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02/04/1993 | FRANCE | N°81519;86185

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 02 avril 1993, 81519 et 86185


Vu 1°), sous le n° 81 519, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 25 août 1986 et 24 décembre 1986, présentés pour la ville de Bastia ; la ville de Bastia demande que le Conseil d'Etat :
- réforme un jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1986 en tant que le tribunal administratif a limité à 418 550 F l'indemnité que la société méditerranéenne de travaux et de finitions et MM. René et André X... ont été conjointement et solidairement condamnés à lui verser en réparati

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Vu 1°), sous le n° 81 519, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 25 août 1986 et 24 décembre 1986, présentés pour la ville de Bastia ; la ville de Bastia demande que le Conseil d'Etat :
- réforme un jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1986 en tant que le tribunal administratif a limité à 418 550 F l'indemnité que la société méditerranéenne de travaux et de finitions et MM. René et André X... ont été conjointement et solidairement condamnés à lui verser en réparation des désordres affectant les bâtiments de la cité scolaire technique de Montesoro ;
- condamne conjointement et solidairement MM. X..., la société méditerranéenne de travaux et de finitions, la société "Tunzini Nessi", la société "Carrelages réunis" et la société "Omnium d'études et de travaux du Sud-Est" à lui verser une indemnité de 1 500 000 F avec les intérêts ;
Vu 2°), sous le n° 86 185, la requête en tierce opposition, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 30 mars 1987, présentée pour MM. René et André X... ; MM. René et André X... demandent que le Conseil d'Etat :
- annule sa décision du 3 décembre 1986 en tant qu'elle laisse à la charge des requérants l'indemnité due à la ville de Bastia du fait des désordres constatés dans la construction de la cité scolaire technique de Montesoro par l'effet du jugement en date du 18 octobre 1982 du tribunal administratif de Nice ;
- rejette la demande présentée par la ville de Bastia contre MM. X... devant le tribunal administratif ;
Vu, enregistré le 27 mars 1987, l'acte par lequel la ville de Bastia déclare se désister purement et simplement de sa requête ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pineau, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la ville de Bastia, de Me Boulloche, avocat de MM. René et André X... et de Me Odent, avocat de la société Sometra et autres,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de MM. René et André X... et la requête de la ville de Bastia présentent à juger des questions liées ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par un jugement du 18 octobre 1982, le tribunal administratif de Nice a condamné MM. X..., architectes, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, à verser à la ville de Bastia, en réparation de désordres constatés dans les bâtiments de la cité scolaire technique de Montesoro, conjointement et solidairement avec la société "Omnium d'études et de travaux du Sud-Est", titulaire du lot n° 1, une indemnité de 12 650 F, avec la société méditerranéenne de travaux et de finitions, titulaire du lot n° 2, une indemnité de 52 690 F et avec la société "Tunzini Nessi", titulaire du lot n° 17, une indemnité de 9 801 F ; qu'il a ordonné une nouvelle expertise relativement aux désordres survenus depuis le dépôt du rapport de l'expert désigné par une ordonnance de référé en date du 1er mars 1978 ; que, par un jugement du 19 juin 1986, le tribunal administratif a condamné conjointement et solidairement MM. X... et la société méditerranéenne de travaux et de finitions à verser une indemnité de 418 550 F à la ville de Bastia ; qu'il a en outre condamné cette société à garantir MM. X... des condamnations prononcées contre ceux-ci conjointement et solidairement avec elle ;
En ce qui concerne la requête de MM. X... :
Considérant que, par une décision du 3 décembre 1986, le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur des appels formés par les sociétés susmentionnnées contre le jugement du 18 octobre 1982 a annulé ce jugement en tant que le tribunal administratif avait prononcé la condamnation des sociétés envers la ville de Bastia et avait ordonné une nouvelle expertise avant de statuer sur les autres conclusions de la demande de la ville dirigées contre les mêmes sociétés ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition de MM. X... :
