tardiveté à ladite requête ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des contrats d'assurances souscrits par la requérante, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'interpréter, que si l'état de catastrophe naturelle était constaté pour les dommages causés aux industries par le gel qui s'est produit au cours du mois de janvier 1985, la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE ne pourrait prétendre à une quelconque indemnisation par ses assureurs pour les dommages et pertes d'exploitation qu'elle a subis dans le fonctionnement de son usine de producton de furfurol et d'alcool furfurylique ; qu'elle justifie dès lors d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision par laquelle les ministres compétents ont refusé de prendre l'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle prévu par l'article 1er de la loi du 13 juillet 1982 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE dirigée contre les décisions attaquées n'est entachée d'aucune irrecevabilité ;
Considérant que la demande de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE a le caractère d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision ministérielle refusant de prendre une décision réglementaire ; que par application de l'article 2-4° du décret du 30 septembre 1953 une telle demande relève de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ; que le tribunal administratif de Bordeaux n'était pas compétent pour rejeter cette demande, qui n'était entachée d'aucune irrecevabilité manifeste ; que dès lors il y a lieu d'annuler le jugement du 21 mai 1987 et de statuer directement sur la demande de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles : "Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l'objet de tels contrats. En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant. Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens de la présente loi, les dommages matériels directs, ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel" ; qu'il résulte de ces dispositions et sous réserve des exclusions prévues à l'article 7 de la même loi que les dommages susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de l'indemnisation sont ceux qui résultent de l'intensité anormale de tout agent naturel, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les risques provoqués par cet agent sont ou non assurables ; qu'aucune disposition de la loi n'exclut le gel de la catégorie de ces agents naturels ; qu'ainsi le ministre de l'intérieur, en se fondant pour refuser de constater l'état de catastrophe naturelle dans le département du Lot-et-Garonne pour la période du 7 au 21 janvier 1985 et rejeter le recours gracieux de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE sur la seule circonstance que le gel était un risque assurable, a méconnu les dispositions susrappelées de la loi du 13 juillet 1982 ; que dès lors ses décisions doivent être annulées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 mai 1987 est annulé.
Article 2 : Les décisions du ministre de l'intérieur en date des29 janvier 1985 et 18 avril 1985 refusant de constater l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par le gel aux installations industrielles et les pertes d'exploitation subies par les exploitants et rejetant le recours gracieux de la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE sont annulées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME AGRIFURANE, au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 89640
Date de la décision : 10/02/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

12 ASSURANCE ET PREVOYANCE.

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - ACTES REGLEMENTAIRES DES MINISTRES.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET.


Références :

Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2
Décret 65-29 du 11 janvier 1965 art. 1
Loi 82-600 du 13 juillet 1982 art. 1, art. 7


Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 1993, n° 89640
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laroque
Rapporteur public ?: de Froment

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:89640.19930210
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award