Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 26 juin 1989 et 21 juillet 1989, présentés pour le CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE, dont le siège est à Fort-de-France en Martinique (97200) ; le CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 25 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé sa délibération du 23 avril 1986 en tant qu'elle porte à 20 % le taux d'octroi de mer applicable à la farine de froment introduite en Martinique et de rejeter la demande de la société anonyme René Lancry tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment son article 55 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pineau, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE et de Me Vuitton, avocat de la société anonyme Lancry,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant que pour demander l'annulation de la délibération du CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE en date du 23 avril 1986 en tant qu'elle fixe le taux d'octroi de mer applicable à la Martinique à 20 % pour la farine de froment, la société anonyme Lancry soutenait notamment que cette délibération, prise sur le fondement de la loi n° 84-747 du 2 août 1984, était contraire aux dispositions du traité de Rome en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne et en particulier de ses articles 9, 13 et 95 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du traité de Rome "La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les Etats membres, des droits de douane à l'importation et de toutes taxes d'effet équivalent ..." ; qu'aux termes de l'article 13 du même traité : "2. Les taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation en vigueur entre les Etats membres sont progressivement supprimées par eux au cours de la période de transition", et qu'aux termes de l'article 95 du traité "Aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'imposition intérieure de nature à protéger indirectement d'autres productions" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées du traité de Rome telles qu'elles ont été interpréées par la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 16 juillet 1992 qu'une taxe proportionnelle à la valeur en douane des biens, perçue par un Etat membre sur les marchandises importées d'un autre Etat membre en raison de leur introduction dans une région du territoire du premier Etat membre, constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, en dépit du fait que la taxe frappe également les marchandises introduites dans cette région en provenance d'une autre partie de ce même Etat dès lors que les produits de ladite région ne supportent pas cette taxe ; que, par suite, la société demanderesse était fondée à soutenir que la délibération attaquée susmentionnée du 23 avril 1986, qui fixe le taux de l' "octroi de mer" c'est-à-dire d'une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, est contraire au traité de Rome ; que dans ces conditions, le CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé, à la demande de la société anonyme Lancry, sa délibération du 23 avril 1986 en tant qu'elle portait le taux de l' "octroi de mer" à 20 % pour la farine de froment ;
Article 1er : La requête du CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL REGIONAL DE LA REGION MARTINIQUE, à la société anonyme Lancry, au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.