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26/03/1993 | FRANCE | N°116389

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 26 mars 1993, 116389


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 février 1990 relatif à la représentation des organisations syndicales d'exploitants agricoles au sein de certains organismes ou commissions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitut

ion du 4 octobre 1958 ;
Vu le code du travail et notamment son article ...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), représentée par son président en exercice, dont le siège est ... ; la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 février 1990 relatif à la représentation des organisations syndicales d'exploitants agricoles au sein de certains organismes ou commissions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code du travail et notamment son article L.133-2 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré du défaut de contreseing de certains des ministres intéressés :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par le ministre chargé de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte" ;
Considérant qu'il ne résulte ni du décret attaqué, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que l'exécution dudit décret nécessite, par elle-même, l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles prises par d'autres ministres que celui de l'agriculture et notamment par celui de l'économie, des finances et du budget ; qu'ainsi le décret attaqué a pu être légalement pris par le Premier ministre, avec le contreseing du ministre de l'agriculture et de la forêt ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "La loi détermine les principes fondamentaux ... du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale" ;
Considérant que le décret attaqué a pour objet de fixer les conditions de représentation des organisations d'exploitants agricoles au sein d'organismes et de commissions dont la création résulte de dispositions réglementaires et dont le caractère est essentiellement consultatif ; que ce décret, n'ayant pas pour objet ni pour effet de déterminer les critères généraux de la représentativité des organisations d'exploitants agricoles, ne peut être regardé comme déterminant des principes fondamentaux de l'exercice du droit syndical dans le secteur de l'agriculture ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article L.133-2 du code du travail :
Considérant que cet article est relatif à l'extension des conventions d'accords collectifs de travail ; que le décret attaqué n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de cet article est inopérant ;
Sur la légalité de l'article 1er du décret attaqué :
Considérant que le principe d'égalité devant la loi n'exclut pas des différences de traitement liées à l'existence de différences de situation au regard de l'objet de la décision ; que les syndicats issus d'une scission ne peuvent être regardés, pour apprécier leur ancienneté, comme étant dans une situation identique à celle des syndicats nouvellement créés ; que, dès lors, en prévoyant que la condition d'ancienneté prévue au 1° de l'article 1er est remplie par une organisation issue de la scission d'une organisation remplissant elle-même cette condition, l'article 1er du décret attaqué n'a pas violé le principe d'égalité devant la loi ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que le Gouvernement a pu, sans méconnaître aucun principe, poser pour règle, par l'article 1er du décret attaqué, qu'une organisation syndicale, qui a obtenu 15 % des suffrages, serait habilitée à siéger dans les commissions et organismes mentionnés à l'annexe I de ce décret ;
Considérant que le syndicat requérant soutient cependant que le 2° de l'article 1er du décret attaqué, qui prévoit que " ... lorsque deux organisations syndicales ont constitué une liste d'union ayant obtenu plus de 30 % des suffrages, elles sont réputées satisfaire l'une et l'autre" à la condition d'obtention de 15 % des suffrages exprimés lors des élections à la chambre d'agriculture, viole le principe d'égalité devant la loi ;

