Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 15 février 1988 et 10 juin 1988, présentés pour M. Roger X..., demeurant ..., Le Teilleul (50640) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement, en date du 1er décembre 1987, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 à 1979 dans les rôles de la commune de Buais ;
2°) lui accorde la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ;
Vu le décret du 30 juillet 1963 et notamment son article 54 modifié par le décret n° 84-19 du 29 août 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. Roger X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que le ministre en appel déclare renoncer à taxer la somme de 630 000 F versée en 1978 sur un compte bancaire attribué par erreur à M. X... ; que, par une décision en date du 7 octobre 1991, le directeur départemental des services fiscaux de la Manche a accordé à ce titre au contribuable un dégrèvement de 522 023 F ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;
Sur les revenus d'origine indéterminée restant taxés :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 176 du code général des impôts alors en vigueur, que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a recueilli des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne les années 1977, 1978 et 1979, l'écart entre le montant des crédits inscrits sur les comptes bancaires personnels de M. X... qui exerce les deux activités d'exploitant agricole et de commissionnaire en crème, oeufs et produits vétérinaires, et les revenus déclarés par celui-ci ne permettait pas à l'administration de lui adresser à bon droit des demandes de justifications sur le fondement des dispositions précitées ; qu'eu égard aux éléments les composant, les balances de trésorerie dressées par le service et faisant apparaître des soldes créditeurs que l'administration a d'ailleurs renoncé à imposer ne pouvaient davantage justifier le recours à la procédure prévue à cet article ; qu, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X... est fondé à demander la décharge des compléments d'impôt sur le revenu correspondant à la taxation de revenus d'origine inexpliquée au titre de ces trois années ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'année 1976, l'écart entre les versements d'espèces effectués sur les comptes personnels de M. X... et les revenus déclarés par celui-ci permettait à l'administration d'adresser au contribuable une demande de justifications ; que, faute pour celui-ci d'avoir répondu dans le délai qui lui était imparti, le service a pu à bon droit recourir à la taxation d'office des sommes dont l'origine était restée inexpliquée ; que, dès lors, il appartient au requérant d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses ;
Considérant que si, pour justifier la nature et l'origine d'une somme de 190 625 F versée en espèces le 23 juin 1976 sur son compte bancaire personnel, le requérant soutient qu'elle représente le produit de la vente d'un immeuble à Nogent-sur-Marne réalisée le 20 décembre 1974 moyennant le prix de 180 000 F, auquel il aurait adjoint des économies, il n'établit pas avoir conservé par devers lui de telles liquidités ni même avoir perçu en espèces tout ou partie du montant de la transaction ; qu'en invoquant des retraits opérés sur ses comptes au cours de l'année 1975, il ne justifie pas davantage des versements d'espèces constatés sur ses comptes bancaires personnels les 30 mars, 7 avril et 5 octobre 1976 pour des montants respectivement de 15 000 F, 80 000 F et 30 000 F ;
Sur les revenus fonciers :
Considérant que M. X... a contracté un emprunt pour l'acquisition en 1976 d'un appartement au Perreux-sur-Marne qu'il a mis à la disposition de sa fille ; que celle-ci lui verse tous les mois une somme de 2 183 F correspondant au remboursement du prêt ; que, pour contester l'imposition de ces sommes, M. X... fait valoir qu'en raison de la caution solidaire qu'elle a apportée lors de la conclusion du prêt, sa fille serait à son égard subrogée, à concurrence des versements qu'elle effectue, dans tous les droits de l'établissement bancaire ; que toutefois, sa fille ne s'est pas substituée au débiteur principal pour régler l'établissement prêteur mais s'est bornée à verser les sommes correspondantes sur le compte de son père ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à contester l'imposition de ces sommes dans la catégorie des revenus fonciers ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif a refusé de lui accorder la réduction des compléments d'impôt sur le revenu correspondant à la taxation des revenus d'origine indéterminée au titre des années 1977, 1978 et 1979 ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X... relative à l'impôt sur le revenu mis à la charge de celui-ci au titre de 1978 à concurrence de 522 023 F.
Article 2 : Les bases imposables à l'impôt sur le revenu de M. X... sont réduites du montant des revenus d'origine indéterminée restant taxés d'office au titre des années 1977, 1978 et 1979.
Article 3 : M. X... est déchargé de la différence entre les impositions et les pénalités auxquelles il reste assujetti et celles correspondant aux bases rectifiées conformément à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 1er décembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Roger X... et au ministre du budget.