Considérant qu'en leur qualité de codébiteurs solidaires d'indemnités allouées à la ville de Bastia par le tribunal administratif, MM. X... devaient être appelés dans les instances introduites devant le Conseil d'Etat par les sociétés susmentionnées ; que les requêtes de ces sociétés ont été expédiées à l'adresse à laquelle le cabinet de MM. Bourdon était établi lors de la signature du contrat qu'ils avaient passé avec le maître de l'ouvrage, alors qu'ils avaient informé le tribunal administratif du nouveau lieu d'exercice de leur activité professionnelle ; qu'il est constant que MM. X... n'ont pas reçu communication de ces requêtes ; qu'ainsi, ils n'ont pas été régulièrement appelés dans les instances engagées devant le Conseil d'Etat ; que, dans la mesure où elle a pour effet de mettre à la charge exclusive de MM. X... les indemnités allouées à la ville de Bastia par le jugement du 18 octobre 1982, la décision rendue par le Conseil d'Etat le 3 décembre 1986 préjudicie aux droits des requérants ; que, dès lors, ceux-ci, qui ont été privés de la possibilité de former un recours incident ou un appel provoqué avant qu'il ne soit statué sur cette décision, sont recevables à faire tierce opposition à celle-ci en présentant un appel provoqué à l'encontre de la ville de Bastia ;
Sur l'appel provoqué de MM. X... :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des stipulations contractuelles applicables aux marchés passés par la ville de Bastia avec les sociétés susmentionnées, le délai imparti au maître de l'ouvrage pour mettre en jeu la responsabilité de ces sociétés au titre de la garantie décennale a commencé à courir à la date de la réception provisoire des travaux, sauf pour les parties d'ouvrages affectées de défectuosités qui se sont révélées pendant le délai contractuel de garantie et auxquelles il n'a pas été remédié ; qu'eu égard à la nature des rapports existant entre l'architecte et l'entrepreneur pour l'exécution des marchés de travaux publics et aux effets des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, le point de départ du délai de la garantie décennale doit être fixé à la même date pour l'architecte et l'entrepreneur, alors même que l'architecte n'est pas partie au marché passé entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception provisoire a été prononcée le 20 juin 1972, avec effet au 25 septembre 1969 pour la première tranche de l'opération, au 10 septembre 1970 pour la deuxième tranche et au 16 juillet 1971 pour la troisième tranche ; que la demande d'indemnité présentée par la ville de Bastia devant le tribunal administratif le 8 avril 1982 ne portait pas sur des parties d'ouvrages ayant fait l'objet des réserves formulées lors de la réception provisoire ; qu'ainsi, MM. X... sont fondés à soutenir qu'à cette dernière date, le délai de l'action en garantie décennale était expiré s'agissant des ouvrages relevant des trois premières tranches ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les désordres affectant les ouvrages de la quatrième tranche de l'opération aient été de nature à compromettre la solidité des constructions ou à rendre celles-ci impropres à leur destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. X... sont fondés à demander l'annulation du jugement du 18 octobre 1982 en tant que le tribunal administratif les a condamnés à verser des indemnités de 12 650 F, 52 690 F et 9 801 F à la ville de Bastia et en tant qu'il a ordonné une expertise, avant de statuer sur les conclusions de la demande de la ville dirigées contre MM. X... relativement aux lots n os 1, 2 et 17 ;
En ce qui concerne la requête de la ville de Bastia :
Considérant que la ville de Bastia a déclaré se désister purement et simplement de sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1986 ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Considérant que ce désistement n'a été accepté par la société méditerranéenne de travaux et de finitions que sous réserve du maintien du recours incident formé par celle-ci avant l'enregistrement de l'acte de désistement au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; qu'ainsi il y a lieu de statuer sur ce recours incident ; que, la présente décision rejetant les conclusions de la demande de la ville de Bastia dirigées contre la société, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement du 19 juin 1986, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à la ville, conjointement et solidairement avec MM. X..., une indemnité de 418 550 F ;
Considérant que, si MM. X... n'ont formé ni un appel principal ni un appel provoqué contre ce jugement et si leur recours incident n'a été présenté qu'après l'enregistrement de l'acte de désistement de la ville, il existe une contradiction entre les articles 1er et 2 dudit jugement, qui les condamnent à payer une indemnité à la ville et à supporter les frais d'expertise, et la présente décision, qui rejette la demande présentée par la ville devant le tribunal administratif à l'encontre des architectes en tant que cette demande est relative aux lots n os 1, 2 et 17 ; qu'en raison de cette contradiction, il y a lieu de déclarer nuls et non avenus les articles 1er et 2 du jugement attaqué dans la mesure où le tribunal administratif condamne MM. X... à payer une indemnité de 418 550 F à la ville de Bastia et à supporter les frais d'expertise ;

