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07/04/1993 | FRANCE | N°133127;136040

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 07 avril 1993, 133127 et 136040


Vu 1°), sous le n° 133 127, la requête, enregistrée le 14 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour les consorts Y..., demeurant ... ; les consorts Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 novembre 1991 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la liaison ferroviaire Eole (Est-Ouest Liaison Express) ;
2°/ de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
3°/ de condamner l'Etat à leur payer au titre du préjudice subi, en cas d'annulation, une som

me équivalente à l'indemnité d'expropriation ;
Vu 2°) sous le n° 136 040, l...

Vu 1°), sous le n° 133 127, la requête, enregistrée le 14 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour les consorts Y..., demeurant ... ; les consorts Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 novembre 1991 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la liaison ferroviaire Eole (Est-Ouest Liaison Express) ;
2°/ de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
3°/ de condamner l'Etat à leur payer au titre du préjudice subi, en cas d'annulation, une somme équivalente à l'indemnité d'expropriation ;
Vu 2°) sous le n° 136 040, la requête enregistrée le 3 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour les consorts Y..., demeurant ... ; les consorts Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 5 février 1992 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a prononcé la cessibilité immédiate de diverses parcelles sises dans le 10ème arrondissement de Paris ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. du Marais, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat des consorts Y...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur la connexité :
Considérant qu'eu égard à la connexité existant entre, d'une part, la requête des consorts Y... enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 133 127, tendant à l'annulation du décret du 15 novembre 1991 par lequel ont été déclarés d'utilité publique et urgents les travaux de construction nécessaires à la réalisation de la liaison ferroviaire Eole (Est-Ouest Liaison Express) et, d'autre part, la requête des consorts Y... enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 136 040 tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 1992 par lequel le préfet de Paris a prononcé, en application du décret précité, la cessibilité de diverses parcelles sises dans le 10ème arrondissement de Paris, le Conseil d'Etat est compétent, en application de l'article 2 bis du décret du 30 septembre 1953 modifié, pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble de ces requêtes ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par une seule décision ;
Sur la requête n° 133 127 :
En ce qui concerne la procédure préalable à la déclaration d'utilité publique :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne la déclaration d'utilité publique de travaux à la réalisation, par la collectivité pétitionnaire, d'un état des lieux ou à des mesures relevant de la compétence du juge du référé administratif ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet a, conformément aux dispositions du I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation, fait l'objet d'une appréciation sommaire des dépenses ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le dossier d'enquête publique comprenne le détail des éléments retenus pour aboutir à l'estimation sommaire des dépenses et notamment indique le coût de l'expropriation en tant qu'elle concerne l'immeuble en cause ;
Considérant, en troisième lieu, que les consorts Y... soutiennent que la réalisation de la liaison piétonnière souterraine entraînant l'expropriation de leur immeuble n'était pas prévue par le dossier d'enquête publique, et qu'ainsi l'opération déclarée d'utilité publique différait substantiellement de celle ayant fait l'objet de la consultation ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier soumis à l'enquête publique, que ce moyen manque en fait ;
Considérant, en quatrième lieu, que les consorts Y... soutiennent que la commission aurait émis, sur ce projet de liaison piétonnière, des réserves qui n'auraient pas été satisfaites, ce qui équivaudrait à un avis défavorable sur cet aspect du projet déclaré d'utilité publique ; que ce moyen, à le supposer fondé, est sans influence sur la légalité d'une déclaration d'utilité publique prononcée par décret en Conseil d'Etat ;
En ce qui concerne la consultation du ministre chargé des monuments historiques :