Considérant que certaines organisations agricoles professionnelles présentant une liste commune lors des élections à la chambre d'agriculture, il n'est pas possible de déterminer, au cas où une telle liste a obtenu plus de 15 % de suffrages, celle d'entre elles, qui si elle s'était présentée seule, aurait obtenu ce pourcentage de suffrages ; qu'une organisation syndicale ne saurait cependant être regardée comme insuffisamment représentative au seul motif qu'elle ne s'est pas présentée seule devant les électeurs ; qu'en tenant compte de cette donnée de fait qu'il n'a pas le pouvoir de modifier et en décidant tout à la fois que les organisations ainsi regroupées ne seraient admises à désigner des représentants dans les organismes administratifs que si elles ont obtenu plus de 30 % des suffrages exprimés et que, dans ce cas, chacune d'elles sera réputée avoir obtenu 15 % des suffrages, le Gouvernement n'a méconnu aucun texte ; que, compte tenu du pourcentage ainsi retenu, il n'a pas porté atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
Considérant que les chambres d'agriculture sont chargées, dans leur circonscription, de représenter les intérêts agricoles et qu'elles remplissent, au niveau local, un rôle d'interlocuteur normal des pouvoirs publics ; que les élections auxdites chambres permettent d'apprécier, avec exactitude, l'influence des syndicats d'exploitants agricoles au niveau départemental, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte des résultats des élections à la mutualité agricole et aux tribunaux paritaires des baux ruraux dont les spécificités ne sont pas de nature à permettre d'apprécier avec précision l'influence respective des syndicats d'exploitants agricoles ; que le choix des élections aux chambres d'agriculture dans le premier collège regroupant les chefs d'exploitation et assimilés permet de mesurer avec exactitude l'influence des syndicats d'exploitants agricoles, sans qu'il soit besoin de prendre en compte les résultats du second collège représentant les organisations syndicales ; que la possibilité pour les candidats de se présenter dans le premier collège sans faire référence à leur appartenance syndicale, ni le mode de scrutin utilisé, ne sont de nature à remettre en cause, par eux-mêmes, le choix de ces élections comme référence, par le décret attaqué ;

Considérant, enfin, que les résultats obtenus aux élections aux chambres d'agriculture permettent d'apprécier l'influence des syndicats agricoles au niveau départemental sans qu'il soit besoin de se référer aux critères du nombre d'adhérents et des cotisations perçues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et du développement rural.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - INSTITUTIONS AGRICOLES - CHAMBRES D'AGRICULTURE - ELECTIONS - Liste d'union présentée par deux organisations syndicales - Incidence sur leur représentation dans divers organismes et commissions (décret n° 90-187 du 28 février 1990).

03-01-01-02 Le décret du 28 février 1990 prévoit, en son article 1er, qu'une organisation syndicale d'exploitants agricoles qui a obtenu 15 % des suffrages exprimés dans le premier collège lors des élections à la chambre d'agriculture sera habilitée à siéger dans divers commissions et organismes mentionnés à l'annexe I du décret. En son article 2, il prévoit que lorsque deux organisations ont constitué une liste d'union ayant obtenu plus de 30 % des suffrages, elles sont réputées satisfaire l'une et l'autre à la condition d'obtention des 15 %. Légalité de ces dispositions, qui ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi.

- RJ1 AGRICULTURE - PROBLEMES SOCIAUX DE L'AGRICULTURE - SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES - Critères de représentativité - Suffrages obtenus aux élections aux chambres d'agriculture - Représentation des organisations syndicales au sein de certains organismes et commissions (1).

03-02-055 Les résultats obtenus par les organisations syndicales d'exploitants agricoles aux élections aux chambres d'agriculture dans le collège des exploitants et assimilés permettent d'apprécier, avec exactitude, l'influence des syndicats d'exploitants agricoles au niveau départemental pour leur représentation au sein de certains organismes et commissions (décret n° 90-187 du 28 février 1990).

TRAVAIL ET EMPLOI - SYNDICATS - REPRESENTATIVITE - Exploitants agricoles - Représentativité des organisations syndicales d'exploitants agricoles au sein d'organismes et de commissions (décret n° 90-187 du 28 février 1990) - Violation de l'article L - 133-2 du code du travail - Caractère inopérant.

66-05-01 Le décret du 28 février 1990 relatif à la représentation des organisations syndicales d'exploitants agricoles au sein de certains organismes et commissions n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.133-2 du code du travail, relatif à l'extension des conventions d'accords collectifs de travail. Caractère inopérant du moyen tiré de la violation de l'article L.133-2.


Références :

Code du travail L133-2
Constitution du 04 octobre 1958 art. 22, art. 34
Décret 90-187 du 28 février 1990 décision attaquée confirmation

1.

Rappr. avec, le même jour, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, n° 73600, 73630, 73634


Publications
Proposition de citation: CE, 26 mar. 1993, n° 116389
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Salat-Baroux
Rapporteur public ?: M. Daël
Avocat(s) : Me Ricard, Avocat

Origine de la décision
Formation : 5 / 3 ssr
Date de la décision : 26/03/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 116389
Numéro NOR : CETATEXT000007814641 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-03-26;116389 ?
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