Considérant que, la présente décision déchargeant MM. X... des condamnations prononcées à leur encontre par les jugements des 18 octobre 1982 et 19 juin 1986, les conclusions de l'appel provoqué formé par la société méditerranéenne de travaux et de finitions contre MM. X... et dirigé contre les articles 5 et 6 du jugement du 19 juin 1986 condamnant cette société à garantir les architectes des condamnations prononcées à leur encontre sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de la ville de Bastia les frais de l'expertise ordonnée par le jugement du 19 juin 1986 ;
Article 1er : La tierce opposition formée par MM. René et André X... contre la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 3 décembre 1986 est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 octobre 1982 est annulé en tant que le tribunal administratif a condamné MM. René et André X... à verser des indemnités de 12 650 F, 52 690 F et 9 801 F à la ville de Bastia et en tant qu'il a ordonné une expertise avant de statuer sur les autres conclusions de la demande de la ville de Bastia relatives aux lots n os 1, 2 et 17.
Article 3 : La demande présentée par la ville de Bastia devant le tribunal administratif de Nice est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre MM. René et André X... relativement aux lots n os 1, 2 et 17.
Article 4 : Il est donné acte du désistement de la requête n° 81519 formé par la ville de Bastia.
Article 5 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1986 sont annulés.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société méditerranéenne de travaux et de finitions dirigées contre les articles 5 et 6 du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 19 juin 1986.
Article 7 : Les frais de l'expertise ordonnée par le jugement dutribunal administratif de Nice en date du 18 octobre 1982 sont mis à la charge de la ville de Bastia.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à MM. René et André X..., à la ville de Bastia, à la société "Omnium d'études et de travaux du Sud-Est", à la société méditerranéenne de travaux et definitions, à la société "Tunzini Nessi", à la société "Carrelages réunis", au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale et de la culture et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.


Sens de l'arrêt : Admission de la tierce opposition annulation partielle désistement
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - TIERCE OPPOSITION - Recevabilité - Existence - Architectes condamnés solidairement avec les constructeurs en première instance - Décision du juge d'appel ayant mis à la charge exclusive des architectes les sommes allouées au maître d'ouvrage - Recevabilité des architectes à y faire tierce-opposition en présentant un appel provoqué à l'encontre du maître d'ouvrage.

39-08-04-04, 54-08-04-01 Architectes codébiteurs solidaires d'indemnités allouées à une commune maître d'ouvrage par le tribunal administratif. En cette qualité, ils devaient être appelée dans les instances introduites devant le Conseil d'Etat par les sociétés constructrices. Les requêtes de ces sociétés ont été expédiées à l'adresse à laquelle le cabinet des architectes était établi lors de la signature du contrat qu'ils avaient passé avec le maître d'ouvrage, alors qu'ils avaient informé le tribunal administratif du nouveau lieu d'exercice de leur activité professionnelle. Il est constant que les architectes n'ont pas reçu communication de ces requêtes. Ainsi, ils n'ont pas été régulièrement appelés dans les instances engagées devant le Conseil d'Etat. Dans la mesure où elle a pour effet de mettre à la charge exclusive des architectes les indemnités allouées à la ville par le jugement du tribunal, la décision rendue par le Conseil d'Etat préjudicie aux droits des requérants. Dès lors, ceux-ci, qui ont été privés de la possibilité de former un recours incident ou un appel provoqué avant qu'il ne soit statué sur cette décision, sont recevables à faire tierce-opposition à celle-ci en présentant un appel provoqué à l'encontre de la ville.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - TIERCE-OPPOSITION - RECEVABILITE - Existence - Tierce-opposition d'architectes condamnés solidairement avec les constructeurs en première instance à l'arrêt ayant mis à la charge exclusive des architectes les sommes allouées au maître d'ouvrage.


Références :

Code civil 1792, 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 02 avr. 1993, n° 81519;86185
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Pineau
Rapporteur public ?: M. Lasvignes
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Mes Boulloche, Odent, Avocat

Origine de la décision
Formation : 7 /10 ssr
Date de la décision : 02/04/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 81519;86185
Numéro NOR : CETATEXT000007834592 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-04-02;81519 ?
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