La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/1993 | FRANCE | N°121930

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 01 mars 1993, 121930


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 1990 et 25 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES, dont le siège est ... ; la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a r

ejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 28 av...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 1990 et 25 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES, dont le siège est ... ; la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 28 avril 1988 par laquelle l'inspecteur du travail d'Evry avait refusé de l'autoriser à licencier M. X... salarié protégé ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail du 28 avril 1988 et la décision ministérielle implicite de rejet de son recours hiérarchique contre ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°88-828 du 20 juillet 1988 et notamment ses articles 14 et 15 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES,
- les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que pour rejeter la demande de la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES, les premiers juges ont estimé que l'inspecteur du travail, puis, sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle avaient pu légalement, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, refuser le licenciement demandé, en invoquant un motif d'intérêt général tiré de la nécessité du maintien de l'institution des délégués du personnel dans une petite entreprise ;

Considérant qu'au sein de la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES, les délégués du personnel, dont M. X... faisait partie en qualité de délégué titulaire, étaient au nombre de quatre (deux délégués titulaires et deux délégués suppléants), lors du dépôt de la demande d'autorisation de licenciement visant l'intéressé ; que, dès lors, le licenciement envisagé de M. X... n'était pas de nature à porter atteinte à l'existence de l'institution des délégués du personnel dans l'entreprise ; que par suite la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande par le motif ci-dessus indiqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés devant le tribunal administratif ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la délivrance irrégulière de matériaux remis à un client sans bons de livraison et à l'insu de la société requérante, M. X... a servi d'intermédiaire entre le bénéficiaire et des salariés de l'entreprise ; qu'à supposer même que M. X... n'ait pas tiré un avantage personnel de ces agissements, il est établi qu'il a ainsi pris part à un détournement de matériaux ; que de tels faits, qui sont contraires à la probité et qui ne peuvent dès lors, en application des articles 14 et 15 de la loi susvisée du 20 juillet 1988, être regardés comme amnistiés, sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour faute de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES est fondée à demander l'annulation du jugement susvisé du 13 novembre 1990 du tribunal administratif de Versailles et l'annulation de la décision de l'inspection du travail en date du 28 avril 1988 lui refusant l'autorisation de licencier M. X... ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique dirigé contre cette décision par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles en date du 13 novembre 1990 est annulé.
Article 2 : La décision de l'inspecteur du travail du 28 avril 1988 et la décision ministérielle implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre ladite décision sont annulées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COMPTOIRS DES MATERIAUX MODERNES, à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 121930
Date de la décision : 01/03/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE


Références :

Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 1993, n° 121930
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Desrameaux
Rapporteur public ?: Kessler

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:121930.19930301
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award