Considérant qu'en vertu des articles 13 bis et 13 ter de la loi du 31 décembre 1913, l'architecte des bâtiments de France ou l'architecte départemental des monuments historique doivent émettre un avis préalablement à toute modification d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ; que le décret attaqué, qui déclare d'utilité publique des travaux, n'entraîne pas, en lui-même, de modifications d'immeubles ; que, par suite, l'absence des avis susmentionnés, alors que l'immeuble des requérantes serait situé dans le champ de visibilité de la gare de l'Est, monument inscrit, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le décret attaqué ;
En ce qui concerne l'utilité publique du projet déclaré d'utilité publique :
Considérant que le projet de réalisation par la S.N.C.F. de la liaison ferroviaire Eole du réseau Express régional de la région parisienne comprend la construction d'une liaison piétonnière souterraine assurant les échanges entre la nouvelle gare ainsi créée, dite "Gare Nord-Est" et les gares du Nord et de l'Est, ainsi que le réseau du métropolitain ; que cet ouvrage, qui nécessite des travaux souterrains importants et mettant en danger la solidité des immeubles en surface et la sécurité de leurs habitants, permet une meilleure correspondance pour les usagers entre les différents moyens de transports ainsi reliés ; que s'il est constant que la Société Nationale des Chemins de Fer Français, pétitionnaire, possède un terrain à proximité de la parcelle litigieuse, il ressort des pièces du dossier que ce terrain, dont il est d'ailleurs projeté d'utiliser le tréfonds pour l'opération en cause, n'est pas de nature à permettre la réalisation de cette opération dans des conditions équivalentes ; que ledit ouvrage présente, dès lors et en lui-même, un caractère d'intérêt public ; que les atteintes à la propriété privée qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt que présente le projet ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur la requête n° 136 040 :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté préfectoral attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si l'arrêté du 5 février 1992 attaqué vise "l'arrêté préfectoral du 13 septembre 1991 prescrivant l'ouverture de l'enquête parcellaire" alors qu'il est constant que ledit arrêté est intervenu le 21 juin 1991, cette erreur matérielle est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 5 février 1992 attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R.11-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Le commissaire-enquêteur ... donne son avis ... après avoir entendu toutes personnes susceptibles de l'éclairer" ; qu'il n'est pas contesté que M. X..., commissaire-enquêteur, a participé après la clôture de l'enquête mais avant la remise de son rapport, à une réunion d'information avec des représentants de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, pétitionnaire, à laquelle participaient d'ailleurs les représentants des propriétaires concernés ; qu'il résulte des dispositions précitées que cette circonstance n'est pas de nature à avoir entaché d'irrégularité la procédure ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que le commissaire chargé de l'enquête parcellaire ait émis un avis différent de celui de la commission chargée de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire figurant tant au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que dans d'autres textes, ne subordonne la cessibilité de parcelles nécessaires à la réalisation d'une opération déclarée d'utilité publique, à l'établissement d'un état des lieux ou à la prise de mesures relevant de la compétence du juge du référé administratif ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'absence d'avis de l'architecte des bâtiments de France, en application des dispositions précitées des articles 13 bis et 13 ter de la loi du 31 décembre 1913, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté attaqué qui, se bornant à déclarer la cessibilité de diverses parcelles, n'entraîne pas de modification d'immeubles ;
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué déclare cessible, tant en ce qui concerne la surface que le tréfonds, la parcelle dont les consorts Y... sont copropriétaires et qui figure dans l'emprise de l'opération déclarée d'utilité publique, dans le but de permettre la construction, dans des conditions d'exécution et de sécurité satisfaisantes, d'un des éléments de la gare Nord-Est de cette future ligne ; que l'utilisation de cette parcelle est ainsi conforme à l'objet des travaux, tel qu'il résultait de la procédure de déclaration d'utilité publique, et en est la conséquence nécessaire ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la Société Nationale des Chemins de Fer Français, pétitionnaire, possède un terrain à proximité de la parcelle litigieuse est inopérant à l'encontre de l'arrêté de cessibilité attaqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts Y... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Article 1er : Les requêtes n os 133 127 et 136 040 des consorts Y... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux consorts Y..., à la Société Nationale des Chemins de Fer Français et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 133127;136040
Date de la décision : 07/04/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - EXISTENCE - INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT - Liaison piétonnière souterraine entre des gares de voyageurs et le réseau du métropolitain.

34-01-01-02-04 La construction à Paris d'une liaison piétonnière souterraine assurant les échanges entre la gare créée dans le cadre du projet "Eole", dite "Gare Nord-Est", les gares du Nord et de l'Est, et le réseau du métropolitain, qui nécessite des travaux souterrains importants et mettant en danger la solidité des immeubles en surface et la sécurité de leurs habitants, permet une meilleure correspondance pour les usagers entre les différents moyens de transports ainsi reliés. Ledit ouvrage présente un caractère d'intérêt public au regard duquel les atteintes à la propriété privée qu'il comporte ne sont pas excessifs.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES GENERALES DE LA PROCEDURE NORMALE - ACTE DECLARATIF D'UTILITE PUBLIQUE - FORME ET PROCEDURE - PROCEDURE CONSULTATIVE - Architecte des bâtiments de France - Déclaration d'utilité publique n'entraînant pas de modifications d'immeubles - Consultation préalable obligatoire de l'architecte des bâtiments de France - Absence.

34-02-02-02-01, 41-01-05-01 En vertu des articles 13 bis et 13 ter de la loi du 31 décembre 1913, l'architecte des bâtiments de France ou l'architecte départemental des monuments historiques doivent émettre un avis préalablement à toute modification d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit. Mais dès lors que le décret qui déclare d'utilité publique des travaux n'entraîne pas, en lui-même, de modifications d'immeubles, l'absence des avis susmentionnés n'est pas de nature à entacher d'irrégularité ledit décret, nonobstant la circonstance que l'immeuble des requérants, exproprié pour réaliser une liaison piétonnière souterraine, est situé dans le champ de visibilité d'un monument inscrit.

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS HISTORIQUES - MESURES APPLICABLES AUX IMMEUBLES SITUES DANS LE CHAMP DE VISIBILITE D'UN EDIFICE CLASSE OU INSCRIT (ARTICLE 13 BIS DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1913) - CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 13 BIS - Déclaration d'utilité publique n'entraînant pas de modifications d'immeubles situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit - Exclusion.


Références :

Code de l'expropriation R11-3, R11-25
Décret du 15 novembre 1991 déclaration d'utilité publique décision attaquée confirmation
Décret 53-934 du 30 septembre 1953 art. 2 bis
Loi du 31 décembre 1913 art. 13 bis, art. 13 ter


Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 1993, n° 133127;136040
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. du Marais
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:133127.19930407
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